La fixation du barème des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse

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RH Indemnité de licenciement

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Cet article a été publié il y a 6 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Nous débutons aujourd’hui une série de nombreux articles consacrés à la réforme du code du travail par ordonnances.

Suite à la présentation du 31 aout 2017, par le Premier ministre et la ministre du travail (voir notre article à ce sujet, en cliquant ici), nous analysons cette fois en détails le contenu de ces 5 projets d’ordonnances.

Nous commençons donc par une des réformes les plus médiatisées : la fixation d’un barème d’indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Rappel du régime actuel 

Selon la législation actuelle, les indemnités versées, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, varient selon la taille et l’ancienneté du salarié dans l’entreprise.

Concrètement, nous avons la situation suivante : 

Situations

Conséquences

Le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté et/ou se situe dans une entreprise de moins de 11 salariés. 

  • Dans ce cas, les juges sont dans l’impossibilité de proposer la réintégration du salarié licencié dans l’entreprise (article L 1235-5 du code du travail) ;
  • Le salarié peut obtenir le paiement d’une indemnité dont le montant est fixé souverainement par le juge, il n’existe pas de valeur minimale ou maximale ;
  • En tout état de cause, le salarié ne peut prétendre au paiement d’une indemnité, dont la valeur minimale correspondrait à 6 mois de salaires (Cour de cassation du 26/09/2006, pourvoi 05-43841).

Le salarié justifie d’une ancienneté d’au moins 2 ans et l’entreprise compte 11 salariés et plus.

  • Dans ce cas, le Code du travail prévoit la possibilité pour le salarié de réintégrer l’entreprise qui vient de le licencier (article L 1235-3 du code du travail) ;
  • Cette réintégration est totalement facultative, laissant ainsi la possibilité pour l’employeur ou le salarié de la refuser (Cour de cassation du 14/04/2010 pourvoi 08-45247) ;
  • Lorsque la réintégration n’a pas lieu, le salarié peut prétendre alors au paiement d’une indemnité dont la valeur minimale est fixée 6 mois de salaires (article L 1235-3 du code du travail) .

Le nouveau régime selon le projet d’ordonnance 

Références 

  • Ordonnance n°3 « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » ;
  • Articles 3 et 43.

Entreprises de 11 salariés et plus 

Selon l’article du projet d’ordonnance, en cas de licenciement abusif, le juge pourrait accorder au salarié des dommages et intérêts, dont les valeurs devraient respecter des montants « planchers » et « plafonds », variables selon l’ancienneté du salarié comme l’indique le tableau suivant : 

Barème indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ancienneté du salarié dans l'entreprise (en années complètes)

Indemnité minimale (en mois de salaire brut)

Indemnité maximale (en mois de salaire brut)

0

Sans objet

1

1

1

2

2

3

3

3

3

4

4

3

5

5

3

6

6

3

7

7

3

8

8

3

8

9

3

9

10

3

10

11

3

10,5

12

3

11

13

3

11,5

14

3

12

15

3

13

16

3

13,5

17

3

14

18

3

14,5

19

3

15

20

3

15,5

21

3

16

22

3

16,5

23

3

17

24

3

17,5

25

3

18

26

3

18,5

27

3

19

28

3

19,5

29

3

20

30 et au-delà

3

20

Entreprises de moins de 11 salariés 

De façon dérogatoire, un barème s’applique aux licenciements sans cause réelle et sérieuse dans une entreprise comptant un effectif inférieur à 11 salariés.

2 remarques sont à faire sur ce barème :

  1. Seule une valeur minimale (ou plancher) est déterminée, aucune valeur maximale (valeur plafond) n’est déterminée ;
  2. Le barème s’arrête à une ancienneté dans l’entreprise de 10 années complètes, il semblerait que le barème des entreprises de 11 salariés et plus s’appliquerait alors au-delà, mais une précision de l’administration sera attendue à ce sujet. 

Barème indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ancienneté du salarié dans l'entreprise (en années complètes)

Indemnité minimale

(en mois de salaire brut)

0

Sans objet

1

0,5

2

0,5

3

1

4

1

5

1,5

6

1,5

7

2

8

2

9

2,5

10

2,5

Application des barèmes 

Les 2 barèmes s’imposeraient en cas de :

  • Licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • Résiliation judiciaire aux torts de l’employeur ;
  • Prise d’acte de rupture du contrat de travail pour des griefs fondés. 

Non-application des barèmes 

Ces barèmes ne concerneraient pas :

  •  Les indemnités versées dans le cas d’irrégularités en matière de licenciement économique;
  • En cas de licenciement nul et d’absence de réintégration du salarié (l’indemnité minimale ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois).

Nota :

Les cas permettant de prononcer la nullité du licenciement sont notamment les suivants :

  • Violation d’une liberté fondamentale ;
  • Faits de harcèlement moral ou sexuel ;
  • Licenciement discriminatoire ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes ou de dénonciation de crimes et délits ;
  • Violation du statut protecteur au titre de l’exercice d’un mandat (salarié protégé) ;
  • Non respect du régime de protection lié au congé maternité, accident du travail ou maladie professionnelle.

Modulation possible des dommages et intérêts 

Précision importante, le juge pourrait, pour déterminer la valeur des indemnités versées au salarié, tenir compte des indemnités de licenciement attribuées au salarié.

En d’autres termes, le juge serait en capacité de diminuer le montant de l’indemnité prud’homale si par cas le salarié avait perçu une indemnité de licenciement « élevée ». 

Un projet d’ordonnance qui pourrait connaître des modifications 

Rappelons le calendrier concernant les 5 projets d’ordonnance, en vertu duquel des modifications pourraient être apportées au contenu que nous analysons aujourd’hui (sans compter la décision attendue du Conseil constitutionnel). 

Dates

Contenu

1re quinzaine de septembre

Les projets d'ordonnance seront soumis à l’avis des instances consultatives (commission nationale de la négociation collective, Conseil d'orientation des conditions de travail, Conseil supérieur pour l'égalité professionnelle, conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, Caisses de sécurité sociale, Conseil national d'évaluation des normes, Conseil supérieur de la prud'homie).

22 septembre 2017

Adoption des projets d’ordonnance en conseil des ministres.

Extrait projet ordonnance :

Article 2

Le chapitre V du titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :

I- Les cinquième, sixième et septième alinéas de l’article L. 1235-1 sont supprimés.

II- Le second alinéa de l’article L. 1235-3 est remplacé par six alinéas ainsi rédigés:

« Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous. (…)

« Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture.

« Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.

« En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux fixés ci-dessous sont applicables, par dérogation à ceux fixés au troisième alinéa : (…)

III- L’article L. 1235-3-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1235-3-1.- L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est nul en application d’une disposition législative en vigueur ou qu’il est intervenu en violation d’une liberté fondamentale. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

« Les nullités mentionnées à l’alinéa précédent sont celles qui sont afférentes à la violation d’une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4, à un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues à l’article L. 1134-4 ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3 ou en matière de dénonciation de crimes et délits dans les conditions prévues à l’article L. 1232-3-3, ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé mentionné au chapitre premier du titre premier du livre IV de la deuxième partie, ainsi que des protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L 1225-71 et L 1226-13.

« L’indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle. »

IV- Après l’article L. 1235-3-1, est ajouté un article L. 1235-3-2, ainsi rédigé :

« Art. L. 1235-3-2.- Lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge judiciaire aux torts de l’employeur ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l’article L. 1451-1, le montant de l’indemnité octroyée est déterminé selon les règles fixées à l’article L. 1235-3.

V- L’article L. 1235-5 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « les dispositions relatives », sont insérés les mots : « au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11 » ;

2° Les cinq alinéas suivants sont supprimés ;

VI- A l’article L. 1235-11, le nombre : « douze » est remplacé par le chiffre : « six » ;

VII- A l’article L. 1235-13, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « un » ;

VIII- Le troisième alinéa de l’article L. 1235-14 est supprimé. (…)

Titre VII : Dispositions transitoires et finales

Article 43

I - Les dispositions des articles 2, 3, 4 et 44 42 sont applicables aux licenciements notifiés postérieurement à la publication de la présente ordonnance.

II - Les dispositions prévues aux articles 5 et 6 s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente ordonnance.

III - Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel et en cassation.

IV. Les dispositions prévues aux articles 11 et 12 s’appliquent au lendemain de la publication de la présente ordonnance.

V. Les règles de validité des accords visées à l'article L. 2232-12, sont applicables aux accords collectifs portant plan de départ volontaire prévus à l’article 13 à la date de publication des décrets pris pour l’application des dispositions relatives à la rupture amiable dans le cadre d’un accord collectif portant plan de départ volontaire, et au plus tard le 1er janvier 2018.

VI. - Les dispositions aux articles 18 21 24 et 25 sont applicables aux procédures de licenciements économiques engagées après la publication de la présente ordonnance.

VII. Les dispositions prévues aux articles 25 à 34 sont applicables aux contrats de travail conclus postérieurement à la publication de la présente ordonnance.

VIII. Les dispositions autres que celles mentionnées aux I, II, III, IV et V de la présente ordonnance entrent en vigueur à la date de publication des décrets pris pour son application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

Références

Ordonnance n°3 « relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail », articles 3 et 43

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