Le harcèlement au travail

Fiche pratique
RH Risques professionnels

Harcèlement moral et sexuel au travail : Comment le qualifier ? Quelle est la responsabilité de l'employeur ? Quels sont les affichages obligatoires au sein de l'entreprise ?

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L’employeur a une obligation générale de sécurité à l’égard de ses salariés. A ce titre, il doit prendre les mesures nécessaires à la protection de leur santé physique et morale et donc veiller à la prévention du harcèlement moral et sexuel au sein de l’entreprise.

Qu’est-ce-que le harcèlement sexuel ?

Il s’agit de propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui portent atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou le fait de créer à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Ces « comportements » doivent avoir été imposés à la victime et les actes doivent avoir été répétés au minimum deux fois.

Est assimilée au harcèlement sexuel, toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

Article L 1153-1 du Code du Travail.

Selon les circonstances, le harcèlement sexuel peut être caractérisé par un fait unique. C'est ce qu'ont considéré les juges à propos d'un employeur qui a conseillé à une de ses salariées de « dormir avec lui dans sa chambre, ce qui lui permettrait de lui faire du bien » alors qu'elle s'était plainte de coups de soleil. Cass. soc., 17/05/17, n° 15-19.300.

Le harcèlement sexuel peut également consister en un harcèlement « d'ambiance », même si la victime n'est pas visée directement : plaisanteries à connotation sexuelle, propos obscènes, salaces, vulgaires, blessants, humiliants à l'encontre des femmes. CA Orléans, 07/02/17, n° 15/02566.

Exemple d’harcèlement sexuel : Les faits reprochés au salarié caractérisent un harcèlement sexuel dès lors qu’ils résultaient de son comportement insistant, évolutif puis violemment agressif par l’envoi d’un message pornographique, insultant, dégradant et d’un effet très préjudiciable pour sa destinataire. Cass. soc., 13/07/17, n° 16-12.493.

Qu’est-ce-que le harcèlement moral ?

Le harcèlement moral est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la victime, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Un seul acte n’est pas suffisant pour caractériser le harcèlement moral. En revanche, un fait unique mais répété et perdurant pendant une certaine période, peut caractériser le harcèlement moral.

En effet, pour apprécier si les faits avancés par le salarié permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral, les juges doivent prendre ces faits dans leur ensemble et non de manière séparée. Cass. soc, n° 15-11.414, 02/06/16.

Article L 1152-1 du Code du Travail.

Exemple d’harcèlement moral : Les faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral sont caractérisés lorsque l’employeur a sanctionné le supérieur hiérarchique d’un salarié pour des agissements dénoncés par le salarié auquel il avait proposé un éloignement ponctuel, de nature à apaiser la situation. Cass. soc., 13/07/17, n° 16-12.701.

Pour calculer le délai de prescription, il faut se placer à la date du dernier acte reproché. Un salarié peut ainsi parfaitement intenter une action pour des faits qui se seraient, selon lui, déroulés sur une période de 20 ans, malgré un délai de prescription de 6 ans. Cass. Crim., 19/06/19, n° 18-85.725.

Enfin, les dispositions du Code du travail, selon lesquelles aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, sont applicables à un salarié dispensé d’activité en raison d’une période de congé de fin de carrière, dès lors que le contrat de travail n’est pas rompu pendant cette période. Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-28.328.

Quels sont les affichages obligatoires en matière de harcèlement ?

Dans les entreprises de 50 salariés et plus, les dispositions relatives à l’interdiction du harcèlement doivent être intégrées dans le règlement intérieur.

Dans toutes les entreprises quel que soit l’effectif, les dispositions du code pénal relatives au harcèlement doivent être affichées. Il s’agit des articles 222-33, 222-33-2 et 222-33-2-2 du code pénal.

Article L 1153-5 du Code du Travail.

Quelle est l’étendue de la responsabilité de l’employeur ?

S’agissant de la santé morale de ses salariés, l’employeur a une obligation de résultat.

La responsabilité de l’employeur peut être engagée quand bien même ce ne serait pas lui qui aurait commis les faits. En effet, l’employeur doit, dès lors qu’il en a eu connaissance, tout mettre en œuvre pour faire cesser des actes de harcèlement. Afin de se dégager de sa responsabilité, l’employeur devra prouver qu’il a pris les mesures de prévention nécessaires contre le harcèlement.

Articles L 1152-4 et L 1153-5 du Code du Travail.

Sur qui repose la charge de la preuve en matière de harcèlement ?

Le salarié victime doit établir la matérialité des faits constitutifs du harcèlement, par exemple en fournissant des attestations, témoignages, e-mails, etc…

Le juge apprécie ensuite si l’ensemble des éléments apportés par le salarié permettent de présumer de l’existence d’un harcèlement.

L’employeur ou l’auteur des faits reprochés doit prouver que les faits invoqués ne sont pas constitutifs de harcèlement.

La jurisprudence considère que les attestations concordantes de plusieurs victimes (4 en l’espèce) suffisent à prouver les faits de harcèlement sexuel. Cass. soc., 05/12/18, n° 17-24.794

L’employeur peut-il sanctionner un salarié auteur d’actes de harcèlement ?

Oui. L’employeur peut prononcer une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave à l’encontre d’un salarié ayant commis des actes de harcèlement.

Articles L 1152-5 et L 1153-6 du Code du Travail.

 Dès lors qu’un salarié est coupable pénalement du délit de harcèlement moral et/ou sexuel et que l’entreprise a subi un préjudice directement lié, l’employeur peut se constituer partie civile au procès pénal en vue d’obtenir réparation du préjudice subi par des dommages et intérêts. Cass. crim., 14/11/17, n° 16-85.161.

 

De quelle protection bénéficie la victime d’actes de harcèlement ?

Le salarié victime d’actes de harcèlement et le salarié témoin qui a relaté des faits constitutifs de harcèlement ne peuvent faire l’objet d’aucune sanction ou mesure discriminatoire.

Lorsque le harcèlement entraîne un arrêt maladie du salarié, l’employeur ne peut pas le licencier au motif que son absence perturbe le fonctionnement de l’entreprise.

Articles L 1152-2 et L 1153-2 du Code du Travail.

Qu’est-ce que l’outrage sexiste ?

La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a modifié et complété sur plusieurs points les dispositions du code de procédure pénale et du code pénal afin de réprimer de façon plus efficace toutes les formes de violences sexuelles et sexistes.

La nouvelle contravention d’outrage sexiste a pour principal objet de réprimer le phénomène de harcèlement de rue dont les femmes sont très fréquemment victimes.

L’infraction pénale est définie comme le fait « d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Cette définition est ainsi similaire à celle du harcèlement sexuel, à la différence que n’est pas reprise l’exigence de répétition des faits, et qu’un propos ou comportement unique peut donc caractériser l’infraction.

Pourront par exemple être qualifiés d’outrages sexistes les faits suivants :

  • Des propositions sexuelles, mais également certaines attitudes non verbales telles que des gestes imitant ou suggérant un acte sexuel, des sifflements ou des bruitages obscènes ou ayant pour finalité d’interpeller la victime de manière dégradante ;
  • Des commentaires dégradants sur l’attitude vestimentaire ou l’apparence physique de la victime ;
  • Une poursuite insistante de la victime dans la rue.

Le champ d’application de l’outrage sexiste ne se limite pas à l’espace public. Cela signifie que l’infraction sera constituée quel que soit son lieu de commission : lieu public tel que la rue, transports en commun, établissement scolaire, ou lieu privé, tel un espace de travail.

L'outrage sexiste est puni de l'amende prévue pour les contraventions de 4ème classe.

7 circonstances aggravantes portent l’amende à celle des contraventions de 5ème classe :

  • L’abus d’autorité ;
  • La minorité de 15 ans de la victime ;
  • La particulière vulnérabilité physique de la victime ;
  • La particulière vulnérabilité économique de la victime ;
  • La commission en réunion ;
  • La commission dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
  • La commission en raison de l’orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime.

La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social a inséré à l’article L 1142-2-1 du Code du travail une mesure de protection des salariés contre les agissements sexistes. De tels faits sont assimilés à une discrimination.

La notion de cyber-harcèlement

Depuis la loi du 3 août 2018, le harcèlement sexuel et le harcèlement moral ne renvoient plus seulement à la répétition par une même personne de propos ou comportements constitutifs de harcèlement.

L’exigence de répétition des actes a été précisée, afin qu’elle puisse également s’appliquer dans les cas où cette répétition est le fait de plusieurs personnes.

L'infraction est ainsi également constituée :

  • Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;
  • Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

Cette extension de la notion de répétition a principalement pour objet de réprimer les faits de « cyber-harcèlement », qui sont fréquemment commis par plusieurs personnes dont aucune n’a cependant agi de façon répétée, et que l’on peut alors qualifier de « raid numérique ».

C’est précisément pour mieux réprimer ces faits qu’a été ajoutée une nouvelle circonstance aggravante du harcèlement lorsqu’il a été fait utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique.

Ainsi, les envois de messages sexuels ou sexistes à un même destinataire par plusieurs personnes utilisant les réseaux sociaux sur internet, soit lorsque ces envois résultent d’une concertation préalable, soit lorsqu’en l’absence de concertation, chaque internaute a nécessairement eu connaissance des précédents envois avant de transmettre lui-même son message, pourront constituer le délit de harcèlement sexuel aggravé.

Les plaintes de victimes de ces raids numériques devront donner lieu aux investigations nécessaires pour identifier sinon la totalité des auteurs de ces messages, du moins les principaux d’entre eux et notamment ceux qui sont à l’initiative du harcèlement. Par ailleurs, les magistrats du ministère public ne devront pas hésiter à faire preuve de fermeté dans leurs réquisitions contre les auteurs de ces actes, spécialement s’ils ont provoqué chez la victime un préjudice important.

Articles 222-33, 222-33-2-2, 621-1 du Code Pénal.

Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Circulaire CRIM n° 2018-14 du 3 septembre 2018.

Les référents en matière de lutte contre le harcèlement sexuel

  • Depuis le 1er janvier 2019, dans les entreprises employant au moins 250 salariés, l’employeur doit désigner un référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
  • Depuis le 1er janvier 2019, dans toutes les entreprises, quel que soit leur effectif, le CSE doit désigner, parmi ses membres, un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Ce référent est nommé pour toute la durée du mandat des membres élus du CSE.

Il a droit à la formation nécessaire à l’exercice de ses missions, financée par l’employeur sous certaines conditions.

Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, article 105.

Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, article 11

Articles L 1153-5-1, L 2314-1 et L 2315-18 du Code du Travail

Article 222-33 du Code Pénal

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