Contexte de l'affaire
L’affaire concerne une société portugaise dont 56 salariés travaillaient en France entre 2010 et 2013 sans déclaration aux institutions françaises. Lors du contrôle, l’URSSAF a demandé les documents justifiant leur rattachement au régime portugais, notamment les formulaires A1. L’entreprise n’ayant rien fourni, l’URSSAF a procédé à un redressement pour travail dissimulé. La cour d’appel a annulé ce redressement, estimant que, sur cette période, la fraude au détachement n’entrait pas encore dans le champ du travail dissimulé et que les agents n’avaient donc pas le pouvoir d’exiger ces documents.
Extrait de l'arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8271-6-2 et L. 8271-9 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, le troisième de ces textes dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011, les trois derniers de ces textes dans leur rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 :
4. Selon le deuxième de ces textes, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 133-6-7-1 du code de la sécurité sociale.
5. Selon le troisième de ces textes, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10 du code du travail, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2 du même code, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
6. Selon le quatrième et le cinquième de ces textes, dans leur rédaction applicable au litige, les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail peuvent, pour la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail dissimulé, se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents suivants justifiant du respect des dispositions du livre relatif à la lutte contre le travail illégal, quels que soient leur forme et leur support :
1° Les documents justifiant que l'immatriculation, les déclarations et les formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du même code ont été effectuées ainsi que ceux relatifs à l'autorisation d'exercice de la profession ou à l'agrément lorsqu'une disposition particulière l'a prévu ;
2° Les documents justifiant que l'entreprise a vérifié, conformément aux dispositions des articles L. 8222-1 ou L. 8222-4 du même code, que son ou ses cocontractants ont accompli les formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du même code ou des réglementations d'effet équivalent de leur pays d'origine ;
3° Les devis, les bons de commande ou de travaux, les factures et les contrats ou documents commerciaux relatifs aux prestations exécutées en méconnaissance des dispositions de l'article L. 8221-1 du même code.
7. Il résulte de la combinaison de ces textes que, pour rechercher ou constater des infractions de travail dissimulé s'agissant de salariés exerçant une activité en France pour le compte d'un employeur ayant son siège social à l'étranger, les agents de contrôle des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole, agréés à cet effet et assermentés, vérifient les déclarations qui doivent être faites par l'employeur aux organismes de protection sociale et de recouvrement des contributions et cotisations sociales en vertu des dispositions légales en vigueur en recueillant auprès de l'employeur les documents, quels que soient leur forme et leur support, qui permettent d'établir si l'employeur dispose d'une affiliation à la sécurité sociale française.
8. Pour déclarer le contrôle irrégulier et annuler le redressement, l'arrêt énonce que l'article L. 8271-6-2 du code du travail prévoit que les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du même code peuvent, pour la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal, se faire présenter et obtenir copie immédiate des seuls documents justifiant du respect des dispositions du seul livre II qui porte sur la lutte contre le travail illégal. Il relève que ledit article, tel que modifié par l'article 7 de la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 et entré en vigueur le 12 juillet 2014, qui prévoit d'étendre les pouvoirs d'investigation au chapitre II du titre VI du livre II de la première partie relative aux conditions de détachement et la réglementation applicable aux salariés détachés temporairement par une entreprise non établie en France, ne s'appliquaient pas lors du contrôle. Il ajoute qu'à cette date, la fraude au détachement ne constituait pas un cas de travail dissimulé. Il en déduit que les agents de contrôle de l'URSSAF ne disposaient pas du pouvoir de se faire présenter des documents relatifs au détachement temporaire de salariés par une entreprise non établie en France et en obtenir copie.
9. En statuant ainsi, alors qu'à défaut de production de documents justifiant du rattachement des salariés de la société travaillant sur le sol français à la législation de leur pays d'origine, le redressement était justifié, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Décision de la Cour de cassation
La Haute juridiction censure l’arrêt. Elle rappelle qu’indépendamment des règles spécifiques au détachement, les agents de l’URSSAF sont habilités à contrôler les déclarations sociales afin de rechercher d’éventuelles infractions de travail dissimulé. Dès lors que des salariés exercent une activité en France pour le compte d’un employeur étranger, celui-ci doit être en mesure de prouver que la législation française ne leur est pas applicable. À défaut de documents établissant leur affiliation au régime d’origine, le redressement pour travail dissimulé est justifié.
Impact en paie
Cet arrêt confirme que l’absence de formulaires A1 lors d’un détachement expose l’employeur étranger à un redressement pour travail dissimulé, même pour des périodes antérieures à la réforme de 2014. En paie, cela signifie que si l’entreprise ne prouve pas le maintien des salariés à leur régime d’origine, elle doit être traitée comme redevable des cotisations françaises.