Un licenciement pour inaptitude doit prévoir des mesures appropriées quand un salarié handicapé est concerné

Jurisprudence
Paie Emploi travailleurs handicapés

Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, un employeur doit justifier de mesures appropriées en matière de reclassement, en cas de licenciement pour inaptitude.

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Cet article a été publié il y a 3 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé le 28 avril 1998, en qualité d'agent d'entretien.

Le 15 juin 2010, il est placé en arrêt de travail suite à un accident dont le caractère professionnel a été ultérieurement reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie.

Le 24 décembre 2010, il est reconnu travailleur handicapé.

Après avoir été déclaré inapte le 7 avril 2015, il est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Mais le salarié décide de saisir la juridiction prud’homale, contestant son licenciement au motif que celui-ci serait discriminatoire. 

La cour d’appel de Douai, par arrêt du 29 juin 2018, donne raison au salarié.

La Cour de cassation confirme cet arrêt, rejetant à cette occasion le pourvoi formé par l’employeur. 

Elle rappelle à cette occasion que : 

  • Si le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
  • L’article L. 5213-6 du code du travail dispose qu'afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés;
  • L’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.

Ayant constaté que :

  • L’employeur, nonobstant l'importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers ;
  • Ne justifiait pas d'études de postes ni de recherche d'aménagements du poste du salarié, et qu'il n'avait pas consulté le Service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), bien qu'il y ait été invité à deux reprises par le salarié ;
  • Il pouvait s’en déduire qu'il avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi ;
  • Ce dont il résultait que le licenciement constitutif d'une discrimination à raison d'un handicap était nul.

Extrait de l’arrêt :

Attendu, ensuite, que si le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l'article L. 5213-6 du code du travail dispose qu'afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, que ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peut compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur, et que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3 ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur, nonobstant l'importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers, ne justifiait pas d'études de postes ni de recherche d'aménagements du poste du salarié, et qu'il n'avait pas consulté le Service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), bien qu'il y ait été invité à deux reprises par le salarié, a pu en déduire qu'il avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi, ce dont il résultait que le licenciement constitutif d'une discrimination à raison d'un handicap était nul ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°18-21993

La présente affaire aborde le licenciement pour inaptitude d’un salarié reconnu travailleur handicapé. 

Rappelons qu’il existe également des dispositions particulières lorsque le licenciement, hors inaptitude et impossibilité de reclassement, vise un salarié handicapé, vis-à-vis de la durée du préavis qui en découle.

Le préavis pour un salarié handicapé

Droit à une durée de préavis doublée 

Au regard du code du travail, le salarié justifiant d’une reconnaissance travailleur handicapé par la CDAPH (Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées), bénéficie d’un droit au préavis doublé.

Toutefois, ce doublement ne peut avoir pour effet de porter au-delà de 3 mois la durée de ce préavis.

Précisons également que cette disposition n’est pas applicable lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois. 

Article L5213-9

En cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.

Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois.

Droit au préavis doublé même si l’employeur n’est pas au courant ! 

Soucieuse du respect du droit au secret médical, la Cour de cassation dans un récent arrêt, reconnait à un salarié le bénéfice d’une durée de préavis doublée, même si l’employeur n’est pas au courant du statut travailleur handicapé du salarié concerné.

Cour de cassation du 18/09/2013 pourvoi 12-17159

Nous avons consacré une actualité à ce sujet, que vous pouvez retrouver en utilisant le lien suivant :

http://www.legisocial.fr/jurisprudences-sociales/381-le-salarie-nest-pas-tenu-de-reveler-son-employeur-son-statut-de-travailleur-handicape.html

Confirmation de jurisprudence 

La position de la Cour de cassation dans l’arrêt du 18/09/2013 n’est pas nouvelle.

Les juges avaient ainsi dans une précédente affaire admis qu’un salarié licencié, qui avait ensuite révélé son statut de travailleur handicapé pouvait prétendre :

  • Au doublement de la durée du préavis ;
  • Et même au versement d’une indemnité conventionnelle majorée lorsque le licenciement concerne un salarié handicapé. 

Extrait de l’arrêt

Mais attendu que les renseignements relatifs à l'état de santé du salarié ne peuvent être confiés qu'au médecin du travail ; que lorsque l'employeur procède au licenciement d'un salarié dont le handicap a été reconnu par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, il ne peut reprocher au salarié de n'avoir pas fourni d'information préalable sur son état de santé ou son handicap qu'il n'a pas à révéler ; d'où il résulte que n'ayant commis aucune faute en ne révélant pas sa qualité de travailleur handicapé avant la notification de son licenciement, la salariée ne pouvait se voir priver des droits qu'elle tenait de l'accord d'entreprise et de l'article L. 323-7 du code du travail ;

que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation du 7/11/2006 pourvoi n° 05-41380

L’avis des pouvoirs publics

Une réponse ministérielle, publié au JO du Sénat du 14/04/2011, avait été apportée à une question d’un parlementaire.

Ce dernier demandait s’il pouvait être envisagé la possibilité pour l’employeur, de connaître les salariés reconnus travailleurs handicapés présents dans son entreprise, par l’intermédiaire du médecin du travail.

Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé de l’époque, avait indiqué que la demande de reconnaissance de la qualité de bénéficiaire de l'OETH résulte d'une démarche personnelle et volontaire de l'intéressé, de même que sa décision de porter à la connaissance de l'employeur ou du médecin du travail sa condition de bénéficiaire de cette obligation.

En vertu de l'article 9 du code civil, chacun a en effet droit à la protection de sa vie privée.

La communication aux entreprises assujetties à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés du nombre de leurs salariés bénéficiaires de cette obligation pourrait les amener à rechercher ces bénéficiaires pour les inciter à se faire connaître.

Par conséquence, une telle disposition remettrait en cause ce principe de protection de leur vie privée

Réponse ministérielle du 14 avril 2011 – Question écrite n° 11415
Déclaration des salariés bénéficiaire de l'OETH et protection de la vie privée

Question écrite n° 11415 de M. Marcel Rainaud (Aude - SOC) publiée dans le JO Sénat du 17/12/2009 - page 2929

  1. Marcel Rainaud attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur le dispositif d'embauche de travailleurs handicapés.
    Les employeurs d'au moins 20 salariés sont tenus d'employer, à hauteur de 6 % de l'effectif total des salariés, des travailleurs handicapés, ou, depuis la loi du 11 février 2005, des titulaires de la carte d'invalidité ou de l'allocation aux adultes handicapés.
    Les établissements, publics ou privés, qui ne satisferont pas à ce critère s'exposeront à de lourdes contributions financières à compter du 1er janvier 2010, alors même que l'employeur n'est pas obligatoirement informé de la qualité de travailleur handicapé des salariés.
    L'employeur n'a aucun moyen de savoir s'il y a dans son établissement, des salariés bénéficiaires de cette obligation d'emploi.
    Il lui demande s'il envisage de confier au médecin du travail, dans le cadre de sa mission légale, le droit d'informer l'employeur annuellement du nombre de salariés bénéficiaires de l'obligation d'emploi, sans les nommer, ce qui permettrait, tout en protégeant les employés, d'aider l'employeur à mieux remplir ses obligations en disposant d'une meilleure visibilité sur ce dossier.

Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé publiée dans le JO Sénat du 14/04/2011 - page 964

Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la proposition de confier au médecin du travail le rôle d'informer l'employeur du nombre de salariés bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) présents dans son entreprise. Inscrite à l'article L. 5212-2 du code du travail et fixée à 6 % pour les entreprises dont l'effectif est de vingt salariés et plus, cette obligation fait l'objet d'un contrôle par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) au regard de la liste des bénéficiaires limitativement fixée à l'article L. 5212-13 de ce même code. La qualité de bénéficiaire de l'OETH doit par ailleurs être attestée par une pièce justificative en cours de validité. La demande de reconnaissance de la qualité de bénéficiaire de l'OETH résulte d'une démarche personnelle et volontaire de l'intéressé, de même que sa décision de porter à la connaissance de l'employeur ou du médecin du travail sa condition de bénéficiaire de cette obligation. En vertu de l'article 9 du code civil, chacun a en effet droit à la protection de sa vie privée. La communication aux entreprises assujetties à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés du nombre de leurs salariés bénéficiaires de cette obligation pourrait les amener à rechercher ces bénéficiaires pour les inciter à se faire connaître. Par conséquence, une telle disposition remettrait en cause ce principe de protection de leur vie privée 

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