Si un salarié abuse de sa liberté d’expression, son licenciement est fondé

Jurisprudence
RH Licenciement

La Cour de cassation rappelle les limites du droit d’expression d’un salarié, dont l’abus conduit à un licenciement justifié.

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Une salariée est engagée le 8 octobre 2001 en qualité d'assistante comptable.

Par lettre du 12 août 2013, la salariée est licenciée pour faute lourde, son employeur lui reprochant un abus dans sa liberté d'expression. 

Plus précisément, il est reproché à la salariée d’avoir décrit le gérant du cabinet d’expertise comptable comme « un personnage mythomane, manipulateur et voleur qu'il faudrait empêcher de nuire à la société et qui n'a pas sa place au sein de l'ordre des experts-comptables dont il devrait être radié ». 

La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 9 mars 2017, donne raison à la salariée, considérant le licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation considérant présentement que la salariée a bien abusé de sa liberté d’expression, et qu’il n’est pas possible en conséquence de considérer le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'attestation est empreinte d'une charge émotionnelle incontestable, liée au changement de gérant dans la société, au conflit existant dans les relations de travail au sein d'une petite structure familiale, et à la souffrance morale vécue par la salariée qui relate, sans être contestée, avoir été hospitalisée en maison de repos pendant cinq semaines en mai 2012, du fait des conflits existant au travail, qu'il n'est pas constaté l'existence de propos homophobes et haineux dès lors que la salariée relate avoir été choquée par la place donnée par le nouveau gérant à son compagnon, au sein du cabinet, dont il est devenu salarié, ayant été nommé à un poste important de responsable du personnel, en remplacement d'une ancienne collègue également concernée par le conflit, et qui a déplacé plusieurs salariés dans des bureaux restreints, occasionnant de mauvaises conditions matérielles de travail, que les termes employés relativement aux comportements des intéressés sont l'expression d'une gêne relatée par la salariée, légitime au regard d'attitudes privées exposées sur les lieux du travail, qu'il apparaît que le cabinet était objectivement confronté à des événements graves, résultant du décès du gérant historique, du conflit entre les associés à l'origine de l'assignation devant le tribunal de commerce, et d'un conflit opposant plusieurs salariés au nouveau gérant, conduisant à plusieurs licenciements sur une courte période et que l'attestation qui ne comporte pas d'abus de langage trouve son origine dans un conflit opposant les associés de la société employeur qui ne devait pas prendre l'initiative de mêler les salariés à ce conflit ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans se prononcer sur les propos consistant à présenter le gérant comme un personnage mythomane, manipulateur et voleur qu'il faudrait empêcher de nuire à la société et qui n'a pas sa place au sein de l'ordre des experts-comptables dont il devrait être radié tels que constatés par les premiers juges, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamne l'employeur à payer à Mme Y... les sommes de 952,80 euros au titre des congés payés de juin et jusqu'au 24 juillet 2013, 2 382 euros au titre de la mise à pied conservatoire, 238,20 euros au titre des congés payés afférents, 7 622,40 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 6 352 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 635,20 euros au titre des congés payés afférents, et 42 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 9 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°17-17735

C’est un sujet qu’aborde régulièrement la Cour de cassation, l’occasion pour nous de vous rappeler un arrêt dans lequel la liberté d’expression avait gravement nuit à la poursuite des relations contractuelles.

Arrêt du 22 juin 2011

Dans cette affaire, une salariée avait fait l'objet d'un avertissement pour comportement grossier et négligence des dossiers en cours. 

Puis un second avertissement pour ne pas avoir terminé un travail administratif ;

Puis avait enchaîné en faisant un " sit-in " dans les bureaux de l'association;

Et enfin, à l’expiration de sa période de protection, au titre de sa candidature aux élections des représentants du personnel, elle avait été licenciée pour avoir apposé une banderole au balcon de son domicile mettant en cause l’association.

Pour la Cour de cassation, tous ces faits démontraient un abus de la liberté d’expression et permettaient de motiver à bon droit son licenciement.

Cour de cassation du 22/06/2011, pourvoi n° 10-10856

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