Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, par exemple l'obligation de loyauté ou l'obligation de sécurité ou le devoir de probité.
Par ailleurs, le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de sa vie privée.
La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que la dissimulation de relations amoureuses entre un DRH et une salariée titulaire de mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel dans la même entreprise constituait un manquement du DRH à son obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers son employeur et que ce manquement qui rendait impossible son maintien dans l'entreprise justifiait son licenciement pour faute grave (Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-16.218).
De même, un salarié manquant à son obligation de sécurité à l’égard d’un collègue, peut être licencié pour faute même s’il s’agissait d’un fait de sa vie personnelle. Tel est le cas du manager qui manque à son obligation de sécurité en faisant pression sur une salariée pour maintenir leur relation amoureuse (Cass. soc., 26 mars 2025, n° 23-17.544).
La jurisprudence considère également que, dans le cadre d’une relation amoureuse complexe entre un supérieur hiérarchique et une collaboratrice, un fait tiré de la vie privée du salarié peut justifier un licenciement disciplinaire du fait des impacts sur la vie de l’entreprise, à savoir une perte d’autorité et de crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction (Cass. soc., 25 septembre 2019, n° 17-31171).
En revanche, une relation tumultueuse au travail ne justifie pas un licenciement pour cause réelle et sérieuse, dès lors que la rupture de la relation procédait d'une intention commune, que la relation amoureuse présentait un caractère distendu de ruptures et de sollicitations réciproques, et que le harcèlement moral évoqué était écarté par les juges (Cass. soc., 16 décembre 2020, n° 19-14.665).
Dans une affaire jugée récemment, la Cour de cassation précise qu'un salarié n'a aucune obligation de communiquer sa situation matrimoniale à son employeur, et ce même si une clause de son contrat de travail le prévoit.
Un auditeur travaillant chez Chanel avait été licencié pour ne pas avoir déclaré sin lien matrimonial avec une ancienne salariée de la société comme le prévoyait son contrat de travail. L'employeur lui reprochait également d'avoir indiqué faussement aux membres de son équipe que son épouse avait travaillé pour Hermès alors qu'il s'agit d'une ancienne salariée de la société Chanel ayant un différend judiciaire avec celle-ci à la suite de son licenciement.
Pour Chanel, il y avait un risque possible de conflit d'intérêts que le salarié aurait du signaler à son supérieur hiérarchique.
La charte Ethics@Chanel faisait obligation aux salariés de "signaler à leur supérieur hiérarchique toute relation d'affaires effective ou potentielle, y compris celle avec des membres de leur famille, susceptibles de donner lieu à un conflit d'intérêts".
Pour le salarié, le grief de dissimulation de sa situation matrimoniale qui lui était reproché constituait une atteinte à son droit au respect de sa vie privée. De plus il n'y avait aucune situation de conflit d'intérêts dès lors que cette relation était dépourvue de tout rapport avec ses fonctions et insusceptible d'en affecter le bon exercice.
La Cour d'appel avait débouté le salarié de sa demande au titre d'un licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, considérant que le salarié avait volontairement dissimulé sa relation matrimoniale avec une ancienne salariée de Chanel et la situation d'un risque de conflit d'intérêts, ses responsabilités et ses missions de contrôle interne exigeant transparence, exemplarité, loyauté, de sorte que son comportement avait provoqué un doute légitime sur sa loyauté.
La Cour de cassation ne l'entend pas de la même manière.
Il n'était pas constaté que la situation matrimoniale du salarié était en rapport avec ses fonctions et susceptible d'influer sur leur exercice au détriment de l'intérêt de l'entreprise.
L'existence d'un différend judiciaire entre son épouse, ancienne salariée de l'entreprise, et l'employeur, ne suffisait pas à caractériser l'existence d'un conflit d'intérêts.
Le salarié n'était donc pas tenu, peu important la clause de son contrat de travail l'obligeant à faire connaître tout changement intervenu dans sa situation familiale, d'informer son employeur de sa situation matrimoniale.
Cass. soc., 10 décembre 2025, n° 24-17.316
Lire aussi : Comment licencier un salarié pour un motif disciplinaire ? Fiche pratique
Un de vos salariés a commis une faute qui rend son maintien dans l’entreprise impossible. Vous souhaitez le licencier. Quelle procédure suivre et quelles erreurs ne pas commettre ?