Forfait annuel jours nul : un salaire supérieur au minimum conventionnel ne remplace pas les heures supplémentaires

Jurisprudence
Paie Heures supplémentaires

Un salarié, qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours, peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires, lesquelles ne pouvant être « remplacées » par le versement d’un salaire supérieur au minimum conventionnel

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Un salarié est engagé à compter du 1er janvier 1991, en qualité de chargé de la recherche et développement d'affaires, puis promu directeur d’un centre commercial le 1er janvier 2000. 

Le 12 décembre 2011, le salarié a conclu un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er janvier 2012 avec une société, ayant démissionné de la précédente le 30 décembre 2011.

Le 1er juillet 2015, le contrat de travail est transféré à une autre société, à la suite d'une opération de fusion-absorption.

Le salarié, qui a été licencié le 6 janvier 2016, a saisi, le 16 mars suivant, la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Il considère notamment que la convention de forfait jours dont il dépend doit être considérée comme nulle, et ouvrir droit au paiement d’heures supplémentaires. 

Dans un premier temps, par arrêt du 18 février 2021, la cour d’appel d'Aix-en-Provence déboute le salarié de sa demande en ce qui concerne le paiement d’heures supplémentaires, retenant l’argument de l’employeur à savoir le versement d’une rémunération supérieure au minimum conventionnel « de sorte qu'il avait été rempli de ses droits en matière de paiement des heures supplémentaires ».

Sans que cela ne soit une réelle surprise pour nous, la Cour de cassation ne retient pas du tout cette argumentation et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. 

Elle ajoute ainsi que : 

Un salarié, qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours :

  • Peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail ;
  • Le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne pouvant tenir lieu de règlement des heures supplémentaires.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et l'article L. 3171-4 du même code :

  1. Selon le premier de ces textes, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
  2. Selon le second, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
  3. Il résulte de ces textes que le salarié, qui a été soumis à tort à un forfait annuel en jours, peut prétendre au paiement d' heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail et que le versement d'un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires.
  4. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des contreparties en repos obligatoire et du travail dissimulé, l'arrêt, après avoir relevé que la convention de forfait en jours était nulle et que le salarié présentait des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies, retient que l'employeur justifie de ce que le salarié a perçu une rémunération mensuelle de 5 666 euros supérieure de plus de 3 172 euros à ce qu'il pourrait, le cas échéant revendiquer, en application des dispositions conventionnelles, de sorte qu'il avait été rempli de ses droits en matière de paiement des heures supplémentaires.
  5. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [C] [R] de ses demandes au titre des heures supplémentaires non payées, des contreparties obligatoires en repos et de l'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°21-15209

Nombreux sont les arrêts concernant les conventions de forfait annuel en jours, preuve une nouvelle fois que la gestion de ce type de contrat peut s’avérer assez complexe.

Nous profitons de l’affaire présente pour vous en rappeller les notions fondamentales, les informations ci-après proposées sont extraites d’une de nos fiches pratiques consacrées au forfait jours, au sein de notre pack consacré au temps de travail (plusieurs fiches pratiques abordant les forfaits jours, y compris des situations complexes ou particulières (comme des heures de recherche d’emploi, sortie/entrée en cours de mois, calcul d’absences, etc.) vous y sont proposées). 

La mise en place

Quelle que soit la nature de la convention de forfait, heures ou jours, le nouvel article L 3121-63 inséré dans le code du travail dans le cadre du champ de la négociation collective confirme que la mise en place d’une convention de forfait est réalisée par :

  • Un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ;
  • Ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Article L3121-63 

Créé par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Les 5 clauses obligatoires de l’accord  

L’article L 3121-64, créé par la loi travail, fixe désormais 5 clauses obligatoires (au lieu de 3 avant la loi) comme suit :

  1. Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ;
  2. La période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
  3. Le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de 218 jours s’agissant du forfait en jours ;
  4. Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
  5. Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait.

Article L3121-64

Modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 - art. 1

I.-L'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l'année détermine :

1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-56 et L. 3121-58 ;

2° La période de référence du forfait, qui peut être l'année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;

3° Le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s'agissant du forfait en jours ;

4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;

5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait.

II.-L'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :

1° Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;

2° Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;

3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.

L'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l'article L. 3121-59. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III du présent livre relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.

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