Le licenciement d’un salarié fondé sur le port de la barbe est discriminatoire

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RH Règlement intérieur

Dans la lignée de sa jurisprudence relative au port du voile islamique, la Cour de Cassation s’est prononcée sur le licenciement d’un salarié ayant refusé de tailler sa barbe à connotation religieuse.

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Principe de neutralité

Depuis la loi travail du 8 août 2016, le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés (notamment religieuses), à condition que :

  • ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise,
  • et qu’elles soient proportionnées au but recherché.

La restriction ne doit donc pas être excessive au regard du but poursuivi et doit prendre en compte la nature des tâches à accomplir.

Ainsi, il est possible de justifier l’insertion du principe de neutralité dans le règlement intérieur notamment par :

  • la nécessité de respecter des règles sanitaires, d’hygiène ou de sécurité : par exemple un salarié qui refuserait de passer une visite médicale au motif que sa religion lui interdit de se dévêtir devant une personne du sexe opposé ;
  • l’interdiction de faire du prosélytisme.

Sous certaines strictes conditions, il est possible de prévoir dans le règlement intérieur l’interdiction de porter des tenues ou des symboles religieux, mais il faut que cette interdiction soit justifiée par des motifs suffisants. Exemples : interdiction du port d’un couvre-chef nécessaire à la sécurité des salariés, interdiction du port de signes religieux justifiée par le port d’équipements de protection individuelle.

Pour autant, il convient d’être vigilant lors de la rédaction de la clause. Il doit apparaître très clairement que ce n’est pas en raison de leur caractère religieux que cette tenue est interdite mais qu’elle est prohibée en raison de sa conséquence en matière de sécurité, d’hygiène ou d’organisation du travail. La restriction et sa raison doivent être décrites le plus précisément possible afin d’éviter une interdiction générale et absolue.

La jurisprudence a précisé les conditions d’une éventuelle restriction de la liberté religieuse dans l’entreprise en rappelant que la prise en compte des exigences d’un client concernant le port du voile islamique ne permet pas de justifier à elle seule l’interdiction du port du voile et qu’une clause de neutralité doit être intégrée au règlement intérieur (ou dans une note de service) de l’entreprise pour pouvoir sanctionner un salarié. A défaut, l’employeur commet une discrimination fondée sur la religion.

Port de la barbe et licenciement discriminatoire

La Cour de Cassation considère qu’en l’absence de clause de neutralité, des restrictions au port de la barbe pour des considérations religieuses et politiques constituent une discrimination.

Elle rappelle que l’exigence professionnelle et déterminante pouvant justifier une discrimination renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle, sans qu’elle puisse couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client. L’exigence du client ne justifie donc pas la restriction au port de la barbe.

Elle admet toutefois que l’objectif légitime de sécurité du personnel et des clients de l’entreprise peut justifier une restriction à la liberté du salarié et que l’employeur peut imposer aux salariés une apparence neutre lorsque celle-ci est rendue nécessaire afin de prévenir un danger objectif. Mais en l’espèce, les juges ont considéré que l’employeur ne démontrait pas les risques de sécurité spécifiques liés au port de la barbe dans le cadre de l’exécution de la mission du salarié.

La Cour de Cassation considère donc que le licenciement du salarié reposait bien sur une discrimination, l’employeur s’étant fondé sur ce qu’il considérait comme l’expression par le salarié de ses convictions politiques ou religieuses au travers du port de sa barbe.

Références

Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-23.743 (port de la barbe)

Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19.855 (port du voile)

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