Un licenciement prononcé, même en partie, en raison de la liberté d’expression est nul

Jurisprudence
RH Prud'hommes

Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors, d’une liberté d'expression. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de son exercice, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé à compter du 5 août 1991, en qualité d'ingénieur adjoint au directeur technique.

Le 16 août 2016, il a pris les fonctions de directeur général d’une société, filiale roumaine du groupe.

Il est licencié pour faute grave le 20 janvier 2017, mais contestant cette mesure, il saisit la juridiction prud'homale. 

Précisons que le licenciement pour faute grave avait été justifié par l’employeur en raison des faits suivants :

  • Dans un premier temps, les propos qu'il avait tenus dans un courrier adressé au président du directoire du groupe dans lequel il mettait en cause le directeur d'une filiale ainsi que les choix stratégiques du groupe ;
  • Ensuite, une lettre du 23 décembre 2016 adressée par le salarié au président du directoire du groupe, pour dénoncer la gestion désastreuse de la filiale roumaine tant sur le terrain économique et financier qu'en termes d'infractions graves et renouvelées à la législation sur le droit du travail, qui faisait suite à l'absence de réaction de sa hiérarchie qu'il avait alertée le 2 décembre 2016 sur ces problèmes majeurs de sécurité et de corruption imputables à la gestion antérieure.

Par arrêt du 7 mai 2020, la cour d'appel d’Amiens donne raison au salarié, mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, rejetant à cette occasion le pourvoi formé par l’employeur. 

Retenant les griefs retenus par l’employeur pour justifier le licenciement pour faute grave du salarié, elle remarque à cette occasion que les termes employés par le salarié licencié, n'étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l'endroit de l'employeur et du supérieur hiérarchique. 

Enfin, la Cour de cassation indique que :

  • Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression;
  • Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

  1. Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression.
  2. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.
  3. La cour d'appel a d'abord constaté que la lettre de licenciement articulait trois griefs envers le salarié en lui reprochant, dans un premier temps, les propos qu'il avait tenus dans un courrier adressé au président du directoire du groupe dans lequel il mettait en cause le directeur d'une filiale ainsi que les choix stratégiques du groupe.
  4. Elle a ensuite relevé que cette lettre du 23 décembre 2016 adressée par le salarié au président du directoire du groupe, pour dénoncer la gestion désastreuse de la filiale roumaine tant sur le terrain économique et financier qu'en termes d'infractions graves et renouvelées à la législation sur le droit du travail, faisait suite à l'absence de réaction de sa hiérarchie qu'il avait alertée le 2 décembre 2016 sur ces problèmes majeurs de sécurité et de corruption imputables à la gestion antérieure.
  5. Elle a enfin retenu que les termes employés n'étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l'endroit de l'employeur et du supérieur hiérarchique.
  6. Elle en a exactement déduit, sans avoir à examiner les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, dès lors qu'il était notamment reproché au salarié cet exercice non abusif de sa liberté d'expression, que le licenciement était nul.
  7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Cour de cassation du , pourvoi n°20-16060

Commentaire de LégiSocial

Il est fréquent que la Cour de cassation aborde la « liberté d’expression » dans ses différents arrêts.

Voici un rappel de quelques affaires pour lesquelles nous avons proposé des publications sur notre site. 

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Références

Liberté d’expression : oui, propos grossiers : non !

Cour de cassation du 21 juin 20211, pourvoi n° 10-30239

Pas d’abus de la liberté d’expression lorsque salarié et employeur s’insultent mutuellement !

Cour de cassation du 28 avril 2011, pourvoi n° 10-30107

Si un salarié abuse de sa liberté d’expression, son licenciement est fondé

Cour de cassation du 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-17735