Une erreur de l’employeur ne permet pas la création d’un usage

Jurisprudence

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La présente affaire concerne une entreprise appartenant au secteur de la métallurgie.

Le chef d’entreprise, croyant appliquer une disposition conventionnelle, attribuait une prime de panier à ses salariés au titre des vendredis travaillés.

S’apercevant de son erreur, 10 mois après, il avait décidé d’arrêter le versement de cette prime.

6 salariés de l’entreprise décident de saisir la juridiction prud'homale, estimant que l’employeur n’avait pas mis fin dans les dispositions obligatoires à l’usage en cours dans l’entreprise, aux fins d’obtenir paiement d'un rappel d'indemnités de panier et la remise de bulletins de salaires rectifiés. 

Le Conseil de prud'hommes de Vesoul, dans son jugement du 16 mars 2016, déboute les salariés de leur demande.

Mais les salariés décident de se pourvoir en cassation. 

La Cour de cassation confirme le jugement du conseil de prud’hommes, ayant constaté que :

  • L’employeur avait payé la prime litigieuse en raison d'une erreur d'interprétation de la convention collective ;
  • Ce qui ne caractérise pas sa volonté de créer un usage. 

Il était donc totalement libre de mettre fin à cette « erreur d’interprétation », sans avoir à respecter les règles habituelles de dénonciation d’un usage. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur avait payé la prime litigieuse en raison d'une erreur d'interprétation de la convention collective des industries métallurgiques de la Haute-Saône, ce qui ne caractérise pas sa volonté de créer un usage, le conseil de prud'hommes, sans encourir les griefs du moyen, a légalement sa décision ; 
Et attendu que le rejet du premier moyen rend inopérant le second moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence ; 
PAR CES MOTIFS : 
REJETTE les pourvois ; 

Cour de cassation du

Comment ne pas profiter de la présente affaire pour rappeler les règles permettant de mettre fin à un usage (ou de dénoncer un usage) ? 

Les règles de dénonciation

La Cour de Cassation reconnaît la possibilité de supprimer un avantage instaurée par voie d’usage.

Pour que l’usage soit supprimé, l’employeur doit :

  1. Informer institutions représentatives ;
  2. Informer individuellement les salariés ;
  3. Respecter un délai de prévenance suffisant (aucun texte ne fixe le délai qui sera apprécié par le juge).

Informer institutions représentatives 

La Cour de cassation considère qu’il s’agit de la première étape que doit respecter l’employeur.

Cour de cassation du 13/02/1996 n° 93-42309

L’information doit être communiquée aux délégués du personnel lors de la réunion mensuelle, mais aussi de façon individuelle et par écrit.

Bien entendu, en l’absence de représentants du personnel, cette étape n’est pas à prendre en compte, sous réserve que l’employeur ait effectivement organisé des élections professionnelles et qu’un PV de carence ait été rédigé. 

Un arrêt de la Cour de cassation du 5/01/2005 confirme que :

  • L’information du comité d’entreprise doit être donnée en réunion officielle, après inscription à l’ordre du jour ;
  • Et non au moyen de lettres individuelles adressées aux membres du comité.  

Cour de cassation chambre sociale
Audience publique du mercredi 5 janvier 2005
N° de pourvoi: 02-42819

Informer individuellement les salariés 

La prudence est d’informer chaque salarié par écrit, de préférence en lettre recommandée ou remise en main propre.

Les informations suivantes ont été considérées comme non licites par la Cour de cassation :

  • Affichage ;
  • Annonce faite lors d’une réunion du personnel ;
  • Mention portée sur le bulletin de salaire. 

Cour de cassation du 27/11/1990 n° 87-42404

Cour de cassation du 4/07/1995 n° 92-40076

Cour de cassation du 9/04/2002 n° 00-41783

Cour de cassation chambre sociale
Audience publique du mercredi 25 février 2009
N° de pourvoi: 07-45447 07-45448 07-45449 07-45450 07-45451 07-45452 07-45453 07-45454 07-45455 07-45458 07-45459

Respecter un délai de prévenance suffisant (aucun texte ne fixe le délai qui sera apprécié par le juge) 

A titre d’exemple, a été considéré comme un délai suffisant la dénonciation d’un usage en juin pour une prime 13ème mois habituellement versée sur la paye de décembre. 

Cour de cassation du 27/04/1989 n° 86-45468

 La Cour de cassation s’est prononcée de nombreuses fois à ce sujet, et les cas suivants ont été considérés comme constituant une dénonciation réalisée dans un délai de prévenance insuffisant. 

Description de l’usage

Date dénonciation

Référence arrêt de la Cour de cassation

Versement prime de campagne versée habituellement en juillet

30 juin

24/10/1997 n° 96-40927

Prime 13ème fois versée habituellement au mois de décembre

20 novembre

5/02/1992 n° 88-41643

Prime de vacances dont les salariés bénéficient sur la paye de mai

22 mai

22/12/1988 n° 86-42715

 Ainsi si un délai « suffisant » doit être respecté entre la dénonciation et la date prévue du bénéfice de l’usage, il est évident que la dénonciation ne peut en aucun cas avoir un effet « rétroactif ».

Ainsi un usage qui serait dénoncé le 1er janvier 2011 pour une prime versée habituellement le 31 décembre 2010 continuerait d’être actif car la dénonciation de l’usage serait considéré comme illicite.

Dénonciation par accord collectif

On peut aussi mettre fin à un usage par un accord collectif même moins favorable, pour autant que l’accord ait le même objet.

Ainsi l’accord collectif met fin à l’usage sans besoin de le dénoncer

Cour de cassation du 8/01/2002

Cour de cassation 5/04/2012 pourvoi n° 10-12182

Vous pouvez retrouver l’arrêt en détails, en cliquant ici. 

Usage sur un contrat de travail

A contrario, l’usage présent sur un contrat de travail ne se supprime pas sauf à modifier le contrat de travail.

De même, une clause du contrat de travail prévoyant la renonciation par le salarié d’un usage pratiqué dans l’entreprise doit être considérée comme nulle.

Cour de cassation du 27/03/2001 n° 98-44292

Dénonciation d’un usage, y compris pour les salariés qui ne sont pas concernés

La Cour de cassation a considéré dans un arrêt que l’employeur devait pour dénoncer « correctement » un usage informer la totalité des salariés, y compris ceux qui n’étaient pas directement concernés par l’usage en vigueur dans l’entreprise.

Cette affaire concernant l’attribution d’une prime aux salariés ayant 25 puis 35 ans d’ancienneté dans la société, l’information des salariés devait se faire aussi auprès des salariés ayant une ancienneté inférieure.

Cour de cassation du 13/10/2010 n° 09.13.110 FS-PB

Dénoncer un usage dans un délai… raisonnable !

L’affaire concerne un salarié engagé le 3/06/1980 en qualité de chauffeur routier.

Il perçoit régulièrement diverses primes à compter du 1/10/1995.

Suite au rachat de cette société, le nouvel employeur, estimant que ces primes étaient illégales, a, par lettre du 9/03/2007 dénoncé auprès des salariés avec effet au 31/03/2007, l'usage en vertu duquel elles étaient payées.

Le délai n’est pas considéré raisonnable selon la Cour de cassation.  

Cour de cassation 3/05/2012 pourvoi 10-20738 

Vous pouvez retrouver l’arrêt en détails en cliquant ici.

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