La Cour de cassation rappelle le délai d’un mois pour prononcer une sanction disciplinaire

Jurisprudence
RH Indemnité de licenciement

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Cet article a été publié il y a 6 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Une salariée est engagée le 15 mai 2006 par une association, puis nommée directeur de la délégation des Hauts de Seine le 1er  janvier 2007.

A la suite d'une réunion des représentants du personnel du 22 décembre 2011, l'association, saisie de difficultés rencontrées en raison du comportement managérial de la salariée, convoque cette dernière par lettre du 4 janvier 2012 à un entretien préalable le 12 janvier 2012 en vue d'un éventuel licenciement.

A la suite de cet entretien, une réunion est fixée le 15 mars 2012 avec l'intéressée et le personnel concerné (NDLR : afin d’apaiser le climat quelque peu tendu au sein de l’association).

A cette date, l'association initie une nouvelle procédure de licenciement assortie d'une mise à pied conservatoire à compter du 19 mars 2012, suivie d'une convocation par lettre du 18 avril 2012 à un entretien préalable fixé le 26 avril 2012, lequel est reporté en raison de l'impossibilité de la salariée, en arrêt de travail pour maladie à compter du 16 mars 2012, de s'y rendre.

Finalement, après avoir repris le travail le 2 mai 2012, la salariée est convoquée par lettre du 4 mai 2012 au nouvel entretien préalable le 15 mai 2012 tant pour des nouveaux faits du 2 mai 2012 que pour les faits antérieurs. 

Elle est finalement licenciée pour faute grave par lettre du 4 juin 2012. 

Mais la salariée décide de saisir la juridiction prud’homale, estimant son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse. 

Dans un premier temps, la Cour d'appel de Versailles dans son arrêt du 1er avril 2015 déboute la salariée de sa demande.

Nonobstant le fait qu’il existe un délai d’un mois maximum séparant l’entretien préalable et le prononcé d’une sanction disciplinaire, la cour d’appel considère présentement que « lorsque l'employeur abandonne une première procédure de licenciement pour sanctionner des faits qui ont été portés à sa connaissance postérieurement à l'entretien préalable, la convocation au nouvel entretien préalable n'a pas à intervenir dans un délai spécifique par rapport à la procédure abandonnée, le licenciement ne peut sanctionner que des faits distincts de ceux initialement envisagés ».

Extrait de l’arrêt :

Attendu cependant, d'une part, que le délai d'un mois prévu à l'article L. 1332-2 du code du travail est une règle de fond et que l'expiration de ce délai interdit à l'employeur aussi bien de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits que de sanctionner disciplinairement ces faits, sauf si dans l'intervalle une procédure imposée par une disposition conventionnelle a été mise en oeuvre, d'autre part, que si, lorsque l'employeur abandonne une première procédure de licenciement pour sanctionner des faits qui ont été portés à sa connaissance postérieurement à l'entretien préalable, la convocation au nouvel entretien préalable n'a pas à intervenir dans un délai spécifique par rapport à la procédure abandonnée, le licenciement ne peut sanctionner que des faits distincts de ceux initialement envisagés ; 

Mais ce raisonnement ne retient pas l’approbation de la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.

Elle relève en effet qu’en retenant « les manquements fautifs établis caractérisant la faute grave le grief lié au comportement managérial de la salariée initialement envisagé dans la première procédure de licenciement », le délai légal d’un mois n’avait pas été respecté, de sorte que le licenciement devait être considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant comme elle l'a fait, en retenant parmi les manquements fautifs établis caractérisant la faute grave le grief lié au comportement managérial de la salariée initialement envisagé dans la première procédure de licenciement, laquelle n'avait pas donné lieu à sanction dans le délai d'un mois suivant l'entretien préalable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°15-19105

La présente affaire est pour nous l’occasion de rappeler une des phases encadrant le licenciement pour motif personnel : l’entretien préalable. 

Point numéro 1 : la convocation à l’entretien préalable

L’employeur convoque le salarié à un entretien préalable, par lettre recommandée avec avis de réception (LR+AR) ou lettre remise en main propre avec décharge.

Article L1232-2

L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Une mention absente sur le courrier entraîne l’irrégularité du licenciement.

La lettre de convocation peut également être transmise par Chronopost. 

 A même été reconnu comme valable l’envoi de la lettre de convocation par huissier.

Extrait de l’arrêt

« Que la cour d'appel a exactement retenu que la remise par voie d'huissier de justice ne constituait pas une irrégularité de la procédure de licenciement »

Arrêt de la Cour de cassation du mercredi 30 mars 2011 pourvoi 09-71412

  • Dans cette lettre, il doit y avoir : 
  1. L’objet de l’entretien ;
  2. La date, l’heure et le lieu où se déroulera l’entretien ;
  3. La possibilité pour le salarié de se faire assister ;
  4. L’adresse de la mairie où se trouve la liste des personnes pouvant accompagner le salarié lors de l’entretien ;
  5. L’adresse de l’inspection du travail.

Article R1232-1

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur.
Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien.
Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié.

Point numéro 2 : assistance du salarié lors de l’entretien préalable

L’entreprise dispose d’IRP 

Le salarié a la possibilité d’être assisté lors de l’entretien préalable par une personne de son choix, salariée de l’entreprise.

L’entreprise ne dispose pas d’IRP 

Lorsque l’entreprise est dépourvue d’IRP, le salarié peut se faire assister :

  • Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
  • Soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative. 

Article L1232-4

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.

Nota :

La mention de possibilité d'assistance par un conseiller du salarié dans une entreprise pourvue d'IRP (ouvrant « au salarié une option qui n'existe pas ») constitue une irrégularité de procédure.

Cour de cassation du 19/11/2008 pourvoi 07-43191

La liste des conseillers est tenue à disposition des salariés. 

L’employeur doit indiquer :

  • La référence de la mairie du lieu du domicile du salarié s’il réside dans le même département que celui où se situe le siège social.
  • L’adresse de la mairie de son lieu de travail s’il demeure en dehors de ce département.

Article D1232-5

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
La liste des conseillers du salarié est arrêtée dans chaque département par le préfet et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture.
Elle est tenue à la disposition des salariés dans chaque section d'inspection du travail et dans chaque mairie.

Le salarié qui souhaite se faire assister par un conseiller du salarié, informe l’employeur de sa démarche.

Article R1232-2

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Le salarié qui souhaite se faire assister, lors de l'entretien préalable à son licenciement, par un conseiller du salarié communique à celui-ci la date, l'heure et le lieu de l'entretien.
Le salarié informe l'employeur de sa démarche 

Point numéro 3 : assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable

Lors de l’entretien préalable, l’employeur ne peut se faire assister que d’une personne appartenant à l’entreprise. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que lors de l'entretien préalable, l'employeur ne peut être accompagné que d'une personne appartenant au personnel de l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 

Cour de cassation du 30/03/2011, pourvoi 09-71412 

Dans une autre affaire, la présence d’un avocat (qui était accessoirement la sœur de l’employeur) a conduit au versement de dommages et intérêts au salarié. 

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'ayant constaté que l'entretien préalable s'était déroulé dans les locaux et en présence d'une avocate qui était la soeur de l'employeur, la cour d'appel, qui a alloué à Mme X... une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, n'a pas méconnu les textes visés aux moyens qui, dès lors, ne peuvent qu'être écartés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation du 22/02/2006, pourvoi n° 04-43636 

Point numéro 4 : délai de 5 jours ouvrables entre la convocation et la tenue de l’entretien 

  • Un délai de 5 jours ouvrables doit être respecté entre l’entretien et la convocation (présentation LRAR ou date remise en main propre). 

Article L1233-11

(…) L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

  • Si le salarié ne se présente pas, ou s’il est malade, l’employeur peut notifier le licenciement. La Cour de cassation a jugé que l’intéressé doit être convoqué à l’entretien « peu important qu’il puisse ou non s’y présenter ». 
  • Pendant l’entretien l’employeur doit exposer au salarié les motifs du licenciement envisagé et il recueille ses explications.

Article L1233-12

Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.

  • Lorsque le délai de « 5 jours » expire un samedi, dimanche ou jour férié, alors il est prorogé au premier jour ouvrable qui suit.

Article R1231-1

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Lorsque les délais prévus par les dispositions légales du présent titre expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

Nota :

Une affaire récente traitée par la Cour de cassation du 24/11/2010 indique qu’en cas de report de l’entretien préalable demandé par le salarié, le délai de 5 jours n’est pas calculé par rapport à la nouvelle lettre de convocation mais bien en tenant compte de la convocation initiale

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation : 

"En cas de report, à la demande du salarié, de l'entretien préalable au licenciement, le délai de 5 jours ouvrables prévu par l'article L.1232-2 du Code du travail court à compter de la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre initiale de la convocation".

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Un arrêt récent de la Cour de cassation (20/03/2013, pourvoi n°12-11578), contredisant au passage l’arrêt de la cour d’appel, permet de préciser la méthode légale du décompte des 5 jours ouvrables.

5 jours « pleins » pour le salarié 

L’arrêt de la Cour de cassation rappelle les termes de l’article L 1232-12 du code du travail, exigeant que le salarié bénéficie d’un délai de 5 jours ouvrables entre la convocation (plus précisément la présentation de la lettre ou la remise en main propre) et l’entretien préalable.

Attention : le jour de la présentation ou de la remise en main propre ne compte pas !

Extrait de l’arrêt :

Vu l'article L. 1232-2 du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, que l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ; qu'il en résulte que le salarié doit disposer d'un délai de cinq jours pleins pour préparer sa défense et que le jour de la présentation ou de remise de la lettre recommandée ne compte pas dans ce délai ; 

Point numéro 5 : lors de l’entretien préalable, personne ne se présente : ni le salarié, ni l’employeur

Un salarié est engagé le 5 février 2000 en qualité d'employé.

Il est licencié pour faute grave le 23 janvier 2009.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, retenant le fait que lors de l’entretien préalable ni lui, ni son employeur ne se sont présentés, ce qui avait pour effet de rendre le licenciement irrégulier. 

La cour d’appel déboute le salarié de sa demande, indiquant que convoqué régulièrement à un entretien préalable, le salarié ne s’y était pas présenté, et que cette absence n’avait pas pour effet de rendre la procédure de licenciement irrégulière, y compris si l’employeur avait été absent également. 

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que le salarié, régulièrement convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, ne s'y était pas présenté ; qu'elle a exactement décidé que cette absence n'avait pas pour effet de rendre la procédure de licenciement irrégulière ; que le moyen n'est pas fondé ; (…)

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;  

Précision supplémentaire, les présents arrêts de la cour d’appel et de la Cour de cassation déboutent le salarié de sa demande, à l’inverse de ce qu’avait jugé le Conseil de prud’hommes qui considérait le licenciement abusif en raison du défaut d’entretien préalable.

Extrait de l’arrêt :

qu'en revanche, M. (…) X... ne prouve nullement s'être présenté à l'entretien préalable ; que de ces énonciations, il s'évince que l'employeur a respecté la procédure de licenciement en convoquant valablement le salarié à un entretien préalable au licenciement ; que l'absence de ce dernier audit entretien n'a pas pour effet de vicier la procédure, et encore moins de rendre le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement est abusif en raison du défaut d'entretien préalable » ; 

Cour de cassation du 17/09/2014, pourvoi n° 13-16756

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