Le respect de l’obligation de reclassement ne dispense pas l’employeur de reprendre le paiement du salaire au terme du délai d’un mois

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Paie Inaptitude

Le respect par l’employeur de l’obligation de reclassement, proposant au salarié inapte un emploi, ne le dispense pas de l’obligation de reprendre le paiement du salaire, si le salarié n’est ni licencié, ni reclassé au terme du délai d’un mois.

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Inaptitude et reprise paiement salaire : rappels

Avant d’aborder l’affaire pour laquelle la Cour de cassation vient de rendre un arrêt, nous faisons un rappel des principes fondamentaux concernant la reprise du paiement du salaire, lorsqu’un salarié a été déclaré inapte par la médecine du travail.

Les informations proposées ci-après sont extraites d’une de nos fiches pratiques, qui aborde en détails cette thématique et à retrouver au lien suivant : 

Reprendre le paiement du salaire 

Dans ce cas particulier, si aucun licenciement (ou aucun reclassement) n’a été prononcé dans un délai d’un mois, l’employeur doit alors reprendre le paiement des salariés au bénéfice de son salarié déclaré inapte totalement (pour un accident du travail ou un accident de trajet mais aussi pour toute autre origine).

Valeur salaire 

Nous noterons que l’article L 1226-4 précise que le salaire à verser est celui :

  • Correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail 

Article L1226-4

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 47

Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

En cas de licenciement, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.

Article L1226-11

Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

Reprendre le paiement sauf si l’inaptitude n’est pas connue 

Lorsque l’inaptitude a été prononcée par la médecine du travail, à l’initiative du salarié mais qu’elle n’a pas été portée à la connaissance de son employeur, l’obligation de paiement à l’expiration du délai d’un mois n’est pas applicable.

Cour de cassation du 19/05/2004 arrêt 02-46098 D 

Le décompte du délai d’un mois 

Le délai d’un mois court à compter de la déclaration d'inaptitude du médecin du travail (en principe après le second examen médical, sauf en cas d’urgence pour lequel un seul examen médical est requis).

Cour de cassation du 28/01/1998 arrêt 95-44301 

Présentation de l’affaire

Un salarié est engagé en qualité d'agent de sécurité.

Placé en arrêt de travail à compter du 29 novembre 2019, il est déclaré inapte à son poste le 5 février 2020, le médecin du travail ayant précisé qu'il pouvait occuper un poste similaire mais sur un autre site, sans travail de nuit.

Le 10 février 2020, l'employeur lui adresse une proposition écrite de reclassement dans un emploi d'agent de sécurité , en journée à compter du 17 février 2020, proposition que le salarié refuse le 12 février 2020.

L'employeur convoque le salarié à un entretien préalable le 12 mars 2020, reporté au 9 juin suivant en raison de l'épidémie de Covid.

Le 11 mai 2020, le salarié saisit la juridiction prud'homale, statuant en référé, d'une demande de rappel de salaire à compter du 5 mars 2020.

Le 16 juin 2020, le salarié est licencié.

Arrêt de la cour d’appel

La cour d'appel de Rennes, par arrêt du 27 mai 2021, déboute le salarié de sa demande.

Elle retient pour cela que :

  • Dès lors que l'employeur a adressé le 10 février 2020 au salarié une proposition écrite de reclassement sur un emploi d'agent de sécurité en journée (8h30 / 17h30) dans le strict respect des préconisations du médecin du travail émises cinq jours plus tôt lors de la visite de reprise du 5 février ;
  • Il a pleinement respecté les conditions posées par l'article L. 1226-2 en vue du reclassement de l'intéressé, son obligation afférente pouvant être considérée comme « réputée satisfaite » au sens de l'article L. 1226-2-1.

Mais le salarié décide de se pourvoir en cassation. 

Arrêt de la Cour de cassation

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, renvoyant les parties devant la cour d'appel d’Angers.

A l’occasion de son arrêt, la Cour de cassation confirme que :

  • La circonstance que l'employeur est présumé avoir respecté son obligation de reclassement en proposant au salarié déclaré inapte un emploi prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
  • Ne le dispense pas de verser au salarié, qui a refusé cette proposition de reclassement et qui n'a pas été reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise ou qui n'a pas été licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-2, L. 1226-2-1, L. 1226-4 du code du travail :

8. Selon le premier de ces textes, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

9. Selon le deuxième, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

10. Selon le troisième, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

11. La circonstance que l'employeur est présumé avoir respecté son obligation de reclassement en proposant au salarié déclaré inapte un emploi prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ne le dispense pas de verser au salarié, qui a refusé cette proposition de reclassement et qui n'a pas été reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise ou qui n'a pas été licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail.

12. Pour débouter le salarié de sa demande de provision à titre de rappel de salaire à compter du 5 mars 2020, l'arrêt retient que dès lors que l'employeur a adressé le 10 février 2020 au salarié une proposition écrite de reclassement sur un emploi d'agent de sécurité à (…) en journée (8h30 / 17h30) dans le strict respect des préconisations du médecin du travail émises cinq jours plus tôt lors de la visite de reprise du 5 février, il a pleinement respecté les conditions posées par l'article L. 1226-2 en vue du reclassement de l'intéressé, son obligation afférente pouvant être considérée comme « réputée satisfaite » au sens de l'article L. 1226-2-1.

13. La cour d'appel en a déduit que l'article L. 1226-4 du code du travail ne s'appliquait pas.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Angers ; 

Références 

Cour de cassation - Chambre sociale N° de pourvoi : 21-20.229 ECLI:FR:CCASS:2024:SO00006 Publié au bulletin

Solution : Cassation Audience publique du mercredi 10 janvier 2024 Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 27 mai 2021

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