C’est à l’employeur de prouver que le salarié bénéficie de temps de pause

Jurisprudence
Temps de pause

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Une salariée est engagée en qualité d'employée polyvalente par un exploitant d’un fonds de commerce de bar-tabac-restauration.

La salariée prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur et saisit la juridiction prud'homale d’une demande de rappel de salaire relative à des temps de pause qu’elle affirmait n’avoir jamais pris. 

Dans un premier temps, la Cour d’appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 11 décembre 2012, déboute la salariée de sa demande.

Elle estime en effet, que face à la contestation de son employeur, la salariée n’apportait aucun élément pouvant établir le grief invoqué soit la non-prise de temps de pause.

En d’autres termes, selon la cour d’appel, c’était à la salariée d’apporter les preuves.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire au titre des temps de pause, l'arrêt retient que face à la contestation de l'employeur qui soutient qu'elle bénéficiait bien de cette pause, l'intéressée n'apporte aucun élément pouvant établir ce grief ;

Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation, qui dans cette affaire « inverse la charge de la preuve », estimant que c’est à l’employeur de prouver que la salariée avait bien bénéficié des temps de pause.

L’arrêt de la cour d’appel est donc cassé et annulé, les 2 parties renvoyées vers une nouvelle cour d’appel autrement composée. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que la preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de sa demande au titre des temps de pause, l'arrêt rendu le 11 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-26503

Nous profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant les temps de pause.

Le temps minimum de pause

Le code du travail prévoit que tout salarié doit bénéficier d’un temps de pause ou de repas de :

  • 20 minutes au minimum au bout de 6 heures de travail.

Article L3121-33

Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes.

Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur.

Temps de restauration ? 

Rien n’est indiqué sur le code du travail sur le temps prévu pour la restauration, ce sont les usages, conventions collectives ou accords collectifs qui réglementent fréquemment ces temps particuliers.

Il n’existe donc pas légalement de temps de restauration minimum à respecter.

Le temps minimum de pause des mineurs

Bénéficiant d’un régime de protection, les salariés de moins de 18 ans doivent avoir un temps de repos de 30 minutes au bout de 4h ½ de travail.

Article L3162-3

Aucune période de travail effectif ininterrompue ne peut excéder, pour les jeunes travailleurs, une durée maximale de quatre heures et demie. Lorsque le temps de travail quotidien est supérieur à quatre heures et demie, les jeunes travailleurs bénéficient d'un temps de pause d'au moins trente minutes consécutives.

Temps de pause et de restauration ≠ travail effectif

Par défaut, les temps de pause et de restauration ne sont reconnus comme du temps de travail effectif que si les 3 critères sont réunis cumulativement (voir chapitre sur le travail effectif)

Néanmoins, le code du travail prévoit la possibilité pour ces temps, même s’ils ne sont pas reconnus comme temps de travail effectif, d’ouvrir droit à rémunération selon un accord collectif, convention collective ou contrat de travail.

Article L3121-2

Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis.

Même s'ils ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif, ces temps peuvent faire l'objet d'une rémunération prévue par une convention ou un accord collectif de travail ou par le contrat de travail.

Temps de pause = temps de travail effectif

Un récent arrêt de la Cour de cassation a reconnu que les temps qualifiés de « temps de pause » devaient être requalifiés en temps de travail effectif et donc être rémunérés comme tels dans certaines situations...

L’affaire jugée par la Cour de cassation concerne un salarié d’une station service.

Ce salarié travaille seul pendant la nuit et saisit la justice afin de faire reconnaître son temps de pause de 30 minutes (pause prévue par la convention collective du commerce et de la réparation automobile) comme un temps de travail effectif.

Son employeur prétendait au contraire que le salarié pouvait prendre son temps de pause « entre deux clients » compte tenu du fait que son poste de travail contenait d’importantes plages d’inaction.

La Cour de cassation donne raison au salarié considérant que les temps de pauses accordées au salarié devaient être requalifiés en temps de travail effectif.

Cour de cassation du 13/01/2010 n° 08-42.716

Vérification du SMIC et temps de pause

C’est une affaire pour laquelle le contentieux dure depuis plus de 2 ans. 

Une grande marque de la grande distribution considère qu’il y a lieu de prendre en compte le temps de pause rémunéré afin de vérifier si les salariés perçoivent le salaire minimum, à savoir le SMIC.

Effectivement, dans cette entreprise, les salariés bénéficient d’une prime de 5% versée à l’occasion de leur pause.

Pour les salariés, c’est certain, ces temps de pause ne doivent pas être pris en compte pour vérifier si le SMIC a bien été respecté.

Ils saisissent donc le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir gain de cause. 

La Cour d’appel donne raison à l’employeur, considérant que les temps de pause rémunérés sont directement liés à l’exécution du contrat de travail.

Ces temps de pause doivent être considérés comme des « compléments de salaire », indiquant en outre que la prime est aussi versée aux salariés absents et pendant les périodes de congés payés. 

La Cour de cassation donne raison aux salariés.

Les juges considèrent que les temps de pause ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif, les salariés pouvant vaquer à des occupations personnelles.

La rémunération correspondant à ces temps de pause ne doit donc en aucun cas être prise en compte dans la vérification du SMIC

Cour de cassation 15/02/2011 Arrêts 10-87.019 FS-PBI, 10-83.988 PBI, 10-87.185 FS-D

Précisions sur le temps de pause 

La pause minimale prévue par le Code du travail vient d’être précisée par la Cour de cassation dans 3 arrêts récents. 

Pas de fractionnement du temps de pause légalement prévu 

Dans la première affaire, un accord collectif (du 22/10/2000) prévoyait l’attribution de 2 pauses par jour comme suit : 

  • Pour les équipes du matin travaillant de 5 heures 30 à 12 heures 30 : une pause de 15 minutes de 9 heures à 9 heures 15 et une pause de 15 minutes en fin de vacation ;
  • Pour les équipes de l'après-midi travaillant de 12 heures 25 à 19 heures 25 une pause de 15 minutes de 16 heures à 16 heures 15 et une pause de 15 minutes en fin de vacation.

Extrait de l’arrêt :

que l'accord d'entreprise du 22 décembre 2000 prévoyait pour les équipes du matin travaillant de 5 heures 30 à 12 heures 30 une pause de 15 minutes de 9 heures à 9 heures 15 et une pause de 15 minutes en fin de vacation, et pour les équipes de l'après-midi travaillant de 12 heures 25 à 19 heures 25 une pause de 15 minutes de 16 heures à 16 heures 15 et une pause de 15 minutes en fin de vacation, ce dont il résultait que les salariés bénéficiaient d'une pause de 30 minutes pour 6 heures 30 de travail quotidien

Pour l’employeur, une pause de 30 minutes pour 6 heures 30 de travail quotidien était ainsi attribuée aux salariés, constituant une disposition plus favorable que la disposition légale.

La Cour de cassation n’est pas du même avis, considérant que l’accord d’entreprise contrevenait aux dispositions légales.

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'ayant constaté que le temps de travail effectif quotidien des salariés était supérieur à six heures, la cour d'appel a exactement décidé que l'accord d'entreprise qui prévoyait l'octroi de deux pauses d'une durée inférieure à vingt minutes contrevenait aux dispositions légales, peu important que le temps de travail effectif soit fractionné par une interruption de quinze minutes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Cour de cassation Audience publique du mercredi 20 février 2013 N° de pourvoi: 11-28612 11-28613 11-28614 11-28615 11-28616 11-28617

Attribution d’une pause pour un temps de travail inférieur à 6 heures


La seconde affaire concerne 3 accords collectifs accordant aux salariés :

  • Une pause de 7 minutes payée par demi-journée d’une durée inférieure ou égale à six heures. 

Pour l’employeur ce temps de pause « conventionnel » était visiblement plus favorable que les dispositions légales, partant du principe que le salarié bénéficiait d’un temps de pause, y compris lorsque le temps de travail n’atteignait pas 6 heures. 

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, cassant et annulant l’arrêt de la cour d’appel sur ce point.

Les juges estimant en l’espèce que « alors qu'une interruption du travail d'une durée de sept minutes au cours d'une période de six heures ne dispensait pas l'employeur d'accorder à la salariée les vingt minutes de pause obligatoires à partir de six heures de travail quotidien ».

En d’autres termes, pause « conventionnelle » et pause « légale » devaient se cumuler.

Extrait de l’arrêt :

Vu l'article L. 3121-33 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que dès que le travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes ; que des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'article L. 3121-33 du code du travail relatif au temps de pause obligatoire, l'arrêt retient qu'en application de trois accords collectifs, les salariés de la société Y… bénéficient d'une pause de sept minutes payées par demi-journée d'une durée inférieure ou égale à six heures, et qu'il ressort des bulletins de salaire de la salariée que celle-ci a été mensuellement rémunérée au titre de cette pause ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'une interruption du travail d'une durée de sept minutes au cours d'une période de six heures ne dispensait pas l'employeur d'accorder à la salariée les vingt minutes de pause obligatoires à partir de six heures de travail quotidien, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande en paiement d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 21 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges que la Cour d'appel, qui a relevé qu'au sein de la société Y… , les tranches horaires de six heures consécutives de travail n'étaient entrecoupées que d'une pause de sept minutes, et non de vingt minutes, aurait dû en déduire que la demande de dommages et intérêts formulée par la salariée pour non-respect des temps de pause étaient fondée ; que la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 3121-33 du Code du travail.

Cour de cassation Audience publique du mercredi 20 février 2013 N° de pourvoi: 11-26793

La charge de la preuve pèse sur l’employeur

La troisième affaire concerne la charge de la preuve du respect ou non temps d’un temps de pause (tout comme dans l’affaire présente d’ailleurs). 

Pour la Cour de cassation, la preuve du respect du temps de pause repose intégralement sur l’employeur.

C’est donc à dernier qu’il revient de prouver que le salarié a réellement bénéficié du temps de pause légalement prévu, et non au salarié et à l’employeur de le faire conjointement. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu, ensuite, que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds, prévus tant par le droit de l'Union européenne que par le droit interne, qui incombe à l'employeur ;
Et attendu qu'ayant relevé que l'employeur qui détenait les plannings de la salariée et disposait de l'ensemble des éléments de preuve concernant l'organisation du temps de travail dans ses établissements ne démontrait pas, ni ne prétendait pas avoir respecté les temps de pause prévus par l'article L. 3121-33 du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas modifié les termes du litige, a, par ses seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;

Cour de cassation  Audience publique du mercredi 20 février 2013 N° de pourvoi: 11-21599 11-21848 

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