Le salarié ouvre droit à des dommages-intérêts lorsque l’attestation Pôle emploi mentionne une démission plutôt qu’une prise d’acte

Jurisprudence
Prise acte rupture contrat travail

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Cet article a été publié il y a 8 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Une salariée est engagée à compter du 18 septembre 2000, en qualité de consultant senior.

Par lettre du 27 juillet 2007, la salariée prend acte de la rupture du contrat de travail en reprochant à l'employeur un plan de rémunération variable qu'elle estimait inacceptable.

Après avoir obtenu du juge des référés l'octroi de provisions à valoir sur sa créance, la salariée saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes.

Elle indique notamment que l’attestation Pôle emploi, établie par l’employeur, mentionnait faussement une « démission » en lieu et place d’une « prise d’acte », créant selon la salariée un préjudice donnant lieu au versement de dommages et intérêts. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande, considérant que cette dernière ne démontre pas le préjudice subi sur le fait que l’attestation ASSEDIC (NDLR : à cette époque, l’entité Pôle emploi n’existe pas encore) mentionnait « démission » au lieu de « prise d’acte ».

Extrait de l’arrêt :

Attendu que, pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la mention erronée du motif de rupture sur l'attestation ASSEDIC, l'arrêt retient qu'elle ne démontre pas le préjudice qui en est résulté pour elle, puisqu'il n'est pas contesté qu'elle a très rapidement retrouvé du travail et que, résidente américaine à compter de sa prise d'acte, elle ne pouvait pas bénéficier des allocations de chômage auprès de l'ASSEDIC ;

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis.

Elle rappelle que la remise de l’attestation ASSEDIC oblige l’employeur, y compris en cas de prise d’acte, à veiller à indiquer ce motif exact de rupture.

Peu importait dans l’affaire présente, que la salariée ait immédiatement retrouvé un emploi ou que, devenu résident américain à compter de la prise d’acte, elle ne pouvait pas bénéficier d’allocations de chômage. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que l'inexécution par l'employeur de son obligation de délivrer au salarié une attestation destinée à l'ASSEDIC, indiquant le motif exact de la rupture du contrat de travail, tel qu'il ressort de la prise d'acte de la salariée, cause nécessairement à celle-ci un préjudice, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation sur le deuxième moyen du pourvoi principal, du chef de l'arrêt relatif à la limitation de la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme au titre de la part variable de la rémunération entraîne par voie de dépendance celle des chefs de l'arrêt visés par le troisième moyen de chacun des pourvois ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) à payer à Mme X... les sommes de 6 696 euros au titre de la part variable pour l'année 2006, outre 669,60 euros de congés payés afférents, 5 966 euros au titre de la part variable 2007, outre les congés payés afférents, déboute la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, de dommages-intérêts pour licenciement illicite, et en paiement d'indemnités compensatrice de préavis, de congés payés afférents d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère erroné de l'attestation ASSEDIC, et en ce qu'il déboute l'employeur de sa demande en restitution des provisions versées à la salariée en exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 25 novembre 2008, l'arrêt rendu le 15 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-13829

L’affaire présente évoque la prise d’acte de rupture du contrat de travail et la démission, profitons du contexte présent pour vous présenter la relation qui peut exister entre ces deux cas de rupture.

Quand une démission devient une prise d’acte

Il existe des cas pour lesquels la démission par le salarié est requalifiée par les juges en une prise d’acte fondée sur des griefs fondés.

Exemples concrets 

  • La démission a été provoquée par le fait que l'employeur ne respectait pas ses obligations en matière, notamment, de temps de travail, de congés payés et que cette situation avait été signalée à l'inspecteur du travail ;

Cour de cassation du 09/05/2007 n° 05-41324 et 05-41325

  • Le salarié avait joint à sa lettre de démission un décompte des sommes dont il prétendait qu'elles lui étaient dues au titre de ses heures supplémentaires et de ses repos compensateurs ;

Cour de cassation du 09/05/2007 n° 05-40315

  • Un salarié avait adressé une lettre de démission accompagnée d'une autre lettre dans laquelle il protestait contre la modification unilatérale de sa rémunération, ce dont il s'était déjà plaint auprès de ses supérieurs.

 Cour de cassation du 09/05/2007 n° 05-42301

Extraits « Abécédaire social et paye 2010 » (éditions INDICATOR)

Des démissions qui ont été requalifiées en une prise d’acte de rupture du contrat de travail :

La démission a été provoquée par le fait que l'employeur ne respectait pas ses obligations en matière, notamment, de temps de travail, de congés payés et que cette situation avait été signalée à l'inspecteur du travail

Cour de cassation du 09/05/2007 n° 05-41324 et 05-41325

Le salarié avait joint à sa lettre de démission un décompte des sommes dont il prétendait qu'elles lui étaient dues au titre de ses heures supplémentaires et de ses repos compensateurs

Cour de cassation du 09/05/2007 n° 05-40315

Un salarié avait adressé une lettre de démission accompagnée d'une autre lettre dans laquelle il protestait contre la modification unilatérale de sa rémunération, ce dont il s'était déjà plaint auprès de ses supérieurs

Cour de cassation du 09/05/2007 n° 05-42301

Des démissions qui n’ont pas été requalifiées en une prise d’acte 

A contrario, certaines démissions n’ont pas été requalifiées en une prise d’acte justifiée. 

  • Conteste sa démission plus de 17 mois après et ne démontre pas le caractère équivoque de sa démission ;

Cour de cassation du 09/05/2007 n° 05-40518

  • N'a contesté les conditions de la rupture de son contrat de travail et réclamé des rappels de salaire à son employeur que près de trois mois plus tard.

Cour de cassation du 20/06/2007 n° 06-42372 FD

Extraits « Abécédaire social et paye 2010 » (éditions INDICATOR)

Des démissions qui n’ont pas été requalifiées en une prise d’acte de rupture du contrat de travail :

Conteste sa démission plus de 17 mois après et ne démontre pas le caractère équivoque de sa démission

Cour de cassation du 09/05/2007 n° 05-40518

N'a contesté les conditions de la rupture de son contrat de travail et réclamé des rappels de salaire à son employeur que près de trois mois plus tard

Cour de cassation du 20/06/2007 n° 06-42372 FD

Petit commentaire de l’auteur: On remarquera la réaction un peu « tardive » du salarié qui semble avoir eu du mal à réagir.

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