Inaptitude du salarié : et si le télétravail était une possibilité de reclassement ?

Jurisprudence
Inaptitude

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Une salariée est engagée le 4 octobre 1996.

Elle est en arrêt de travail pour maladie à compter du 23 avril 2007.

A la suite de 2 avis du médecin du travail en date des 11 et 29 février 2008, la salariée est déclarée inapte à son poste.

Elle est finalement licenciée le 28 mars 2008 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. 

Mais elle décide de saisir la juridiction prud’homale, considérant que l’employeur avait manqué à ses obligations de reclassement en l’espèce.

Elle indique en effet que lors de la 2ème visite auprès du médecin du travail, ce dernier avait formulé des préconisations, en l’occurrence celle de favoriser un aménagement de l'emploi de la salariée dans le cadre d'un travail à domicile.

Pour le salarié, l’employeur en ne suivant pas ces préconisations n’avait pas respecté ses obligations de reclassement et avait de ce fait prononcé un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

L’arrêt de la cour d’appel est confirmé par la Cour de cassation dans cette affaire, et la salariée obtient gain de cause.

Les juges rappellent que lors du second avis d’inaptitude, des préconisations avaient été faite par le médecin du travail afin de transformer l’emploi en télétravail, ce dont l’employeur n’avait pas tenu compte avec pour conséquence le non-respect de ses obligations de reclassement.

Le licenciement est alors réputé sans cause réelle et sérieuse.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail que le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs et que l'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite ;

Et attendu qu'après avoir relevé que le second avis d'inaptitude de la salariée à son poste visait la possibilité d'occuper tout autre poste administratif dans un autre contexte organisationnel ou relationnel, la cour d'appel, qui a constaté que la société E…, qui avait elle-même interrogé le médecin du travail sur ses préconisations, ne justifiait, postérieurement à cet avis, d'aucune démarche, telle que préconisée par le médecin du travail le 7 mars 2008, pour favoriser un aménagement de l'emploi de la salariée dans le cadre d'un travail à domicile, a pu en déduire, sans violer les textes visés au moyen, que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement ;

D'où il suit que le moyen, devenu sans portée en sa dernière branche, n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi 

Cour de cassation du , pourvoi n°11-28898

Le licenciement pour inaptitude du salarié et impossibilité de reclassement obéit à des règles précises, que vous allons rappeler dans le présent commentaire. 

Principes généraux

Le licenciement est prononcé

  • au terme de 2 visites médicales (ou d’une seule s’il y a constatation d’une situation de danger) ;
  • de la reconnaissance d’inaptitude par le médecin du travail ;
  • de l’impossibilité de reclassement dans l’entreprise. 


Obligation de reclassement

C’est à partir de la 2ème visite médicale (délai de 2 semaines entre chaque visite) auprès de la médecine du travail que l’obligation de reclassement pèse sur l’employeur.

Dans le cas où le maintien du salarié entraîne un danger immédiat, l’inaptitude est prononcée au terme d’une seule visite médicale. 

Article R4624-31

Modifié par Décret n°2012-135 du 30 janvier 2012 - art. 1

Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé :

1° Une étude de ce poste ;

2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ;

3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.

Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.

Si l’employeur a anticipé les recherches de reclassement, par exemple en commençant au terme de la 1ère visite médicale, ces recherches doivent néanmoins être poursuivies après la 2ème visite médicale auprès de la médecine du travail.

Ne sera par exemple pas prise en compte, l’offre de reclassement intervenue antérieurement à la seconde visite médicale.  

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'ayant relevé que la première offre de reclassement intervenue dès le 4 janvier 2006, antérieurement à la seconde visite de reprise, était prématurée,

 Cour de cassation du 28/10/2009 pourvoi  08-42804 

Rechercher les possibilités de reclassement… dans tous les cas !

En cas d’inaptitude totale 

Même dans le cas où la médecine du travail prononce une inaptitude totale à tout emploi dans l’entreprise, l’employeur est dans l’obligation de procéder à la recherche de reclassement. 

Extrait de l’arrêt du 26/11/2008 :

 Attendu cependant que l'avis du médecin du travail concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail ; que cette recherche doit être effective ; 

 Cour de cassation 26/11/2008, pourvoi 07-41284

  

Extrait de l’arrêt du 7/07/2004 :

Mais attendu que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que la cour d'appel, ayant relevé que l'employeur ne justifiait pas qu'il avait effectué une telle recherche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation 7/07/2004 pourvoi 02-43141

En cas de classement du salarié en invalidité 

Même si le salarié est classé en invalidité 2ème catégorie, l’employeur doit obligatoirement respecter son obligation de reclassement, par application des dispositions du Code du travail. 

Extrait de l'arrêt:

Et attendu, enfin, que le classement d'un salarié en invalidité 2e catégorie par la sécurité sociale, qui obéit à une finalité distincte et relève d'un régime juridique différent, est sans incidence sur l'obligation de reclassement du salarié inapte qui incombe à l'employeur par application des dispositions du code du travail ; 

Cour de cassation du 9/07/2008 pourvoi 07-41318

Ne pas anticiper les réponses du salarié 

Même si le salarié déclare, avant que l’employeur fasse toute proposition de reclassement, qu’il n’acceptera aucune offre, l’employeur devra respecter ses obligations en matière de reclassement. 

La Cour de cassation s’est prononcée à ce sujet. 

Extrait de l'arrêt:

Mais attendu, d'abord, que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise, ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de rechercher des possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient ; 

Cour de cassation du 16/09/2009 pourvoi 08-42212

Proposer un emploi approprié 

L’employeur doit tenir de plusieurs critères dans sa recherche d’emplois compatibles avec l’inaptitude du salarié. 

Doivent ainsi être retenues :

  • Les indications transmises par la médecine du travail dans son avis (ou en les sollicitant si elles ne sont pas clairement indiquées) ;
  • La compatibilité (autant que possible) avec l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures comme mutations, transformations poste de travail ou aménagement temps de travail.

Article L1226-2

Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. 

Attention au poste éventuellement… inadapté ! 

Un récent arrêt de la Cour de cassation invite les employeurs à agir avec prudence.

La proposition doit porter sur un poste compatible avec les compétences du salarié, faute de quoi la proposition de reclassement ne se fait pas dans le respect des dispositions légales. 

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'après avoir relevé par motifs propres et adoptés, que l'emploi de reclassement proposé au salarié n'était pas accessible à celui-ci malgré une formation professionnelle, que celle délivrée en binôme sur le poste pendant quarante-cinq jours s'était avérée inefficace dans la mesure où c'est une formation initiale qui faisait défaut à l'intéressé lequel avait des aptitudes manuelles mais aucune compétence en informatique et comptabilité, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que le poste proposé pour le reclassement n'était pas approprié aux capacités du salarié ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation 7/03/2012 pourvoi : 11-11311

Sur des postes durablement vacants 

La Cour de cassation estime que seuls des postes vacants durablement doivent être proposés à un salarié déclaré inapte.

Voir notre actualité à ce sujet, en cliquant ici. 

Extrait de l’arrêt :

C'est à tort que Monsieur X... a cru devoir soutenir que les emplois confiés à des intérimaires auraient correspondu à des emplois disponibles qui auraient dû lui être proposés dans le cadre de l'obligation de reclassement, l'appelante ayant justement fait valoir que la notion de poste disponible était incompatible avec celle d'emplois momentanément vacants du fait de l'indisponibilité de leur titulaire 

Cour de cassation 28/04/2011 Pourvoi 10-13864

  

Formaliser les offres

Pas de formalisme légal 

Le Code du travail ne prévoit pas de formalisme particulier pour les offres de reclassement éventuelles.

La prudence invite toutefois les employeurs à rédiger un écrit, en fournissant au salarié concerné le plus d’informations possibles sur le poste proposé. 

Impossibilité de reclassement

Forme légale 

En ce qui concerne l’impossibilité de reclassement, le Code du travail impose cette fois la production d’un écrit. 

Article L1226-12

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. (…)

  

Pas trop vite ! 

L’impossibilité de reclassement doit se faire dans un « délai raisonnable ». 

Ainsi la Cour de cassation, a considéré que l’employeur qui indiquait l’impossibilité de reclassement (et le licenciement) le même jour que le 2ème avis d’inaptitude du salarié, avait agi avec trop d’empressement ! 

Retrouvez notre actualité à ce sujet en détails, en cliquant ici. 

Accord ou refus du salarié

Accord du salarié 

Si le salarié accepte, sans réserve, le poste proposé en reclassement, le contrat de travail se poursuit.

Un avenant au contrat de travail semble nécessaire afin de formaliser l’offre, l’acceptation et le placement sur un nouveau poste au sein de l’entreprise.

Refus du salarié 

Si le salarié oppose un refus, l’employeur devra agir avec prudence pour lancer éventuellement la procédure de licenciement pour impossibilité de reclassement.

Il sera en effet dans l’obligation d’indiquer l’absence d’un autre poste disponible compatible avec l’état de santé du salarié. 

Le refus par le salarié du poste proposé, quand cela entraine la modification du contrat de travail ou des conditions de travail, ne peut pas être invoqué comme étant le motif du licenciement. 

 Extrait de l’arrêt :

Attendu que ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l'employeur en application de l'article L. 1226-2 du code du travail lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail ou des conditions de travail ; qu'il appartient à l'employeur de tirer les conséquences du refus du salarié soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant au licenciement de l'intéressé aux motifs de l'inaptitude et de l'impossibilité du reclassement ; 

Cour de cassation du 26 janvier 2011 pourvoi: 09-43193

  

Attention au refus délibéré du salarié 

Lorsque le refus du salarié est considéré comme délibéré, la Cour de cassation considère alors que le licenciement du salarié peut être prononcé, y compris pour faute grave ! 

Nous avons consacré une actualité à ce sujet, que vous pouvez consulter en cliquant ici.

Cour de cassation du 22/06/2011 Pourvoi 10-30415 F-D

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