Contexte de l'affaire
Une entreprise contestait la validité d’une lettre d’observations URSSAF en soutenant qu’elle n’était pas signée par les inspecteurs ayant mené le contrôle, formalité essentielle imposée par l’article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale.
Devant les juges du fond, l’URSSAF produisait la lettre litigieuse mais ne démontrait pas, par un élément distinct, que les inspecteurs l’avaient effectivement signée. L’entreprise soutenait que l’absence de preuve de la signature devait entraîner la nullité de la procédure de contrôle.
Extrait de Cour de cassation du 4 décembre 2025, n°23-16.339
" Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil et R. 243-59, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction applicable au litige :
4. Selon le second de ces textes, à l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement doivent, sous peine de nullité de la procédure de contrôle et de redressement, communiquer à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, la date de fin de contrôle et, s'il y a lieu les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés.
5. Il appartient à l'organisme de recouvrement de rapporter la preuve de l'accomplissement de cette formalité substantielle destinée à assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense et notamment de justifier, en cas de contestation, que la lettre d'observations est revêtue de la signature des inspecteurs du recouvrement ayant procédé au contrôle.
6. Pour dire la procédure de contrôle régulière, l'arrêt relève que le [5] n'établit pas que l'exemplaire de la lettre d'observations qu'il produit soit l'original dont il a été rendu destinataire et que le document ayant fait l'objet de nombreuses copies, il ne peut être affirmé que la pièce produite devant la cour d'appel est bien celle réceptionnée.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. "
Décision de la Cour
La Deuxième chambre civile casse l’arrêt d’appel et rappelle un principe clair :
lorsque la régularité formelle d’une lettre d’observations est contestée, il appartient à l’organisme de recouvrement de démontrer que l’acte est bien revêtu de la signature des inspecteurs.
La Cour considère que la simple production matérielle de la lettre n’est pas suffisante pour établir cette formalité substantielle.
La signature, constitue une garantie essentielle permettant d’identifier les agents ayant procédé au contrôle et d’assurer la régularité de la procédure.
Ainsi, en l’absence de preuve formelle de cette signature, la procédure de redressement peut être entièrement invalidée.
Impact en paie
Sécurisation des contrôles URSSAF
Lorsque l’entreprise fait l’objet d’un contrôle, les services paie et rh participent à la préparation des justificatifs et à l’analyse du redressement. Cet arrêt rappelle que la vérification des éléments formels (signature, date, identification des inspecteurs) peut constituer un axe de défense en cas de contestation.
Cette vérification inclut non seulement la signature, mais aussi d'autres éléments formels requis par la loi (période vérifiée, motif des redressements, etc.)
Incidence sur la recevabilité des redressements
Un redressement peut être annulé si la lettre d’observations n’est pas régulièrement signée.
Cela peut avoir un impact majeur sur les montants régularisés en DSN, notamment lorsque le redressement porte sur :
- la réintégration d’avantages en nature,
- les réductions générales de cotisations,
- la cotisation AT/MP,
- les exonérations liées à l’alternance ou aux dispositifs spécifiques.
Importance de la traçabilité interne
Cet arrêt rappelle qu’il est fondamental pour l'entreprise de conserver une copie intégrale de l'original du document remis par les inspecteurs, et non une simple copie de travail annotée. Cette précaution est cruciale pour éviter que le document ne soit requalifié en "document de travail" sans valeur lors d’un contentieux.
Il est impératif de vérifier systématiquement :
- La présence d'une signature (manuscrite ou électronique conforme) de chacun des inspecteurs ayant procédé au contrôle.
- La cohérence des dates.
- L'identification précise des inspecteurs.
Conséquences sur la gestion des DSN post-contrôle
Si un redressement est finalement jugé irrégulier pour défaut de signature, les corrections de DSN réalisées en exécution du redressement doivent être réajustées.
Cela peut modifier :
- les assiettes de cotisations,
- les régularisations mois par mois,
- les bases servant aux déclarations annuelles (DSN événements, IJSS, AT/MP, etc.).