Le salarié n’est pas tenu de révéler à son employeur son statut de travailleur handicapé

Jurisprudence
Indemnité de licenciement

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Cet article a été publié il y a 10 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

La présente affaire concerne un salarié engagé le 22 mai 2006 par une société en qualité d'ouvrier.

La COTOREP lui attribue le 18 septembre 2007 le statut de travailleur handicapé. 

Après plusieurs arrêts maladie à compter du 10 mars 2007, il est licencié le 3 mars 2008 en raison de la perturbation occasionnée dans l'entreprise par ses absences et de l'obligation de procéder à son remplacement définitif. 

Le salarié décide de saisir la juridiction prud'homale estimant qu’il devait bénéficier de conditions particulières concernant son licenciement, notamment une durée du préavis doublée.

L’employeur de son côté, argumente qu’il ne pouvait pas respecter ces conditions particulières, méconnaissant en l’espèce la reconnaissance de travailleur handicapé de son salarié. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, ce dernier ne rapportant pas la preuve qu'il aurait indiqué à l'employeur le fait qu'il bénéficiait à compter de septembre 2007 du statut de travailleur handicapé, ne peut, en l'absence de cette information préalable, être tenu à une durée de préavis plus étendue. 

Extrait de l’arrêt 

Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement d'un rappel d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que celui-ci, ne rapportant pas la preuve qu'il aurait indiqué à l'employeur le fait qu'il bénéficiait à compter de septembre 2007 du statut de travailleur handicapé, ne peut, en l'absence de cette information préalable, être tenu à une durée de préavis plus étendue ;

 Ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.

Les juges estiment en effet que le salarié n’est pas tenu de déclarer son statut de travailleur handicapé, mais ne pouvait se trouver privé de son droit à une durée du préavis doublée.

Extrait de l’arrêt 


Qu'en statuant ainsi, alors que les renseignements relatifs à l'état de santé du salarié ne peuvent être confiés qu'au médecin du travail, d'où il résulte que n'ayant commis aucune faute en ne révélant pas sa qualité de travailleur handicapé avant la notification de son licenciement, le salarié ne pouvait se voir priver des droits qu'il tenait de l'article L. 5213-9 du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande tendant au paiement d'un rappel d'indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, l'arrêt rendu le 18 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°12-17159

Droit à une durée de préavis doublée 

Au regard du code du travail, le salarié justifiant d’une reconnaissance travailleur handicapé par anciennement les services de la COTOREP, remplacée désormais par la loi Handicap, promulguée en 2005, par la CDAPH (Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées), bénéficie d’un droit au préavis doublé. 

Toutefois, ce doublement ne peut avoir pour effet de porter au-delà de 3 mois la durée de ce préavis. Précisons également que cette disposition n’est pas applicable lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois.  

Article L5213-9 

En cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les bénéficiaires du chapitre II, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.

Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les conventions ou accords collectifs de travail ou, à défaut, les usages prévoient un préavis d'une durée au moins égale à trois mois.

 Respect du droit au secret médical 

Soucieuse du respect du droit au secret médical, la Cour de cassation dans la présente affaire n’a pas souhaité introduire une obligation d’information par le salarié de son statut de travail handicapé à son employeur. 

Le présent arrêt précise donc qu’un salarié, qui pourtant n’a pas averti son employeur de sa qualité de travailleur handicapé est admis à se prévaloir, après la rupture de son contrat de travail, des droits qu’il tenait de ce statut, notamment d’une durée du préavis doublée (ce qui déclenche également le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés pour la durée augmentée). 

Pas d’obligation de révéler le handicap lors d’une embauche 

Notre affaire nous permet de rappeler un arrêt de la Cour de cassation concernant le « droit au silence » d’une personne lors de son embauche. 

Extrait de l’arrêt 

Mais attendu que les renseignements relatifs à l'état de santé du candidat à un emploi ne peuvent être confiés qu'au médecin chargé, en application de l'article R. 241-48 du Code du travail, de l'examen médical d'embauche ; que lorsque l'employeur décide que le salarié recruté avec une période d'essai prendra ses fonctions avant l'accomplissement de cet acte médical, il ne peut se prévaloir d'un prétendu dol du salarié quant à son état de santé ou à son handicap, que ce dernier n'a pas à lui révéler ; que la cour d'appel n'avait dès lors pas à répondre à un moyen inopérant ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité à une somme correspondant à un mois de salaire le montant des dommages-intérêts alloués à la salariée en réparation du caractère illicite de son licenciement nul, l'arrêt rendu le 13 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier 

Cour de cassation du 21/09/2013 N° de pourvoi: 03-44855

Confirmation de jurisprudence 

Pour terminer, la position de la Cour de cassation dans la présente affaire n’est pas nouvelle. 

Les juges avaient ainsi dans une précédente affaire admis qu’un salarié licencié, qui avait ensuite révélé son statut de travailleur handicapé pouvait prétendre :

  • Au doublement de la durée du préavis ;
  • Et même au versement d’une indemnité conventionnelle majorée lorsque le licenciement concerne un salarié handicapé. 

Extrait de l’arrêt 

Mais attendu que les renseignements relatifs à l'état de santé du salarié ne peuvent être confiés qu'au médecin du travail ; que lorsque l'employeur procède au licenciement d'un salarié dont le handicap a été reconnu par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, il ne peut reprocher au salarié de n'avoir pas fourni d'information préalable sur son état de santé ou son handicap qu'il n'a pas à révéler ; d'où il résulte que n'ayant commis aucune faute en ne révélant pas sa qualité de travailleur handicapé avant la notification de son licenciement, la salariée ne pouvait se voir priver des droits qu'elle tenait de l'accord d'entreprise et de l'article L. 323-7 du code du travail ;

que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation du 7/11/2006 pourvoi n° 05-41380

L’avis des pouvoirs publics 

Une réponse ministérielle, publié au JO du Sénat du 14/04/2011, avait été apportée à une question d’un parlementaire. 

Ce dernier demandait s’il pouvait être envisagé la possibilité pour l’employeur, de connaître les salariés reconnus travailleurs handicapés présents dans son entreprise, par l’intermédiaire du médecin du travail. 

Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé de l’époque, avait indiqué que la demande de reconnaissance de la qualité de bénéficiaire de l'OETH résulte d'une démarche personnelle et volontaire de l'intéressé, de même que sa décision de porter à la connaissance de l'employeur ou du médecin du travail sa condition de bénéficiaire de cette obligation.

En vertu de l'article 9 du code civil, chacun a en effet droit à la protection de sa vie privée.

La communication aux entreprises assujetties à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés du nombre de leurs salariés bénéficiaires de cette obligation pourrait les amener à rechercher ces bénéficiaires pour les inciter à se faire connaître.

Par conséquence, une telle disposition remettrait en cause ce principe de protection de leur vie privée 

Réponse ministérielle du 14 avril 2011 – Question écrite n° 11415
Déclaration des salariés bénéficiaire de l'OETH et protection de la vie privée 

Question écrite n° 11415 de M. Marcel Rainaud (Aude - SOC)  publiée dans le JO Sénat du 17/12/2009 - page 2929

M. Marcel Rainaud attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur le dispositif d'embauche de travailleurs handicapés.
Les employeurs d'au moins 20 salariés sont tenus d'employer, à hauteur de 6 % de l'effectif total des salariés, des travailleurs handicapés, ou, depuis la loi du 11 février 2005, des titulaires de la carte d'invalidité ou de l'allocation aux adultes handicapés.
Les établissements, publics ou privés, qui ne satisferont pas à ce critère s'exposeront à de lourdes contributions financières à compter du 1er janvier 2010, alors même que l'employeur n'est pas obligatoirement informé de la qualité de travailleur handicapé des salariés.
L'employeur n'a aucun moyen de savoir s'il y a dans son établissement, des salariés bénéficiaires de cette obligation d'emploi.
Il lui demande s'il envisage de confier au médecin du travail, dans le cadre de sa mission légale, le droit d'informer l'employeur annuellement du nombre de salariés bénéficiaires de l'obligation d'emploi, sans les nommer, ce qui permettrait, tout en protégeant les employés, d'aider l'employeur à mieux remplir ses obligations en disposant d'une meilleure visibilité sur ce dossier.  

Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé  publiée dans le JO Sénat du 14/04/2011 - page 964

Le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a pris connaissance avec intérêt de la proposition de confier au médecin du travail le rôle d'informer l'employeur du nombre de salariés bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) présents dans son entreprise. Inscrite à l'article L. 5212-2 du code du travail et fixée à 6 % pour les entreprises dont l'effectif est de vingt salariés et plus, cette obligation fait l'objet d'un contrôle par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) au regard de la liste des bénéficiaires limitativement fixée à l'article L. 5212-13 de ce même code. La qualité de bénéficiaire de l'OETH doit par ailleurs être attestée par une pièce justificative en cours de validité. La demande de reconnaissance de la qualité de bénéficiaire de l'OETH résulte d'une démarche personnelle et volontaire de l'intéressé, de même que sa décision de porter à la connaissance de l'employeur ou du médecin du travail sa condition de bénéficiaire de cette obligation. En vertu de l'article 9 du code civil, chacun a en effet droit à la protection de sa vie privée. La communication aux entreprises assujetties à l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés du nombre de leurs salariés bénéficiaires de cette obligation pourrait les amener à rechercher ces bénéficiaires pour les inciter à se faire connaître. Par conséquence, une telle disposition remettrait en cause ce principe de protection de leur vie privée

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