Salarié inapte à tous les postes : quid du reclassement ?

Jurisprudence
Inaptitude

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Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Une salariée est engagée le 19 juin 2008 en qualité de préparatrice par une société de boulangerie.

Après un arrêt maladie, elle est déclarée, à l'issue de 2 examens médicaux des 19 avril et 3 mai 2010, inapte à son poste.

Après avoir refusé diverses propositions, la salariée est finalement licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 15 septembre 2010.

Mais elle décide de saisir la juridiction prud'homale, estimant que son employeur n’a pas respecté ses obligations de reclassement à l’issue de la déclaration d’inaptitude prononcée par la médecine du travail. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée, mais cette dernière décide de se pourvoir en cassation.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que la société a parfaitement respecté son obligation de reclassement, et de la débouter de l'intégralité de ses demandes pour licenciement abusif, alors, selon le moyen, que l'employeur doit procéder, postérieurement au dernier avis d'inaptitude du médecin du travail, à des recherches de reclassement au sein de l'entreprise et du groupe auquel celle-ci appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail, ou aménagement du temps de travail, et ce, peu important la position prise par le salarié ; qu'en l'espèce, il résulte tant des motifs de l'arrêt attaqué que du jugement entrepris que le dernier poste proposé à l'exposante au sein de la société (…) avait été déclaré incompatible avec son état de santé par le médecin du travail le 24 juin 2010 et qu'elle l'avait refusé le 10 août 2010 ; qu'en estimant que l'employeur aurait satisfait à son obligation de reclassement et que son licenciement aurait été justifié, aux motifs inopérants et adoptés des premiers juges que la salariée avait demandé des dommages-intérêts avant son licenciement et qu'elle savait ainsi, qu'elle n'accepterait aucune proposition, sans rechercher, comme elle le lui demandait dans ses conclusions d'appel, si postérieurement au second avis d'inaptitude précité du 24 juin 2010 du médecin du travail, l'employeur avait procédé ou non à une recherche effective au sein de l'entreprise ou du groupe, pour trouver un emploi compatible avec l'état de santé de Mme X..., au besoin par mutations, transformations de postes de travail ou aménagement de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;

Mais à son tour, la Cour de cassation déboute la salariée de sa demande.

Les juges relèvent en effet le fait que l’employeur, postérieurement à la déclaration d’inaptitude, avait contacté la médecine du travail et que celles-ci avaient rendu 2 avis (du 9 et 24 juin 2010) dans lesquels elle indiquait que quels que soient les sites disponibles, la salariée se retrouvait en situation de danger en reprenant une activité.

De ce fait, l’employeur avait totalement rempli son obligation de reclassement. 

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu qu'ayant constaté que, postérieurement à la déclaration d'inaptitude, les avis rendus par le médecin du travail les 9 et 24 juin 2010, par leur précision et leur extension à tous les postes de travail qu'ils soient situés dans l'établissement de Sète ou de toute autre ville et qui en l'absence de contestation de la salariée s'imposaient à l'employeur, interdisaient à la société de proposer un quelconque poste de reclassement dans l'entreprise et dans le groupe sans mettre en danger la santé et la sécurité de la salariée et par voie de conséquence sans la contraindre à enfreindre son obligation générale de sécurité de résultat, la cour d'appel, appréciant souverainement l'ensemble des éléments de fait et de preuve produits devant elle, a fait ressortir que cet employeur justifiait de l'impossibilité de reclassement sur un quelconque poste et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-27875

Nous vous proposons dans la partie commentaire, un éclairage sur les possibilités de reclassement que l’employeur doit rechercher dans… tous les cas !

En cas d’inaptitude totale

Même dans le cas où la médecine du travail prononce une inaptitude totale à tout emploi dans l’entreprise, l’employeur est dans l’obligation de procéder à la recherche de reclassement.

Extrait de l’arrêt du 26/11/2008 :


 Attendu cependant que l'avis du médecin du travail concluant à l'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail ; que cette recherche doit être effective ; 

 Cour de cassation 26/11/2008, pourvoi 07-41284

Extrait de l’arrêt du 7/07/2004 :

Mais attendu que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel celle-ci appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; que la cour d'appel, ayant relevé que l'employeur ne justifiait pas qu'il avait effectué une telle recherche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation 7/07/2004 pourvoi 02-43141

En cas de classement du salarié en invalidité

Même si le salarié est classé en invalidité 2ème catégorie, l’employeur doit obligatoirement respecter son obligation de reclassement, par application des dispositions du Code du travail. 

Extrait de l’arrêt :

Et attendu, enfin, que le classement d'un salarié en invalidité 2e catégorie par la sécurité sociale, qui obéit à une finalité distincte et relève d'un régime juridique différent, est sans incidence sur l'obligation de reclassement du salarié inapte qui incombe à l'employeur par application des dispositions du code du travail ; 

Cour de cassation du 9/07/2008 pourvoi 07-41318

Ne pas anticiper les réponses du salarié

Même si le salarié déclare, avant que l’employeur fasse toute proposition de reclassement, qu’il n’acceptera aucune offre, l’employeur devra respecter ses obligations en matière de reclassement. 

La Cour de cassation s’est prononcée à ce sujet.

Extrait de l’arrêt :

Mais attendu, d'abord, que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise, ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de rechercher des possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient ; 

Cour de cassation du 16/09/2009 pourvoi 08-42212

Proposer un emploi approprié

L’employeur doit tenir de plusieurs critères dans sa recherche d’emplois compatibles avec l’inaptitude du salarié. 

Doivent ainsi être retenues :

  • Les indications transmises par la médecine du travail dans son avis (ou en les sollicitant si elles ne sont pas clairement indiquées) ;
  • La compatibilité (autant que possible) avec l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures comme mutations, transformations poste de travail ou aménagement temps de travail.

Article L1226-2

Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. 

Attention au poste éventuellement… inadapté !

Un récent arrêt de la Cour de cassation invite les employeurs à agir avec prudence.

La proposition doit porter sur un poste compatible avec les compétences du salarié, faute de quoi la proposition de reclassement ne se fait pas dans le respect des dispositions légales. 

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'après avoir relevé par motifs propres et adoptés, que l'emploi de reclassement proposé au salarié n'était pas accessible à celui-ci malgré une formation professionnelle, que celle délivrée en binôme sur le poste pendant quarante-cinq jours s'était avérée inefficace dans la mesure où c'est une formation initiale qui faisait défaut à l'intéressé lequel avait des aptitudes manuelles mais aucune compétence en informatique et comptabilité, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que le poste proposé pour le reclassement n'était pas approprié aux capacités du salarié ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation 7/03/2012 pourvoi : 11-11311

Sur des postes durablement vacants 

La Cour de cassation estime que seuls des postes vacants durablement doivent être proposés à un salarié déclaré inapte.

Voir notre actualité à ce sujet, en cliquant ici.

Extrait de l’arrêt :

C'est à tort que Monsieur X... a cru devoir soutenir que les emplois confiés à des intérimaires auraient correspondu à des emplois disponibles qui auraient dû lui être proposés dans le cadre de l'obligation de reclassement, l'appelante ayant justement fait valoir que la notion de poste disponible était incompatible avec celle d'emplois momentanément vacants du fait de l'indisponibilité de leur titulaire 

Cour de cassation 28/04/2011 Pourvoi 10-13864

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