Renoncer à une mise à pied conservatoire ne permet pas de la requalifier en mise à pied disciplinaire

Jurisprudence
Paie Licenciement

La mise à pied prononcée par l'employeur dans l'attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée, a un caractère conservatoire. Le fait d’y renoncer ensuite n'a pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire.

Publié le
Télécharger en PDF

Cet article a été publié il y a un an, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé en 1984 par une entreprise dont il est devenu directeur général en 2005.

Le 18 avril 2016, le salarié est mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Par lettre du 24 mai 2016, il est licencié pour faute grave. 

Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale compte tenu du fait que :

  • Nonobstant le prononcé d’une mise à pied disciplinaire ;
  • Son employeur y avait ensuite renoncé ;
  • Conduisant, selon le salarié, à requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire. 


Par arrêt du 17 juin 2020, la cour d'appel de Paris :

  • Constate que la société avait convoqué le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 3 mai 2016, en même temps qu'elle lui notifiait sa mise à pied conservatoire ;
  • Que le salarié avait néanmoins repris le travail dès le 21 avril 2016 ;
  • Qu’ « il en résulte que la mise à pied prononcée a été interrompue par une reprise du travail et que le licenciement a été prononcé pour des faits similaires à ceux ayant motivé la mise à pied de sorte que la mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire». 

Extrait de l’arrêt :

  1. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaire sur mise à pied, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence, alors « que l'article L. 1332-3 du code du travail prévoit la possibilité pour l'employeur de prononcer une mise à pied conservatoire à effet immédiat lorsque les agissements du salarié la rendent indispensable, dans l'attente de l'issue de la procédure ; que la mise à pied présente un caractère conservatoire et non disciplinaire dès lors qu'elle a été immédiatement suivie de l'ouverture d'une procédure de licenciement, dans l'attente du prononcé d'une sanction ; que, dans ces conditions, le fait que le salarié reprenne le travail postérieurement à la notification de la mise à pied conservatoire n'a pas pour effet de la requalifier en mise à pied disciplinaire ; qu'au cas présent, par courrier recommandé du 18 avril 2016, la société (…) a convoqué le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 3 mai 2016, en même temps qu'elle lui notifiait sa mise à pied conservatoire ; que le salarié a néanmoins repris le travail dès le 21 avril 2016 ; que, nonobstant la reprise du travail par le salarié, la mise à pied conservatoire ne présentait pas la nature d'une sanction et n'avait pas pour effet d'épuiser le pouvoir disciplinaire de l'employeur ; qu'en considérant néanmoins qu'« il en résulte que la mise à pied prononcée a été interrompue par une reprise du travail et que le licenciement a été prononcé pour des faits similaires à ceux ayant motivé la mise à pied de sorte que la mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire», la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à retirer à la mesure son caractère conservatoire et à entraîner sa requalification en mise à pied disciplinaire, a violé les articles L. 1332-2 et L. 1332-3 du code du travail. »

La Cour de cassation n’est toutefois pas du même avis, considérant présentement que : 

  • La mise à pied prononcée par l'employeur dans l'attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps a un caractère conservatoire;
  • Le fait pour l'employeur de renoncer à la mise à pied conservatoire, en demandant au salarié de reprendre le travail n'a pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

  1. Vu les articles L. 1332-2 et L. 1332-3 du code du travail : 7. La mise à pied prononcée par l'employeur dans l'attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps a un caractère conservatoire. Le fait pour l'employeur de renoncer à la mise à pied conservatoire, en demandant au salarié de reprendre le travail n'a pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire. 8. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié, après avoir été mis à pied, a continué à travailler pour son employeur, en se déplaçant en Algérie en vue de l'ouverture de plis d'appels d'offres, en adressant des courriels aux partenaires des sociétés afin de les informer de sa présence au bureau et en établissant une procuration, en sa qualité de directeur général de la société (…) , afin de permettre à son correspondant de retirer un appel d'offres. Il en déduit qu'ayant été interrompue par la reprise du travail pour le compte de l'employeur, la mise à pied doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire et que le licenciement ne peut donc pas être justifié par les faits ainsi déjà sanctionnés. 9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à priver la mise à pied de son caractère conservatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. La cassation prononcée ne s'étend pas au chef du dispositif de l'arrêt qui rejette la demande présentée au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence, lequel est sans lien avec la requalification de la mise à pied ou l'appréciation de la cause du licenciement. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l'employeur à payer au salarié les sommes de 4 300 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied et 430 euros à titre de congés payés afférents, 16 125 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1 612,50 euros à titre de congés payés afférents, 55 815,10 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 80 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, l'arrêt rendu le 17 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°20-18717

La présente affaire est pour nous l’occasion de rappeler quelques notions fondamentales sur la mise à pied d’un salarié.

Les informations qui vous ici transmises constituent un extrait de notre fiche pratique exclusivement consacrée à cette thématique. 

2 catégories et une même conséquence

Un salarié peut se voir prononcer 2 sortes de mise à pied.

  1. La mise à pied conservatoire ;
  2. La mise à pied disciplinaire.

Quelle soit la catégorie, les conséquences sont légalement identiques à savoir :

  1. Absence de rémunération ;
  2. Non-prise en compte de cette période pour l’acquisition de congés payés.

La mise à pied conservatoire

Elle est prononcée dans l’attente d’une sanction (fréquemment un licenciement pour faute grave ou lourde).

Cette période de suspension du contrat de travail n’est pas rémunérée, sauf bien entendu si aucune sanction n’est prononcée au terme de la mise à pied.

Il est important d’avoir à l’esprit que la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction disciplinaire. 

Article L1332-3

Lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure prévue à l'article L. 1332-2 ait été respectée 

Article L1332-2

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48

Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé

La mise à pied disciplinaire

Il s’agit d’une sanction, ce qui sous-entend que l’employeur ne pourra alors prononcer aucune sanction supplémentaire pour le même fait.

En effet, il est de jurisprudence constante de considérer qu’un même fait ne peut être sanctionné 2 fois.

Non bis in idem  

Non bis in idem qui est une locution latine qui signifie « pas deux fois pour la même chose », signifiant en l’espèce qu’une mise à pied disciplinaire ne peut être suivie, pour le même fait, d’une nouvelle sanction comme un licenciement.

Accès à votre contenu même hors ligne

Recevez ce contenu par email

ou
ou

Réagir à cet article

Avez-vous trouvé cet article utile ?

Aucune note, soyez le premier à noter cet article

Votre note :

Commentaires

Aucun commentaire, soyez le premier à commenter cet article

Votre commentaire sera publié après connexion.

Une question sur cet article ?

Posez votre votre question sur le forum

Les questions liées sur le forum