Contexte de l'affaire
Une salariée se voit préconiser, pour des raisons médicales, par le médecin du travail, plusieurs aménagements de poste, dont deux puis trois jours de télétravail par semaine.
Pour procéder à cet aménagement, l’employeur demande une visite du domicile de la salariée, afin d’en vérifier la conformité. La salariée refuse, invoquant son droit à la vie privée. Le télétravail n’a pas été mis en place.
Invoquant un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité en l'absence de mise en place de ce télétravail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.
La cour d’appel retient que l’employeur a pris les mesures nécessaires pour mettre en place les préconisations du médecin du travail et n'a pas manqué à son obligation de sécurité.
La Cour de cassation casse en totalité l’arrêt d’appel, pour trois raisons:
- Le domicile du salarié est protégé au titre du droit au respect sa vie privée; il peut légitimement en refuser l'accès à l'employeur ;
- L'employeur est tenu de prendre en compte les préconisations du médecin du travail et ne peut pas refuser un aménagement du poste, au seul motif que le salarié refuse une visite de son domicile, sans manquer à son obligation de sécurité.
- Le refus de la mesure d’aménagement de poste préconisée par le médecin du travail au seul motif que la salariée s’oppose à la visite de son domicile révèle une violation de l’obligation de sécurité.
I. La question soulevée par l'arrêt
Un salarié peut-il se voir refuser un poste en télétravail au motif qu’il refuse que son employeur contrôle son domicile ?
II. Les points clés de la décision de la Cour de cassation
Non répond la cour de cassation, l’employeur ne peut pas refuser la mise en place d’un télétravail préconisé par le médecin du travail au titre d’un aménagement du poste au seul motif que le salarié a refusé une visite de son domicile par l’employeur
En effet, en l’espèce, le refus de l’employeur de mettre en place le télétravail reposait uniquement sur le refus de salarié du contrôle de son domicile. Il considérait que face au refus du salarié, il ne pouvait pas s’assurer que le lieu de travail était conforme aux règles de sécurité. Autrement dit, c’est au nom de la sécurité du salarié qu’il refusait la mesure préconisée par le médecin.
Dans cet arrêt, la Cour articule sa décision autour de deux points :
- l’obligation de sécurité de l’employeur qui lui impose d’évaluer et de prévenir les risques professionnels
- le droit du salarié en télétravail au respect et à la protection de sa vie privée et de son domicile
Elle réaffirme d’une part, la portée des préconisations du médecin du travail tout en rappelant le droit constitutionnel du salarié au respect de sa vie privée et de son domicile.
L’employeur ne peut pas exiger d’avoir accès au domicile du salarié. Et s’il est confronté à un refus du salarié, la Cour confirme qu’il n’a pas de raison légitime pour s’opposer au télétravail.
Par conséquent, si le médecin du travail recommande du télétravail pour un salarié, l’employeur est tenu de prendre en compte cet avis
En cas de refus, il doit faire connaître par écrit au salarié et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite
L'employeur peut exercer un recours auprès du conseil de prud’hommes pour contester les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (article L.4624-7 du Code du travail). Cette contestation n’a pas d’effet suspensif et l’employeur ne peut donc pas attendre que le conseil de prud’hommes tranche, pour mettre en oeuvre les préconisations du médecin du travail. (Cass. soc., 24 septembre 2025, n° 24-15.895)
L’employeur qui n’a pas exercé ce recours ne peut pas refuser la mise en place d’un télétravail préconisé par le médecin du travail au titre d’un aménagement du poste au seul motif que le salarié a refusé une visite de son domicile par l’employeur.
III. L'impact de la décision pour les employeurs
Lorsque le médecin du travail préconise le télétravail un salarié à titre de mesure d’aménagement de poste, l’employeur ne peut pas s’y opposer. Cette préconisation s’impose à lui quand bien même le télétravail n’est pas déjà collectivement mis en place dans l’entreprise.
A défaut, et en l'absence de motif légitime de refus, il viole son obligation de sécurité et engage sa responsabilité pour non-respect de cette obligation de sécurité
IV. Références
Code du travail
- L.4121-1 et L.4121-2 : obligation de sécurité dée l'employeur
- L.4624-6 : droit de l'employeur de s'opposer aux préconisations du médecin du travail et obligation de faire connaître par écrit au salarié et au médecin du travail les motifs qui de refus.