Management toxique et harcèlement moral : responsabilités et obligations de l’employeur

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Droit du travail Harcèlement

Dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux, le comportement managérial constitue un levier essentiel de qualité de vie au travail.

Management toxique et harcèlement moral : responsabilités et obligations de l’employeur
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Dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux, le comportement managérial constitue un levier essentiel de qualité de vie au travail. Or, certaines pratiques, lorsqu’elles deviennent répétitives et délétères, peuvent transformer un manager en source de souffrance pour ses collaborateurs. Ce phénomène, qualifié de « management toxique », n’est pas seulement une problématique de gestion humaine : il peut engager la responsabilité juridique de l’employeur, notamment en matière de harcèlement moral.

Définition et signes du management toxique

Le management toxique se caractérise par des comportements autoritaires, humiliants ou incohérents, exercés de manière répétée par un responsable hiérarchique. Il peut se manifester :

  • Collectivement, par une posture de toute-puissance : refus du dialogue, absence d’écoute, décisions unilatérales, indisponibilité chronique, agressivité verbale.
  • Individuellement, par la désignation d’un « bouc émissaire » : mise à l’écart, critiques injustifiées, sanctions infondées, provocations.

À cela s’ajoutent des pratiques managériales dysfonctionnelles telles que :

  • Transmission volontairement lacunaire ou contradictoire des consignes
  • Surveillance excessive et défiance systématique
  • Instabilité émotionnelle, arrogance, exigences irréalistes

Ces agissements, lorsqu’ils sont répétés, peuvent constituer un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail.

Harcèlement moral : qualification juridique et conséquences

Le harcèlement moral est défini comme des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale du salarié, ou de compromettre son avenir professionnel.

Le management toxique, lorsqu’il entraîne isolement, souffrance psychologique ou atteinte à la santé, peut donc être requalifié juridiquement en harcèlement moral.

Les conséquences pour l’entreprise sont multiples :

  • Responsabilité civile : indemnisation du salarié pour préjudice moral ou professionnel.
  • Responsabilité pénale : jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.
  • Sanctions prud’homales : résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur, dommages et intérêts, rappel de salaires.
  • Risques sociaux : arrêts maladie, turnover, désengagement, perte de productivité.
  • Atteinte à l’image : réputation dégradée, difficultés de recrutement, e-réputation négative.

Obligations de l’employeur : prévention et réaction

L’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de santé physique et mentale des salariés (Cass. soc., 5 mars 2002, n° 99-18.389). À ce titre, il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les risques liés au management toxique :

Prévention primaire :

  • Sensibilisation via affiches, flyers, formations.
  • Intégration dans le règlement intérieur.
  • Formation des managers à la posture managériale et à la pédagogie.
  • Collaboration étroite avec les RH pour encadrer les pratiques.

Prévention secondaire :

  • Organisation de médiations internes.
  • Mise en place de groupes de parole ou d’espaces d’échanges.
  • Signalement facilité des comportements inappropriés.

Prévention tertiaire :

  • Intervention du médecin du travail en cas de suspicion de harcèlement.
  • Accompagnement des victimes.
  • Sanction disciplinaire du manager fautif, pouvant aller jusqu’au licenciement.

Responsabilités partagées

Face à un manager toxique, plusieurs niveaux de responsabilité peuvent être engagés :

  • La direction, si elle est informée et ne réagit pas, voire entretient une logique de « diviser pour mieux régner ».
  • Les collègues, lorsqu’ils se résignent ou minimisent les faits.
  • Le manager lui-même, s’il refuse toute remise en question ou ne reconnaît pas ses dérives.

La frontière entre management toxique, harcèlement moral, sexisme ou discrimination est ténue. Il appartient à l’employeur de la surveiller activement.

Limiter la toxicité managériale, c’est restaurer un climat de confiance, de respect et de dialogue. Les outils juridiques existent, mais c’est par la culture d’entreprise et l’engagement des dirigeants que la prévention devient efficace.

Ne rien faire, c’est tolérer l’inacceptable. Comme le rappelle Confucius : « Ce que l’on ne désire pas pour soi, ne pas le faire à autrui ».