L’employeur ne doit pas être « trop accompagné » lors de l’entretien préalable au licenciement

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Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Une salariée est engagée le 1er mars 1991 en qualité de secrétaire médicale par une société de radiologie dans laquelle figurent 6 médecins cogérants.

Après un entretien préalable auquel 3 d'entre eux ont assisté, la salariée est licenciée pour faute grave par lettre du 3 mars 2009.

La salariée décide de saisir la juridiction prud’homale estimant que son entretien préalable ne s’est pas déroulé dans les formes légalement admissibles. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande, estimant la procédure de licenciement régulière, la présente de 3 médecins lors de l’entretien préalable était admissible, compte tenu de la structure de l’entreprise qui comportait 6 médecins cogérants.  

Extrait de l’arrêt

Attendu que pour dire la procédure de licenciement régulière et débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre, l'arrêt retient que les six médecins membres de la société civile professionnelle en étant cogérants, la présence de chacun d'eux à l'entretien préalable était appropriée, cet entretien devant déboucher sur une décision importante, impliquant chacun d'eux, quant au devenir professionnel de la salariée, alors au demeurant, que cette situation ne la privait pas, elle-même, de son droit de se faire assister ;  

Ce n’est pas du tout l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.

Selon les juges, la présence de 3 des cogérants avait transformé l'entretien préalable au licenciement en enquête et ainsi détourné la procédure de son objet.  

Extrait de l’arrêt

Qu'en statuant ainsi, alors que la présence de trois des cogérants avait transformé l'entretien préalable au licenciement en enquête et ainsi détourné la procédure de son objet, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 12 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-21046

Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions importantes concernant l’entretien préalable. 

La convocation à l’entretien préalable

L’employeur convoque le salarié à un entretien préalable, par lettre recommandée avec avis de réception (LR+AR) ou lettre remise en main propre avec décharge. 

Article L1232-2

L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Une mention absente sur le courrier entraîne l’irrégularité du licenciement.

La lettre de convocation peut également être transmise par Chronopost.  

Nous avons rédigé un article à ce sujet, que vous pouvez retrouver en cliquant ici. 

A même été reconnu comme valable l’envoi de la lettre de convocation par huissier.

Extrait de l’arrêt 

« Que la cour d'appel a exactement retenu que la remise par voie d'huissier de justice ne constituait pas une irrégularité de la procédure de licenciement » 

Arrêt de la Cour de cassation du mercredi 30 mars 2011 pourvoi 09-71412 

Dans cette lettre, il doit y avoir :  

  1. L’objet de l’entretien ; 
  2. La date, l’heure et le lieu où se déroulera l’entretien ; 
  3. La possibilité pour le salarié de se faire assister ; 
  4. L’adresse de la mairie où se trouve la liste des personnes pouvant accompagner le salarié lors de l’entretien ; 
  5. L’adresse de l’inspection du travail. 

Article R1232-1

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)


La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur.
Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien.
Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié. 

Assistance du salarié lors de l’entretien préalable

L’entreprise dispose d’IRP : 

Le salarié a la possibilité d’être assisté lors de l’entretien préalable par une personne de son choix, salariée de l’entreprise. 

L’entreprise ne dispose pas d’IRP : 

Lorsque l’entreprise est dépourvue d’IRP, le salarié peut se faire assister :

  • Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
  • Soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

Article L1232-4

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.  

Nota : 

La mention de possibilité d'assistance par un conseiller du salarié dans une entreprise pourvue d'IRP (ouvrant « au salarié une option qui n'existe pas ») constitue une irrégularité de procédure. 

Cour de cassation du 19/11/2008 pourvoi 07-43191

La liste des conseillers est tenue à disposition des salariés. 

L’employeur doit indiquer :

  • La référence de la mairie du lieu du domicile du salarié s’il réside dans le même département que celui où se situe le siège social.
  • L’adresse de la mairie de son lieu de travail s’il demeure en dehors de ce département.

Article D1232-5

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)


La liste des conseillers du salarié est arrêtée dans chaque département par le préfet et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture.
Elle est tenue à la disposition des salariés dans chaque section d'inspection du travail et dans chaque mairie.

Le salarié qui souhaite se faire assister par un conseiller du salarié, informe l’employeur de sa démarche. 

Article R1232-2

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)


Le salarié qui souhaite se faire assister, lors de l'entretien préalable à son licenciement, par un conseiller du salarié communique à celui-ci la date, l'heure et le lieu de l'entretien.
Le salarié informe l'employeur de sa démarche

Assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable 

Lors de l’entretien préalable, l’employeur ne peut se faire assister que d’une personne appartenant à l’entreprise.  

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que lors de l'entretien préalable, l'employeur ne peut être accompagné que d'une personne appartenant au personnel de l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

Cour de cassation du 30/03/2011, pourvoi 09-71412

Dans une autre affaire, la présence d’un avocat (qui était accessoirement la sœur de l’employeur) a conduit au versement de dommages et intérêts au salarié. 

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'ayant constaté que l'entretien préalable s'était déroulé dans les locaux et en présence d'une avocate qui était la soeur de l'employeur, la cour d'appel, qui a alloué à Mme X... une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, n'a pas méconnu les textes visés aux moyens qui, dès lors, ne peuvent qu'être écartés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation du 22/02/2006, pourvoi n° 04-43636

 Lettre de convocation entretien préalable : invoquer les motifs ? 

Un arrêt très important vient d’être rendu à ce sujet. 

Selon le Code du travail 

Selon le Code du travail, l’employeur n’est obligé qu’à indiquer l’objet de la convocation sur la lettre de convocation. 

Article L1232-2

L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

L’objet de la convocation pouvant être une mesure prévoyant même qu’un licenciement est envisagé, selon la Cour de cassation. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que la convocation n'indiquait pas qu'un licenciement était envisagé, la cour d'appel a violé le texte susvisé 

Cour de cassation du 31/01/2007, pourvoi 05-40540 

Ce n’est qu’au cours de l’entretien préalable que l’employeur indique les motifs de la décision envisagée.

Il recueille d’ailleurs à cette occasion les explications du salarié. 

Article L1232-3

Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.

Les motifs seront éventuellement repris sur la lettre de licenciement, si l’entretien préalable est suivi d’une telle notification.

Article L1232-6

Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article.

Vérifier les dispositions conventionnelles 

Dans l’affaire traitée par la Cour de cassation récemment, la Convention Collective Nationale (CCN) prévoyait que :

  • L’article 34 alinéa 4 de la CCN, dispose que le motif de la mesure disciplinaire envisagée par la direction doit être notifié par écrit à l’intéressé avant que la mesure entre en application ;
  • L’article 34 alinéa 5 de la CCN, dispose également que tout agent doit être entendu par la direction avant une mesure disciplinaire pour obtenir la justification du motif invoqué et faire valoir ses explications. 

Pour ne pas avoir indiqué les faits reprochés au salarié sur la lettre de convocation à l’entretien préalable, le licenciement a été considéré sans cause réelle et sérieuse. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu que l'article 34 de la convention collective nationale du travail du personnel des institutions de retraites complémentaires du 9 décembre 1993 dispose en ses alinéas 4 et 5 que le motif de la mesure disciplinaire envisagée par la direction doit être notifié par écrit à l'intéressé avant que la mesure entre en application et que tout agent doit être entendu par la direction avant une mesure disciplinaire pour obtenir la justification du motif invoqué et faire valoir ses explications ; qu'il résulte de ces dispositions, qui concernent l'ensemble des mesures disciplinaires, que l'employeur doit, antérieurement à l'entretien préalable au licenciement pour motif disciplinaire, notifier au salarié par écrit les motifs de la mesure qu'il envisage ; que ce texte, qui institue une protection des droits de la défense supérieure à celle prévue par la loi, constitue une garantie de fond ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié n'avait pas reçu, avant l'entretien préalable au licenciement, notification des motifs de la mesure de licenciement disciplinaire envisagée, en a exactement déduit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du 9/01/2013 N° de pourvoi: 11-25646

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