Contrat à temps partiel : l’employeur doit justifier de la durée de travail convenue avec son salarié

Jurisprudence
Temps travail effectif

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Un salarié est engagé le 1er juin 1983, en qualité de chef-opérateur du son-vidéo, dans le cadre de contrats CDD successifs ainsi d’une importante chaîne de télévision française. 

Il saisit la juridiction prud'homale de demandes tendant, notamment, à la requalification de la relation de travail en contrat à temps complet. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, estimant que le salarié exerçait son activité à temps partiel, compte tenu du fait que : 

  • Les planifications étaient généralement réalisées d'une semaine sur l'autre selon un tableau prévisionnel et que les salariés employés à temps partiel pouvaient donc prévoir quel serait leur emploi du temps ;
  • Qu’aucune clause d’exclusivité ne liait le salarié à son employeur ;
  • Qu’il n’était pas obligé de déférer à un appel de l’employeur pour une intervention non prévue au planning, prouvant ainsi que le salarié ne se tenait pas à disposition de son employeur.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes de requalification de son contrat de travail en un contrat à temps plein et de rappel de salaire consécutifs et limiter le montant des indemnités de requalification et de rupture, l'arrêt retient qu'il ressort des contrats à durée déterminée et des bulletins de salaires produits, dont les mentions à cet égard ne sont pas contestées, que, dans les faits, la durée du travail effectuée par M. X... a été variable et constamment inférieure à la durée légale du travail, de sorte que, pendant la période considérée le salarié a travaillé à temps partiel pour la société Y... ; que les planifications des personnels nécessaires pour garantir la continuité du service à Y... étaient généralement réalisées d'une semaine sur l'autre selon un tableau prévisionnel et que les salariés employés à temps partiel pouvaient donc prévoir quel serait leur emploi du temps ; qu'aucune clause d'exclusivité ne les liant à l'entreprise, ils pouvaient refuser les contrats qui leur étaient proposés et n'étaient pas obligés de déférer à un appel de l'employeur pour une intervention ne figurant pas au planning ; que M. X... n'était pas le seul chef opérateur du son-vidéo auquel Y... avait recours à temps partiel ; que le salarié pouvait donc prévoir à quel rythme il devait travailler ;

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, les juges cassent et annulent l’arrêt de la cour d’appel et renvoient les deux parties devant une nouvelle cour d’appel. 

Ils constatent que l’employeur n’apportait pas la preuve de la durée de travail exacte, hebdomadaire et mensuelle, du salarié. 

Extrait de l’arrêt : 

Qu'en statuant ainsi, alors qu'ayant constaté que le contrat de travail à temps partiel ne répondait pas aux exigences de l'article L. 3123-14 du code du travail, la cour d'appel, qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui en résultait sans constater que l'employeur faisait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein et en paiement d'un rappel de salaire consécutif et limite le montant des indemnités de requalification et de rupture, l'arrêt rendu le 15 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-16433

Profitons de cette affaire pour rappeler quelques notions fondamentales sur le contrat à temps partiel, source de nombreux contentieux. 

La forme du contrat

Le contrat de travail, qu’il soit CDD ou CDI est obligatoirement écrit. 

Le contrat à temps partiel non écrit, sera présumé être de plein droit être un contrat à temps plein.

Charge à l’employeur de prouver le contraire, à savoir : 

  • Rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue ;
  • Prouver que le salarié n'est pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler ;
  • Prouver également que le salarié n’a pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Article L3123-14

(Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 24)

Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Quel est le contenu ?

Le contenu du contrat est strictement encadré par le Code du travail au travers de son article L 3123-14.

Article L3123-14

Modifié par LOI n°2008-789 du 20 août 2008 - art. 24

Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Preuve non rapportée d’une durée de travail convenue avec le salarié

Dans l’affaire présente, alors que la cour d’appel estimait que la requalification n’était pas envisageable, les juges de la Cour de cassation censurent l’arrêt, estimant que l’employeur n’apportait pas la preuve de la durée de travail exacte (durée hebdomadaire ou mensuelle) convenue avec le salarié. 

Extrait de l’arrêt : 

Qu'en statuant ainsi, alors qu'ayant constaté que le contrat de travail à temps partiel ne répondait pas aux exigences de l'article L. 3123-14 du code du travail, la cour d'appel, qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui en résultait sans constater que l'employeur faisait la preuve de la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire, convenue, a violé le texte susvisé ;

C’est ainsi que pour le cas présent, l’absence de contrat écrit et la durée trop variable du travail suffisaient à attester qu’aucune durée n’avait été convenue entre les deux parties concernées. 

3 conditions cumulatives

La Cour de cassation, dans la droite ligne de précédents arrêts, insiste sur le fait qu’en l’absence d’indication concernant les horaires de travail du salarié, se déclenche alors « une présomption simple de travail à temps plein ». 

L’employeur ne pouvant y faire échec qu’en prouvant :

  • Qu’une durée de travail est effectivement et exactement convenue avec le salarié ;
  • ET que le salarié n’est pas placé dans une situation telle qu’il ne peut prévoir à quel rythme il doit exécuter son travail ;
  • Et que par voie de conséquence il doit se tenir constamment à disposition de son employeur.

Autre affaire similaire

Nous pouvons rapprocher le présent arrêt d’un autre rendu récemment. 

Dans cette affaire, le fait que le salarié travaillait pour un autre employeur ne justifiait pas à lui seul, une activité à temps partiel. 

Les juges retiennent l’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire (ou mensuelle) et leur répartition faisant présumer un emploi à temps complet.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de salaire au titre d'un contrat de travail à temps complet, l'arrêt retient que le gardiennage et les travaux de tonte ne représentaient pas une activité à temps complet et qu'il travaillait aussi pour un autre employeur ;

Attendu, cependant, que l'absence d'écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet, et que l'employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher si l'employeur justifiait de la durée exacte du travail convenue, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs des premier et deuxième moyens :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme de Y... à payer à M. X... les sommes de 44 215,27 euros à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents et de 1 686,24 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté et a débouté celui-ci de sa demande d'un rappel de salaire au titre d'un travail à temps complet, l'arrêt rendu le 8 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Cour de cassation du 21/11/2012 pourvoi: 11-10258

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