Le licenciement pour alcoolémie au travail n’est pas valable si le règlement intérieur n’a pas été déposé au greffe

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Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

La présente affaire concerne un salarié engagé le 17 août 2003 en qualité de visiteur emballeur par une société exploitant une verrerie industrielle.

Le salarié occupe en dernier lieu le poste de conducteur de machine, niveau ouvrier.

Il est mis à pied à titre conservatoire le 24 mars 2011, puis licencié pour faute grave le 20 avril suivant, pour s'être trouvé en état d'imprégnation alcoolique sur son lieu de travail. 

Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale, il estime que son licenciement doit être requalifié sans cause réelle et sérieuse.

Il indique dans son argumentaire, que le contrôle d’alcoolémie auquel son employeur l’avait soumis (et qui s’était révélé positif) était bien prévu par le règlement intérieur, mais ce dernier n’avait pas été déposé au greffe du conseil de prud'hommes du ressort de l'entreprise. 

Dans son arrêt du 8 avril 2014, la Cour d'appel de Rouen  donne raison au salarié. 

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi.

Les juges rappellent en effet que le règlement intérieur n’entre en vigueur, selon l’article L 1231-4 du code du travail, qu'un mois après l'accomplissement des formalités d'affichage et de dépôt au greffe du conseil de prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement.

Dans cette affaire, l’employeur n’était pas en mesure de démontrer le bon accomplissement de ces formalités, rendant ainsi le contrôle d'alcoolémie, inopposables au salarié.

Son licenciement était donc sans cause réelle et sérieuse. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1231-4 du code du travail, le règlement intérieur n'entre en vigueur qu'un mois après l'accomplissement des formalités d'affichage et de dépôt au greffe du conseil de prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement ; qu'ayant constaté que l'employeur ne démontrait pas l'accomplissement de ces formalités, la cour d'appel en a exactement déduit que les dispositions de ce règlement permettant d'établir, sous certaines conditions, l'état d'ébriété d'un salarié en recourant à un contrôle d'alcoolémie, n'étaient pas opposables au salarié, de sorte que le licenciement reposant exclusivement sur un tel contrôle était nécessairement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen, irrecevable dans sa première branche comme nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ; 
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-18574

Profitons de la présente affaire pour rappeler la procédure de mise en place d’un règlement intérieur comme suit : 

Temps numéro 1 : rédaction du règlement intérieur

L’employeur rédige le règlement intérieur, on dit alors que c’est un « acte unilatéral » du chef d’entreprise. 

Dans le cas où le règlement intérieur est le fruit d’une négociation avec les organisations syndicales, le règlement intérieur revêt alors le caractère d’accord collectif.

Cour de cassation 3/07/2001 n° 99-43.387

Temps numéro 2 : règlement intérieur donné pour avis

Le règlement intérieur est donné ensuite pour avis au CE (Comité d’ Entreprise) ou à défaut aux DP (Délégués du Personnel) et au CHSCT (Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail) pour la partie les concernant.

Article L1321-4

Le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.

En même temps qu'il fait l'objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, est communiqué à l'inspecteur du travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur.

L’avis émis par les représentants du personnel ne lie en aucune manière l’employeur qui peut néanmoins déposer le règlement intérieur, y compris dans le cas d’un avis négatif.

Il est important de savoir, que le défaut de consultations des IRP (Instances Représentatives du Personnel) soumet l’employeur à des sanctions prévues par le Code du travail.

Article R1323-1

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Le fait de méconnaître les dispositions des articles L. 1311-2 à L. 1322-4 et R. 1321-1 à R. 1321-5 relatives au règlement intérieur, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe.

Temps numéro 3 : communication à l’inspection du travail

Le règlement intérieur est ensuite adressé à l’inspection du travail en deux exemplaires, accompagné de l’avis des représentants du personnel.

Article R1321-4

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Le texte du règlement intérieur est transmis à l'inspecteur du travail en deux exemplaires.

Article L1321-4

Le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.

En même temps qu'il fait l'objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, est communiqué à l'inspecteur du travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur.

Temps numéro 4 : contrôle de l’inspection du travail

L’inspecteur est donc appelé à vérifier la légalité du règlement intérieur. 

Il dispose lors de sa mission de plusieurs possibilités : 

  • Exiger le retrait du règlement intérieur ;
  • Exiger la modification du règlement intérieur ;
  • Mettre en demeure l’employeur de mettre en place le règlement intérieur.

Article L1322-1

L'inspecteur du travail peut à tout moment exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux articles L. 1321-1 à L. 1321-3 et L. 1321-6.

Il est important de préciser que l’inspecteur du travail ne peut lui-même prendre l’initiative d’élaborer le règlement intérieur, cet acte ne peut être effectué que par l’employeur et lui seul.

Temps numéro 5 : la décision de l’inspection du travail

Dans tous les cas, la décision de l’inspection du travail doit être motivée. 

Elle est notifiée à l’employeur et communiquée aux IRP

Article L1322-2

La décision de l'inspecteur du travail est motivée.

Elle est notifiée à l'employeur et communiquée, pour information, aux membres du comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, ainsi qu'aux membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pour les matières relevant de sa compétence.

La décision de l’inspection du travail est réputée être « exécutoire »

Cela signifie qu’un règlement intérieur maintenu, avec mention d’une disposition considérée comme illégale par l’inspection du travail, fait courir le risque à l’employeur d’être condamnée à une amende prévue pour les contraventions de 4e classe.

Temps numéro 6 : dépôt au Conseil de prud’hommes

Lorsqu’il est approuvé par l’inspection du travail, il est aussi déposé au greffe du conseil de prud’hommes.

Article R1321-2

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Le règlement intérieur est déposé, en application du deuxième alinéa de l'article L. 1321-4, au greffe du conseil de prud'hommes du ressort de l'entreprise ou de l'établissement.

Temps numéro 7 : affichage

Il est obligatoirement affiché sur les différents lieux de travail. 

Il doit être disposé à une place convenable et aisément accessible dans les lieux où le travail est effectué, ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l’embauche.

Article R1321-1

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Le règlement intérieur est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l'embauche.

En cas de manquement, l’employeur s’expose à des sanctions.

Entrée en vigueur, dépôt et publicité

Le règlement intérieur doit indiquer la date à laquelle il entre en vigueur.

Cette date se situe au moins un mois après les formalités de dépôt et de publicité.

Article L1321-4

Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.

Le délai court à compter de la date de la dernière formalité de publicité et de dépôt. 

Article R1321-3

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)

Le délai prévu au deuxième alinéa de l'article L. 1321-4 court à compter de la dernière en date des formalités de publicité et de dépôt définies aux articles R. 1321-1 et R. 1321-2.

Exemple concret : 

  • Un règlement intérieur est rédigé en janvier 2011, il fixe une date d’application au 1er avril 2011 ;
  • La dernière formalité de dépôt et de publicité doit être intervenue au plus tard le 28 février 2011. 

Toutes ces dispositions, calculs et autres particularités doivent être respectées aussi dans le cas d’une modification du règlement intérieur en vigueur.

Article L1321-4

Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur. Cette date doit être postérieure d'un mois à l'accomplissement des formalités de dépôt et de publicité.

En même temps qu'il fait l'objet des mesures de publicité, le règlement intérieur, accompagné de l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et, le cas échéant, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, est communiqué à l'inspecteur du travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur. 

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