Suite à un recours, un avis d’inaptitude se substitue à une aptitude : quand reprendre le paiement des salaires ?

Jurisprudence
Paie Inaptitude

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée le 13 octobre 2003 en qualité de gardienne d'immeuble.

Elle est placée en arrêt de travail du 18 septembre 2008 au 20 septembre 2009 à la suite d'un accident du travail.

Le médecin du travail déclare la salariée apte à son poste avec restrictions à l'issue d'une visite de reprise du 29 septembre 2009.

Saisi par la salariée d'un recours formé contre cet avis, l'inspecteur du travail déclare, le 6 décembre 2010, l'intéressée inapte à son poste de gardienne, mais apte à poste administratif à mi-temps. 

Dans son arrêt du 29 octobre 2015, la Cour d'appel de Paris condamne l’employeur au paiement d’un rappel de salaires à compter du 29 octobre 2009, soit 1 mois après l’avis d’aptitude prononcé, avec réserves, par la médecine du travail.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une provision à titre de rappel de salaire pour la période du 29 octobre 2009 au 23 septembre 2015, l'arrêt retient qu'en cas de difficultés, ou de désaccord, sur l'avis émis par le médecin du travail, il appartient à l'inspecteur du travail de se prononcer définitivement sur l'aptitude du salarié, conformément à l'article L. 4624-1 du code du travail, que l'appréciation de ce dernier, qui se substitue entièrement à celle du médecin du travail, doit être regardée comme portée dès la date à laquelle l'avis du médecin du travail a été émis, qu'elle la confirme ou qu'elle l'infirme, nonobstant la circonstance que l'inspecteur du travail doive se prononcer en fonction des circonstances de fait et de droit à la date à laquelle il prend sa décision, qu'en conséquence, l'avis de l'inspecteur du travail, en date du 6 décembre 2010, qui a déclaré la salariée inapte au poste de gardienne d'immeuble, mais apte à un poste administratif à mi-temps, s'est substitué, à compter du 29 septembre 2009, à l'avis d'aptitude avec restrictions du médecin du travail rendu à cette date, que la salariée devait donc soit être reclassée, soit être licenciée, que conformément à l'article L. 1226-11 du code du travail, l'employeur devait commencer à verser les salaires à compter du 29 octobre 2009 ; 

Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui considère que l’obligation pour l’employeur de reprendre le paiement des salaires, débute au terme du délai d’un mois suivant la date de décision de l’inspection du travail, décision qui avait eu pour conséquence de se substituer à l’avis d’aptitude prononcé par la médecine du travail, soit en l’occurrence à compter du 6 janvier 2011.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que la substitution à l'avis d'aptitude délivré par le médecin du travail d'une décision d'inaptitude de l'inspecteur du travail ne fait pas naître rétroactivement l'obligation pour l'employeur de reprendre le paiement du salaire et que cette obligation ne s'impose à celui-ci qu'à l'issue du délai d'un mois suivant la date à laquelle l'inspecteur du travail prend sa décision, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) à payer à Mme X... les sommes provisionnelles de 123 435,12 euros bruts à titre de rappel de salaire, pour la période du 29 octobre 2009 au 23 septembre 2015 et de 12 343,51 euros au titre des congés payés et ordonne la remise de bulletins de paie conformes, l'arrêt rendu le 29 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°15-28367

La présente affaire est pour nous l’occasion de rappeler quelques principes en cas d’inaptitude (d’origine professionnelle ou pas) et d’une absence de licenciement au terme d’un délai de 1 mois après l’avis d’inaptitude. 

Reprendre le paiement du salaire

Dans ce cas particulier, si aucun licenciement n’a été prononcé dans un délai d’un mois, l’employeur doit alors reprendre le paiement des salariés au bénéfice de son salarié déclaré inapte totalement (pour un accident du travail ou un accident de trajet mais aussi pour toute autre origine). 

Article L1226-4

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 47

Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

En cas de licenciement, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.

Article L1226-11

Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.  

Reprendre le paiement sauf si l’inaptitude n’est pas connue

Lorsque l’inaptitude a été prononcée par la médecine du travail, à l’initiative du salarié mais qu’elle n’a pas été portée à la connaissance de son employeur, l’obligation de paiement à l’expiration du délai d’un mois n’est pas applicable. 

Cour de cassation du 19/05/2004 arrêt 02-46098 D  

Le décompte du délai d’un mois

Le délai de un mois court à compter de la déclaration d'inaptitude du médecin du travail (en principe après le second examen médical, sauf en cas d’urgence pour lequel un seul examen médical est requis). 

Cour de cassation du 28/01/1998  arrêt 95-44301 

Et si l’employeur ne paie pas ?

L’employeur pourra alors être condamné en justice à payer au salarié les sommes dues.

Le salarié pourra aussi prendre acte de la rupture du contrat de travail qui sera requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cour de cassation du 29/09/2004  arrêt 02-43746