La reprise du paiement du salaire, suite à inaptitude, ne dispense pas l’employeur de l’obligation de reclassement

Jurisprudence
Paie Inaptitude

La reprise par l'employeur du paiement des salaires à laquelle il est tenu en l’absence de licenciement ou reclassement d’un salarié inapte, à l’issue du délai d’un mois après l’avis d’inaptitude, ne le dispense pas de l'obligation de reclassement.

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Un salarié est engagé à compter du 12 janvier 2009, en qualité de conseiller technique cadre classe 3 niveau 1, avant d'être promu directeur adjoint, classe 2 niveau 2 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes handicapées et inadaptées du 15 mars 1966.
Le 15 avril 2015, il est placé en arrêt de travail.
Le 20 novembre 2015, le médecin du travail le déclare : "inapte au poste. L'état de santé du salarié ne permet pas de proposer un reclassement dans l'entreprise".
Le 7 janvier 2016, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Le 8 mars 2016, l'inspecteur du travail rejette le recours de l'employeur contre l'avis d'inaptitude du médecin du travail. 

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant que son employeur devait respecter son obligation nonobstant la reprise du paiement des salaires. 

La cour d’appel d'Orléans, par arrêt du 26 septembre 2019, déboute le salarié de sa demande.

La Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel et casse et annule son arrêt sur ce point. 

Elle indique à cette occasion que : 

  • La reprise par l'employeur du paiement des salaires à laquelle il est tenu en l’absence de licenciement ou de reclassement d’un salarié inapte, à l’issue du délai d’un mois après l’avis d’inaptitude ;
  • Ne le dispense pas de l'obligation de reclassement ;
  • Peu important le recours exercé devant l'inspecteur du travail contre la décision du médecin du travail en raison des difficultés ou désaccords qu'elle suscite.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-2 dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et L. 1226-4 du code du travail :

8. Aux termes du premier de ces textes, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4 du code du travail, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

9. Selon le second, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

10. Il en résulte que la reprise par l'employeur du paiement des salaires à laquelle il est tenu par le second texte, ne le dispense pas de l'obligation qui lui est faite par le premier de rechercher un poste de reclassement, peu important le recours exercé devant l'inspecteur du travail contre la décision du médecin du travail en raison des difficultés ou désaccords qu'elle suscite.

11. Pour rejeter les demandes du salarié, l'arrêt retient que la loi impose seulement à l'employeur de reprendre le versement de la rémunération du salarié qui n'est ni reclassé ni licencié à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical, que le salarié a été déclaré inapte le 20 novembre 2015, qu'il a toujours perçu sa rémunération, qu'il a pris acte de la rupture le 7 janvier 2016, soit un peu plus d'un mois après l'avis d'inaptitude, que l'employeur a contesté l'avis d'inaptitude, qu'il n'a commis aucune faute en ne démontrant pas avoir recherché à reclasser son salarié dans ce délai et attendre l'issue de son recours pour engager ou non une procédure de licenciement pour inaptitude.

12. En statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations qu'à l'issue du délai d'un mois suivant la déclaration d'inaptitude, l'employeur n'avait ni licencié, ni cherché à reclasser le salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Cour de cassation du , pourvoi n°19-24448

Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions importantes concernant la reprise du paiement du salaire, en cas d’inaptitude, et d’absence de licenciement ou reclassement du salarié concerné. 

Absence de licenciement (ou de reclassement) au terme d’un délai de 1 mois

Reprendre le paiement du salaire 

Dans ce cas particulier, si aucun licenciement (ou aucun reclassement) n’a été prononcé dans un délai d’un mois, l’employeur doit alors reprendre le paiement des salariés au bénéfice de son salarié déclaré inapte totalement (pour un accident du travail ou un accident de trajet mais aussi pour toute autre origine).

Valeur salaire 

Nous noterons que l’article L 1226-4 précise que le salaire à verser est celui :

  • Correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail  

Article L1226-4

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 47

Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

En cas de licenciement, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.

Article L1226-11

Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

Reprendre le paiement sauf si l’inaptitude n’est pas connue 

Lorsque l’inaptitude a été prononcée par la médecine du travail, à l’initiative du salarié mais qu’elle n’a pas été portée à la connaissance de son employeur, l’obligation de paiement à l’expiration du délai d’un mois n’est pas applicable.

Cour de cassation du 19/05/2004 arrêt 02-46098 D

Le décompte du délai d’un mois 

Le délai de un mois court à compter de la déclaration d'inaptitude du médecin du travail (en principe après le second examen médical, sauf en cas d’urgence pour lequel un seul examen médical est requis).

Cour de cassation du 28/01/1998  arrêt 95-44301 

Et si l’employeur ne paie pas ? 

L’employeur pourra alors être condamné en justice à payer au salarié les sommes dues.

Le salarié pourra aussi prendre acte de la rupture du contrat de travail qui sera requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cour de cassation du 29/09/2004  arrêt 02-43746

Dispositions applicables en cas de nouvel arrêt de travail 

Un arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2020 (contredisant au passage l’arrêt de la cour d’appel qui avait débouté la salariée de sa demande) confirme que :

  • Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ;
  • La délivrance d'un nouvel arrêt de travail au bénéfice d'un salarié déclaré inapte par le médecin du travail ;
  • Ne peut avoir pour conséquence juridique d'ouvrir une nouvelle période de suspension du contrat de travail et de tenir en échec le régime applicable à l'inaptitude. 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 8 juillet 2020 N° de pourvoi: 19-14006 Non publié au bulletin

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