A l’employeur de prouver que la recherche de reclassement en cas d’inaptitude a bien été effectuée

Jurisprudence
Paie Indemnité de licenciement

Une cour d’appel ne saurait décider que la prise d'acte produit les effets d'une démission, ayant constaté que le salarié invoquait un défaut de recherche de reclassement qu’il devait justifier, ayant ainsi inversé la charge de la preuve.

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Un salarié est engagé le 19 mai 2008 en qualité d'opérateur ;

Il est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail à l'issue d'une visite de reprise du 26 juin 2015 visant un danger immédiat.
Le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail le 19 août 2015, puis saisit la juridiction prud'homale le 28 août 2015 de demandes relatives tant à la rupture qu'à l'exécution de son contrat de travail, considérant notamment que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement suite à l’avis d’inaptitude.

Le 17 septembre 2015, le salarié est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. 

La cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, par arrêt du 19 juin 2018, déboute le salarié de sa demande, considérant à cette occasion que la prise d’acte produisait de ce fait les effets d’une démission. 

Mais tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, indiquant à cette occasion que : 

  • En décidant que la prise d'acte produit les effets d'une démission ;
  • Alors qu’elle constatait que le salarié invoquait au soutien de sa prise d'acte un défaut de recherche de reclassement de la part de l'employeur ;
  • Et qu’il appartenait à ce dernier de justifier des démarches entreprises en vue du reclassement du salarié ou de l'impossibilité de le reclasser ;
  • La cour d'appel a inversé la charge de la preuve.  

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil et les articles L. 1226-2 et L. 1231-1 du code du travail :
5. Selon le premier de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
6. Aux termes du second, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
7. Il résulte du troisième de ces textes que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
8. Pour dire que la prise d'acte produit les effets d'une démission et débouter le salarié de ses demandes au titre de la rupture, l'arrêt, après avoir estimé que le non-paiement du salaire au jour de la prise d'acte n'était pas constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier la rupture du contrat, retient que le défaut d'une recherche de reclassement imputé à la société (…) par le salarié n'est qu'une allégation non étayée par le moindre élément. Il précise, qu'à ce stade, l'employeur n'a pas à justifier ses recherches à l'inverse de l'hypothèse d'un licenciement pour impossibilité de reclassement et qu'aucune faute n'est à retenir à l'encontre de l'employeur de ce chef.
9. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le salarié invoquait au soutien de sa prise d'acte un défaut de recherche de reclassement de la part de l'employeur et qu'il appartenait à ce dernier de justifier des démarches entreprises en vue du reclassement du salarié ou de l'impossibilité de le reclasser, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société (…) à payer à M. E... la somme de 1 077,19 euros au titre de la prime d'ancienneté, l'arrêt rendu le 19 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;

Cour de cassation du , pourvoi n°19-10625

En cas d’inaptitude du salarié, l’employeur peut être contraint à procéder à des offres de reclassement, mais faisons le point à ce sujet.

Obligation de reclassement

Ce sont les articles suivants du code du travail qui nous donnent les informations concernant l’obligation de reclassement par l’employeur en cas d’inaptitude :

  • Article L 1226-2-1 ;
  • Article L 1226-12 ;
  • Article L 1226-20. 

Article L1226-2-1

Création LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.

Article L1226-12

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

Article L1226-20

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)

Lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article L. 1226-12 et des articles L. 1226-14 à L. 1226-16, relatives aux conditions de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne sont pas applicables.

Si l'employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11, au salarié déclaré inapte titulaire d'un tel contrat ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat.

Les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée.

La rupture du contrat ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Cette indemnité de rupture est versée selon les mêmes modalités que l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8.

Sont ainsi confirmés les points suivants :

  • L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
  • Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (l’article L 1226-12 évoque ce point pour une inaptitude d’origine professionnelle, et l’article L 1226-2-1 au titre d’une inaptitude d’origine non professionnelle).

Dispense obligation de reclassement

La loi travail apporte une modification importante à ce sujet.

Désormais, l’employeur est dispensé de son obligation de proposer un reclassement, sous réserve de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail :

  • Que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
  • Ou que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Désormais, dans l’esprit d’harmoniser les règles de reclassement, cette possibilité est ouverte :

  • En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
  • Mais également en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle.

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