L’avis des représentants du personnel sur le reclassement d’un salarié inapte doit être recueilli avant la proposition

Jurisprudence
Paie Inaptitude

L’avis des représentants du personnel sur le reclassement du salarié, doit être recueilli après que l'inaptitude du salarié ait été constatée, et avant une proposition à l'intéressé d'un poste de reclassement approprié à ses capacités.

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Un salarié est engagé en qualité de chauffeur-livreur le 11 mars 2008.


A la suite d'un accident du travail du 19 mai 2015, le salarié a été placé en arrêt de travail du 19 mai 2015 au 31 octobre 2016.
A l'issue d'un examen médical du 3 novembre 2016, il a été déclaré inapte à son poste.

Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 9 décembre 2016, il saisit la juridiction prud'homale, aux fins de voir reconnaitre son licenciement sans cause réelle et sérieuse, par défaut de consultation des représentants du personnel sur les propositions de reclassement.

La cour d'appel de Rennes, par arrêt du 16 septembre 2021, déboute le salarié de sa demande, estimant fondé sur une cause réelle et sérieuse son licenciement.

Pour cela la cour d’appel relève que :

  • Qu’il avait été proposé au salarié 6 postes disponibles en interne le 16 novembre 2016 ;
  • Et le fait que l'employeur démontre avoir consulté des délégués du personnel le 23 novembre 2016, soit avant la lettre de convocation à l'entretien préalable du 24 novembre.

La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt.

Pour cela elle indique que :

  • L’avis des représentants du personnel sur le reclassement du salarié;
  • Doit être recueilli après que l'inaptitude du salarié ait été constatée ;
  • Et avant une proposition à l'intéressé d'un poste de reclassement approprié à ses capacités.

Dans l’affaire présente, elle relève qu’il avait été constaté que :

  • Les délégués du personnel avaient été consultés postérieurement aux offres de reclassement adressées au salarié.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1226-10 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

  1. Selon ce texte, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.
  1. Il en résulte que l'avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié, prévu par ce texte, doit être recueilli après que l'inaptitude du salarié a été constatée dans les conditions prévues par l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa version antérieure à celle issue du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, et avant une proposition à l'intéressé d'un poste de reclassement approprié à ses capacités.
  1. Pour déclarer fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié, l'arrêt, après avoir relevé qu'il avait été proposé au salarié six postes disponibles en interne le 16 novembre 2016, retient que l'employeur démontre avoir consulté des délégués du personnel le 23 novembre 2016, soit avant la lettre de convocation à l'entretien préalable du 24 novembre.
  1. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que les délégués du personnel avaient été consultés postérieurement aux offres de reclassement adressées au salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

  1. La cassation du chef de l'arrêt disant que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et déboutant le salarié de sa demande de dommages-intérêts n'emporte pas la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de M. [V] repose sur une cause réelle et sérieuse et le déboute de sa demande indemnitaire de ce chef, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Cour de cassation du , pourvoi n°21-24226

La Cour de cassation aborde le reclassement d’un salarié déclaré inapte.

Nous vous proposons à ce sujet quelques informations essentielles, issues d’une fiche pratique exclusivement consacrée à cette thématique.

Obligation de reclassement

Ce sont les articles suivants du code du travail qui nous donnent les informations concernant l’obligation de reclassement par l’employeur en cas d’inaptitude :

  • Article L 1226-2-1 ;
  • Article L 1226-12 ;
  • Article L 1226-20. 

Article L1226-2-1

Création LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.

Article L1226-12

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

Article L1226-20

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article L. 1226-12 et des articles L. 1226-14 à L. 1226-16, relatives aux conditions de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne sont pas applicables.

Si l'employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11, au salarié déclaré inapte titulaire d'un tel contrat ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat.

Les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée.

La rupture du contrat ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Cette indemnité de rupture est versée selon les mêmes modalités que l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8.

Sont ainsi confirmés les points suivants :

  • L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
  • Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (l’article L 1226-12 évoque ce point pour une inaptitude d’origine professionnelle, et l’article L 1226-2-1 au titre d’une inaptitude d’origine non professionnelle).

Dispense obligation de reclassement 

La loi travail apporte une modification importante à ce sujet.

Désormais, l’employeur est dispensé de son obligation de proposer un reclassement, sous réserve de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail :

  • Que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
  • Ou que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Désormais, dans l’esprit d’harmoniser les règles de reclassement, cette possibilité est ouverte :

  • En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
  • Mais également en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle.

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