Faute de comporter la signature de l’entreprise de travail temporaire, le contrat de mission devient un CDI de droit commun

Jurisprudence
Paie Intérim

Faute de comporter la signature de l'entreprise de travail temporaire, le contrat de mission ne pouvait être considéré comme ayant été établi par écrit, de sorte que l’ETT se trouvait lié à la salariée par un contrat à durée indéterminée.

Publié le
Télécharger en PDF

Une salariée est engagée par une ETT, et mise à disposition d’une entreprise utilisatrice, suivant plusieurs contrats de mission, au cours de la période de juillet à septembre 2015.

La salariée saisit la juridiction prud'homale, le 13 juin 2017, afin d'obtenir la requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise de travail temporaire et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

La cour d'appel de Bordeaux, par arrêt du 1er avril 2021, déboute la salariée aux motifs que :

  • Il était constaté que les contrats de mission signés par la salariée ont été régulièrement formalisés par des écrits contenant les mentions exigées par la loi ;
  • Et que la seule absence de signature de l'employeur n'est pas de nature à justifier la requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée. 

La cour d’appel ajoute que, c'est à tort que les premiers juges ont, sur cet unique motif, ordonné une telle requalification et ont considéré que la fin de mission s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Mais la salariée décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Toulouse et indiquant à cette occasion que :

  • Faute de comporter la signature de l'entreprise de travail temporaire, le contrat de mission ne pouvait être considéré comme ayant été établi par écrit ;
  • De sorte que l'employeur, en ne respectant pas les dispositions légales, s'était placé hors du champ d'application du travail temporaire, et se trouvait lié à la salariée par un contrat de droit commun à durée indéterminée 

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1251-16 et L. 8241-1 du code du travail :

5. Selon le premier de ces textes, le contrat de mission est établi par écrit.

6. Selon le second, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d'oeuvre est interdite. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre des dispositions du présent code relatives au travail temporaire.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que la signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié, est destinée à garantir qu'ont été observées les diverses conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite. Cette prescription étant d'ordre public, son omission par l'une des parties entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée. Il n'en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse.

8. Pour débouter la salariée de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat, l'arrêt retient que les contrats de mission signés par la salariée ont été régulièrement formalisés par des écrits contenant les mentions exigées par la loi et que la seule absence de signature de l'employeur n'est pas de nature à justifier la requalification de ces contrats en contrat à durée indéterminée. Il en conclut que c'est à tort que les premiers juges ont, sur cet unique motif, ordonné une telle requalification et ont considéré que la fin de mission s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

9. En statuant ainsi, alors que, faute de comporter la signature de l'entreprise de travail temporaire, le contrat de mission ne pouvait être considéré comme ayant été établi par écrit, et que l'employeur, en ne respectant pas les dispositions des textes susvisés, s'était placé hors du champ d'application du travail temporaire, et se trouvait lié à la salariée par un contrat de droit commun à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt entraîne la cassation du chef de dispositif ayant débouté la salariée de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour la période du 21 juillet au 11 septembre 2015, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

Cour de cassation du , pourvoi n°22-15122

La présente affaire aborde la requalification d’un contrat de mission en contrat CDI au sein de l’entreprise de travail temporaire.

Rappelons quelques notions à ce sujet, en indiquant que les informations qui vous sont communiquées ci-après sont extraites de notre fiche pratique consacrée à cette thématique : 

Requalification des contrats au sein de l’ETT

Il existe des cas prévus par le Code du travail, ou envisagées par la Cour de cassation selon lesquels le contrat de travail temporaire peut être requalifié en contrat CDI.

Non-respect d’une des prescriptions de l’article L 1251-16

Jurisprudence du 11/03/2015 

Une salariée est engagée par une entreprise de travail temporaire, dans le cadre de divers contrats de mission pour sa mise à disposition de plusieurs sociétés.

Elle saisit la juridiction prud'homale afin d’obtenir la requalification des contrats de mission en contrat CDI.

A l’appui de sa demande, le fait que ces contrats de mission omettaient d’évoquer l’indemnité de fin de mission.

La cour d’appel puis la Cour de cassation donnent raison à la salariée, estimant que, sous réserve d’une intention frauduleuse du salarié, le non-respect de l’article L 1251-16 du code du travail régissant les contrats de travail temporaire impliquait la requalification de son contrat temporaire en contrat CDI au sein de l’ETT. 

Arrêt Cour de cassation du 11/03/2015, pourvoi 12-27855

Absence de signature sur le contrat de mission

Dans l’affaire abordée par la Cour de cassation, le salarié demandait la requalification de son contrat de mission en CDI, au motif que le contrat ne comportait pas la signature du salarié.

La Cour de cassation donne raison au salarié. 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 7 mars 2000 N° de pourvoi: 97-41463

Absence de contrat de mission

Contredisant l’arrêt de la cour d’appel, la Cour de cassation donne raison au salarié qui souhaitait obtenir la requalification de son contrat de mission en CDI, compte tenu du fait qu’aucun contrat de mission n’avait été établi par écrit.

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 13 décembre 2006 N° de pourvoi: 05-44956 

L’absence de la qualification du salarié remplacé

Dans cette affaire, un intérimaire constatant que le contrat de mission ayant pour motif le remplacement de salariés absents, n’indiquait pas la qualification de ces derniers.

Dans un premier temps, la cour d’appel considérait que la requalification en CDI ne pouvait se faire au sein de l’ETT, mais que le salarié pouvait faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée.

Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, considérant que l’omission de la qualification des salariés remplacés était du ressort de l’ETT, c’est donc au sein de cette entreprise que le salarié pouvait prétendre à une requalification en CDI.

Ajoutons que la Cour de cassation rappelle que le contrat de mission n’avait pas été remis dans les 2 jours ouvrables suivant sa mise à disposition.

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 17 mars 2010 N° de pourvoi: 08-44880 

L’absence de terme de la mission

Dans cette affaire, le salarié intérimaire demandait (et obtenait) la requalification de son contrat de mission en contrat CDI au sein de l’entreprise utilisatrice, compte tenu du fait que le contrat de mission omettait d’indiquer le terme de la mission.

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 avril 2000 N° de pourvoi: 97-45508 

Requalification du contrat d’intérim impossible en cas de refus de signature du salarié   

L’affaire concerne un salarié engagé en qualité de mécanicien-ajusteur par une société pour une mission de travail temporaire en Allemagne du 13 au 30 juin 2005, un second contrat ayant été conclu entre les parties pour la période du 1er au 10 juillet 2005.

Le salarié soutien qu'il n'y avait pas eu de contrats de mission écrits, saisit la juridiction prud'homale en demandant la requalification de son contrat de travail.

La Cour de cassation déboute le salarié de sa demande, relevant en l’espèce une fraude du salarié.

En effet, celui-ci s'étant sciemment abstenu de retourner signés, malgré plusieurs relances, les deux contrats de mission qui lui avaient été adressés par l'entreprise de travail temporaire.

Cour de cassation du 9/03/2011 Pourvoi J 09-65.433

Cette affaire rappelle « étrangement » une affaire jugée en 2010...

Un salarié de la société ADECCO demande la requalification de son contrat en contrat de droit commun, soit le CDI.

Son argumentation devant le Conseil de prud’hommes auquel il s’adresse, est que les différents contrats n’ont pas été signés.

La partie adverse, l’entreprise de travail temporaire, indique que c’est le salarié lui-même qui a refusé de signer les différents contrats mais qu’il percevait les indemnités de précarité correspondantes.

La Cour de cassation dans cette affaire ne donne pas raison au salarié et le déboute de sa demande en requalification.

Dans leur arrêt, les juges de la Cour de cassation rappellent que

Extrait de l’arrêt :

 « si la signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'ETT et le salarié afin de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’œuvre est interdite, a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en CDI de droit commun, il en va autrement lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse».

Cour de cassation du 24/03/2010 arrêt 08-45552

Requalification du contrat d’intérim impossible en cas de refus de signature du salarié : épisode 2  

Une autre affaire abordée récemment par la Cour de cassation confirme que la requalification du contrat de travail temporaire en contrat CDI est impossible en cas de refus de signature du salarié concerné.

Si vous souhaitez retrouver l’affaire en détails sur notre site, vous pouvez utiliser le lien suivant : 

http://www.legisocial.fr/jurisprudences-sociales/043-requalification-du-contrat-dinterim-impossible-en-cas-de-refus-de-signature-du-salarie.html

Accès à votre contenu même hors ligne

Recevez ce contenu par email

ou
ou

Réagir à cet article

Avez-vous trouvé cet article utile ?

Aucune note, soyez le premier à noter cet article

Votre note :

Commentaires

Aucun commentaire, soyez le premier à commenter cet article

Votre commentaire sera publié après connexion.

Une question sur cet article ?

Posez votre votre question sur le forum

Les questions liées sur le forum