Transaction et insuffisance cotisations retraite : la Cour de cassation précise

Jurisprudence
Paie Transaction

Ayant été constaté qu'aux termes de la transaction, le salarié se déclarait entièrement rempli de ses droits, n’était pas recevable son action relative à l’absence ou l’insuffisance de cotisations versées aux régimes de retraite par l’employeur.

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Un salarié est engagé, à compter du 1er juillet 1987, en qualité de directeur général adjoint.

Son licenciement lui est notifié par lettre du 18 octobre 2002. 

Une transaction est par la suite signée entre la société et le salarié. 

Par requête du 23 décembre 2013, le salarié la juridiction prud'homale aux fins de voir la société condamnée à réparer le préjudice subi du fait de l'absence ou de l'insuffisance de cotisations versées aux régimes de retraite.

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 23 septembre 2021, donne raison au salarié et condamne l’employeur au versement de des sommes de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et 814 820 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier. 

L’employeur décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, indiquant à cette occasion que : 

Ayant été constaté qu'aux termes de la transaction :

  • Le salarié se déclarait entièrement rempli de ses droits et se désistait de toutes instances et actions présentes ou à venir découlant directement ou indirectement de l'exécution et de la rupture de ses relations avec la société ;
  • La cour d’appel ne pouvait pas juger recevable l’action de l’intéressé relative à l’absence ou l’insuffisance de cotisations versées aux régimes de retraite par l’employeur.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour


Vu les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, 2048 et 2049 du même code ;
4. Pour dire que la transaction signée entre les parties le 27 novembre 2002 ne faisait pas obstacle à la recevabilité des demandes de M. [C] et condamner, en conséquence, la société à lui payer certaines sommes, l'arrêt
retient que le salarié ne pouvait transiger sur des droits dont il n'avait pas connaissance avant la liquidation de sa retraite, que selon l'article 2048 du code civil les transactions se renferment dans leur objet, la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu et que le différend qui a donné lieu à la transaction litigieuse a essentiellement trait au licenciement du salarié ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu que l'exécution loyale du contrat de travail par les deux parties nécessite que le salarié se préoccupe en permanence de l'obligation de versement par son employeur des cotisations aux régimes de retraite dont il est débiteur et que M. [C] ne pouvait donc pas soupçonner une absence de versement de cotisations de retraite de la part de la société (…) , lorsqu'il a signé de bonne foi la transaction litigieuse.

5. En statuant ainsi, alors qu'aux termes de la transaction, le salarié se déclarait entièrement rempli de ses droits et se désistait de toutes instances et actions présentes ou à venir découlant directement ou indirectement de l'exécution et de la rupture de ses relations avec la société Méridien SA et la société (…), comme avec toutes les sociétés du groupe auquel elles appartiennent, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

6. Tel que suggéré par la demanderesse au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit M. [C] recevable en ses demandes et condamne la société par actions simplifiée (…) lui payer les sommes de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et 814 820 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier, l'arrêt rendu le 23 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°21-24407

L’affaire présente aborde la transaction, l’occasion pour nous de rappeler quelques notions fondamentales à ce sujet. 

Les informations ci-après proposées sont extraites de notre fiche pratique exclusivement consacrée à cette thématique, au sein du pack consacré à la transaction et son traitement fiscal et social également. 

Les principes de base 

Transaction ≠ mode de rupture

 La transaction n’est pas un mode de rupture.

Elle ne peut intervenir qu'une fois la rupture du contrat effective et définitive, quel que soit le type de rupture concerné. 

Mettre fin à un litige

La transaction a pour objectif de mettre fin à un litige né ou à naître entre le salarié et l’employeur. 

Intérêt partagé

Dans le cadre d’une transaction, le salarié signe généralement un document dans lequel il renonce à poursuivre l’employeur, sous réserve qu’une indemnité lui soit versée.

L’intérêt est partagé car :

  • Le salarié obtient une somme tout de suite au lieu d’attendre une longue procédure ;
  • L’employeur évite un procès incertain.

Les formes de la transaction

Pas de forme obligatoire

La transaction doit être rédigée par écrit selon le code civil.

Remarquons toutefois que la Cour de cassation reconnait l’existence d’une transaction même en l’absence de document écrit. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que l'écrit prévu par l'article 2044 du Code civil n'est pas exigé pour la validité du contrat de transaction dont l'existence peut être établie selon les modes de preuve prévus en matière de contrats par les articles 1341 et suivants du Code civil(…)

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

Cour de cassation du 18/03/1996, pourvoi 84-16817

Transaction par écrit = forme souhaitable

Toutefois, pour des questions de preuve, il paraît indispensable que la transaction soit écrite, signée par l’employeur et par le salarié, qu’elle soit établie en double exemplaire et qu’elle indique nettement la nature et les éléments du litige, ainsi que les concessions réciproques des parties.

Il semble souhaitable également que le document soit clairement identifié comme une « transaction ».

Transaction par fax

Dans un arrêt de 2009, la Cour de cassation reconnait l’existence d’une transaction au travers d’un document transmis par télécopie.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi alors que, dans sa télécopie du 4 mars 2005, le conseil du salarié répondait à une proposition précise de transaction formulée dans une télécopie du même jour par le conseil de l'employeur en faisant connaître son acceptation dans des termes dépourvus d'équivoque, la cour d'appel a dénaturé le texte clair et précis de la télécopie du conseil du salarié et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen, qui est subsidiaire :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Cour de cassation du 16/12/2009, pourvoi 08-43834

La transaction peut être conclue par des personnes mandatées

Transaction conclue entre avocats

La Cour de cassation reconnait l’existence d’une transaction, lorsqu’elle est conclue par les avocats respectifs de l’employeur et du salarié.

Extrait de l’arrêt :

Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que l'objet de la convention litigieuse conclue entre les parties par l'intermédiaire de leur avocat respectif, dûment mandaté à cet effet, à la suite de pourparlers minutieux et précis, était de mettre fin d'un commun accord à leurs relations contractuelles dans le cadre d'un départ négocié à l'inititiative du salarié ; qu'au vu de ces constatations d'où il résultait que les parties étaient pleinement informées de leurs droits et que ceux du salarié avaient été préservés, la cour d'appel, sans encourir les griefs du moyen, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du 21/01/2003, pourvoi 00-43568

Transaction conclue par le syndic

Dans la situation particulière qu’est la liquidation judiciaire, la Cour de cassation reconnait la possibilité pour le représentant des créanciers, auquel ses fonctions ne confèrent pas un pouvoir général de représentation de chaque membre du personnel, peut conclure une transaction en son nom, sous réserve d’avoir reçu de chaque salarié un mandat spécial à cet effet.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande d'annulation présentée par les salariés, la cour d'appel énonce que la transaction a été homologuée par le tribunal de commerce et que l'homologation qui n'a fait l'objet d'aucun recours a acquis en conséquence l'autorité de la chose jugée ;

Attendu cependant qu'une transaction, fût-elle homologuée, n'a d'autorité de la chose jugée qu'à l'égard des parties ou de ceux qu'elle représentait lors de sa conclusion ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le représentant des salariés, auquel ses fonctions ne confèrent pas un pouvoir général de représentation de chaque membre du personnel, avait reçu de chaque salarié un mandat spécial pour conclure une transaction en son nom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du 31/03/2009, pourvoi 06-46378

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