Un « trop versé » sur salaires est assimilable à… une avance sur salaires !

Jurisprudence
Mensualisation

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Cet article a été publié il y a 12 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Une salariée est engagée le 1/04/2001 par une association d’aide aux personnes âgées, en qualité d’aide à domicile.

Son contrat à temps partiel prévoit le lissage de se rémunération à hauteur de 814,14 € par mois, la durée annuelle de son travail est de 1.352 heures.

Le 26/10/2007 elle saisit la juridiction prud’homale en vue d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Elle indique en effet, que lors de la régularisation annuelle en décembre, aucun salaire ne lui est versé, l’entreprise indiquant qu’elle avait bénéficiée d’un « trop perçu » de 830,82 €. 

Elle est finalement licenciée pour faute grave. 

Dans un premier temps, la Cour d’appel déboute la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat.

Même si le fait de n’avoir pas réparti la régularisation annuelle sur plusieurs mensualités est une attitude contestable de l’employeur, ce seul fait n’est pas d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail. 

Extrait de la Cour d'appel:

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur, la cour d'appel, après avoir relevé que la salariée n'avait reçu aucun salaire pour le mois de décembre 2006 en raison d'un trop-perçu de 830,82 euros révélé à l'occasion de la régularisation annuelle effectuée au mois de décembre de chaque année, a retenu que s'il est contestable que l'employeur n'ait pas réparti ce trop-perçu sur plusieurs mensualités, ce seul fait n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ; 

Mais les juges de la Cour de cassation ne sont pas du même avis et décident de casser et annuler le jugement de la Cour d’appel.

La Cour de cassation considère que le « trop perçu » sur salaires doit s’analyser comme une avance sur salaires. 

Extrait de la Cour de Cassation :

Qu'en statuant ainsi, alors que le trop-perçu par le salarié constaté lors de la régularisation annuelle du salaire, qui s'analyse en une avance en espèces, ne pouvait donner lieu à une retenue excédant le dixième du salaire exigible, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Cour de cassation du , pourvoi n°10-16660

A l’occasion de ce jugement, nous rappelons deux notions importantes (parfois assez peu connues) qui concernent les acomptes et les avances sur salaire.

Ce sont deux notions bien différentes et qui obéissent à des règles particulières. 

Les acomptes 

L’acompte sur salaire consiste à payer un travail effectué dont la rémunération n’est pas encore exigible. 

C’est le code du travail, par son article L 3242-1 qui définit le régime des acomptes. 

Le principe est de considérer que le salarié fait « crédit » à son employeur. 

En effet, le salarié fournit un travail qui ne lui sera payé qu’à l’échéance de la paye.

L’acompte est donc la rémunération du travail déjà réalisé par le salarié avant que le bulletin de paie ne soit établi par l’entreprise. 

Salariés mensualisés 

Avant la rédaction du nouveau code du travail applicable depuis le 1er  mai 2008, seuls les salariés ouvriers bénéficiaient obligatoirement d’un acompte. 

Pour les autres catégories, cela restait à la discrétion de l’employeur. 

La situation est plus claire depuis le 1er mai 2008. 

Les salariés mensualisés doivent percevoir un acompte correspondant pour une quinzaine à la moitié de la rémunération mensuelle doit être versé à ceux qui en font la demande. 

Article L3242-1

La rémunération des salariés est mensuelle et indépendante, pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois. Le paiement mensuel neutralise les conséquences de la répartition inégale des jours entre les douze mois de l'année.

Pour un horaire équivalent à la durée légale hebdomadaire, la rémunération mensuelle due au salarié se calcule en multipliant la rémunération horaire par les 52/12 de la durée légale hebdomadaire.

Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois. Un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé au salarié qui en fait la demande.

Ces dispositions ne s'appliquent pas aux salariés travaillant à domicile, aux salariés saisonniers, aux salariés intermittents et aux salariés temporaires.  

Salariés exclus de la loi de mensualisation 

Dans le cas, les salariés doivent être payés au moins 2 fois par mois, à 16 jours au plus d’intervalle. 

Article L3242-3

Les salariés ne bénéficiant pas de la mensualisation sont payés au moins deux fois par mois, à seize jours au plus d'intervalle.

Rappel :

Les salariés exclus de la loi de mensualisation sont :

  • Les travailleurs à domicile ;
  • Les salariés saisonniers ;
  • Les salariés intermittents ;
  • Les salariés temporaires. 

Les avances sur salaires 

Le Code du travail définit le régime des avances comme suit : 

Article L3251-3

En dehors des cas prévus au 3° de l'article L. 3251-2, l'employeur ne peut opérer de retenue de salaire pour les avances en espèces qu'il a faites, que s'il s'agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.

La retenue opérée à ce titre ne se confond pas avec la partie saisissable ou cessible.

Les acomptes sur un travail en cours ne sont pas considérés comme des avances. 

Par définition du code du travail, les avances sur salaire ont pour objectif de verser au salarié une somme pour un travail qui n’a pas encore été réalisé. 

Elle est « à la discrétion » de l’employeur, qui est donc totalement libre de l’accorder ou non et d’en fixer le montant (qui n’est pas limité au salaire mensuel). 

Dans ce cas, l’employeur ne pourra retenir sur le salaire qu’un dixième du salaire net, jusqu’à épuisement du montant de l’avance. Des mensualités moindres peuvent être convenues avec le salarié. 

Ce que l’on peut en conclure 

Par son jugement présent, la Cour de cassation considère qu’il y a lieu d’assimiler un « trop perçu » sur salaire avec les avances.

Par conséquent, l’employeur ne sera pas en droit de retenir en une seule fois (comme ce fut le cas dans cette affaire) l’intégralité des sommes versées indûment.

L’entreprise devait procéder à une retenue à raison d’1/10ème du salaire net , le fait d’avoir pratiqué une retenue « brutale » en une seule fois justifiait la résiliation judiciaire de son contrat de travail. 

Outil RH 

Dans cette affaire, la salariée concernée est à temps partiel.

N’oubliez pas que ce type de contrat est considéré comme « contrat d’exception » à la différence du contrat CDI à temps plein dénommé contrat de droit commun.

Pour ne pas commettre d’erreurs dans les procédures et toutes les spécificités liées à ce type de contrat, nous mettons à votre disposition un outil RH spécialement consacré à cette thématique. Voir l'outil contrat à temps partiel en cliquant ici.

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