Quand une mise à pied conservatoire n’est pas suivie d’un licenciement pour faute grave ou lourde

Jurisprudence
Mise à pied

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Un salarié est engagé le 6 octobre 2003 en qualité d'agent de service.

Mis à pied de façon conservatoire le 25 septembre 2008, il est finalement licencié le 8 octobre 2008 pour une cause réelle et sérieuse.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale. 

La cour d’appel puis la Cour de cassation donnent raison au salarié. 

Les juges rappellent que seul un licenciement pour faute grave (ou lourde) permet à l’employeur de ne pas rémunérer la période correspondant à la mise à pied conservatoire.

Dans cette affaire, l’employeur n’avait pas payé la période de mise à pied conservatoire tout en prononçant un licenciement pour cause réelle et sérieuse. 

La mise à pied conservatoire devait alors s’analyser en une mesure disciplinaire, privant le licenciement de cause réelle et sérieuse. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que seul le licenciement fondé sur une faute grave ou lourde dispense l'employeur de son obligation de paiement du salaire afférent à la période de mise à pied ; qu'ayant relevé que la mise à pied notifiée au salarié le 25 septembre 2008 n'avait pas été suivie d'un licenciement pour faute grave ou lourde et que l'employeur s'était cependant abstenu de payer le salaire correspondant à la période de mise à pied, la cour d'appel a pu décider que cette mesure présentait le caractère d'une sanction disciplinaire ; qu'elle en a exactement déduit que l'employeur avait épuisé son pouvoir de sanction et que le salarié ne pouvait être sanctionné deux fois pour les mêmes faits ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-18548

C’est un arrêt très intéressant que rend la Cour de cassation dans la présente affaire. 

Les juges appliquent en effet le principe de « non bis in idem », ou en d’autres termes les mêmes faits ne peuvent donner lieu à deux sanctions. 

  • La mise à pied n’est pas payée et le licenciement est prononcé pour cause réelle et sérieuse 

Dans ce cas, il y a lieu de considérer que l’employeur sanctionne son salarié, par le fait qu’il s’abstient de payer la période correspondant à la mise à pied. 

  • Le licenciement devient sans cause réelle et sérieuse 

De ce fait, les mêmes faits ne peuvent autoriser l’employeur à prononcer 2 sanctions : une mise à pied non rémunérée + un licenciement.

On dit aussi que l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire par le prononcé d’une mise à pied non rémunérée. 

Confirmation de jurisprudence

L’arrêt rendu par la Cour de cassation dans la présente affaire n’est pas nouveau. 

Arrêt du 26/11/1987 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que,(…) la société (…)  qui a engagé M. X... en qualité de manoeuvre le 19 octobre 1981, l'a licencié le 17 novembre 1982, après l'avoir mis à pied le 10 novembre et convoqué à l'entretien préalable au licenciement, au motif qu'il avait commis, le 9 novembre 1982, une faute lourde en se rendant complice d'un vol commis par un autre salarié au préjudice d'une entreprise située dans une enceinte portuaire où les intéressés étaient chargés du ramassage des déchets ;

(…) Mais attendu qu'en écartant la faute grave, les juges du fond ont condamné à bon droit au paiement du salaire pendant la période de mise à pied ;

D'où il suit que le premier moyen, et, pris en sa première branche, le second moyen, ne sauraient être accueillis ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 122-41 alinéa 3 du Code du travail ;

Attendu que, pour condamner la société (…) à payer à M. X... une indemnité pour inobservation de la procédure prévue par l'article L. 122-41 du Code du travail, la cour d'appel a énoncé que la décision de mise à pied n'avait pas été assortie de l'entretien préalable prévu par ce texte ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a relevé le caractère conservatoire de la mise à pied prononcée, la cour d'appel a faussement appliqué, et, en conséquence, violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la condamnation de la société (…) au paiement d'une indemnité pour inobservation de la procédure disciplinaire, l'arrêt rendu le 8 novembre 1984, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen 

Cour de cassation  chambre sociale  Audience publique du jeudi 26 novembre 1987  N° de pourvoi: 85-40367

  

Arrêt du 17/11/1998 

Extrait de l'arrêt:

Mais attendu que lorsque la mise à pied conservatoire n'est pas justifiée par une faute grave, l'employeur doit payer au salarié l'intégralité des salaires qu'il aurait perçus pendant la période litigieuse ;(…)

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation chambre sociale  Audience publique du mardi 17 novembre 1998  N° de pourvoi: 96-44335

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