L’employeur n’a pas à demander les motifs d’une grève

Jurisprudence
Suspension contrat de travail

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Un salarié est engagé le 1er janvier 1987 en qualité d'agent d'entretien pour occuper en dernier lieu les fonctions d'ouvrier paysagiste.

Le 22 décembre 2006 à 7h, il cesse le travail avec 7 autres salariés, revendiquant le paiement d'un acompte sur le 13ème mois.

Il est licencié pour faute grave par lettre du 9 février 2007.

Le salarié considéré comme « meneur » de la grève est en effet accusé par son employeur de divers faits, parmi lesquels le fait qu’il avait bloqué la sortie de l’entreprise afin d’empêcher les véhicules de service de se rendre sur les chantiers, avait volontairement heurté avec son propre véhicule le directeur et le gérant, blessant ce dernier.

Extrait de l’arrêt :

(…) le fait d'interdire l'accès à l'entreprise à quiconque, notamment au directeur et au personnel non gréviste, et qu'il était établi que le salarié, après avoir positionné son fourgon à l'entrée de l'entreprise pour empêcher la sortie des véhicules vers des chantiers, voyant qu'un passage était possible, a démarré son véhicule et volontairement heurté le directeur et le gérant de la société (…)

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant devoir bénéficier de la protection contre toute sanction protégeant le droit de grève. 

La cour d’appel et la Cour de cassation s’accordent pour se placer non pas sur le fait que des actes illicites avaient été commis, mais sur la nature même du mouvement qui avait été initié par le salarié et 7 de ses collègues.

Les deux cours rappellent que le salarié n’avait pas commis les faits précités durant une grève, eu égard au fait que l’employeur n’avait pas été mis au courant des revendications professionnelles à l’origine du conflit, et que ce n’était pas du ressort du chef d’entreprise de demander les motifs d’une grève (même si cela s’était produit en l’espèce).

La faute grave était bien légitime dans la présente affaire.

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limité du préavis ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le licenciement était fondé sur une faute grave au seul motif qu'un certificat médical établi le jour des faits faisait état pour le gérant de l'entreprise d'un traumatisme au niveau de la face externe du genou droit ayant nécessité un traitement local et que ce document objectif caractérisait la faute grave imputée au salarié sans même constater en quoi le comportement reproché à ce dernier rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté par motifs propres et adoptés que le salarié avait bloqué la sortie de l'entreprise afin d'empêcher les véhicules de service de se rendre sur les chantiers puis avait volontairement heurté avec son véhicule le directeur et le gérant, blessant ce dernier, la cour d'appel a pu en déduire que ces faits rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et constituaient une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°14-11077

Comment ne pas évoquer la notion de grève à la suite de cette affaire ?

Droit de grève : un droit fondamental

Le droit de grève est un droit fondamental et incontestable.

Il est inscrit dans la Constitution, ainsi qu’à l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.

Grève si 3 éléments réunis

Tout arrêt de travail est qualifié de grève si 3 éléments sont cumulativement réunis: 

  1. Toute grève doit entraîner la cessation du travail ;
  2. Une concertation des salariés qui doit se traduire par une décision commune des salariés d’entamer un mouvement revendicatif ;
  3. Des revendications professionnelles à caractère salarial, ou relatives aux conditions de travail, ou bien encore relatives à l’exercice du droit syndical ou bien encore portant sur la défense de l’emploi.

Arrêt de travail d’une seule personne = grève illicite

Est considéré comme illicite la grève qui est le fait d’un seul individu.

Exception si l’entreprise ne comporte… qu’un seul salarié ! 

Nota : exception à ce principe, reconnue par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 décembre 1996 de la Cour de Cassation où un individu qui est le seul employé d’une entreprise s’est vu reconnaître le droit de grève.

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 13 novembre 1996 N° de pourvoi: 93-42247 

Quelques exemples de grèves considérées illicites

Lorsque la grève a un caractère politique 

Signalons de rares situations pour lesquelles la grève a été reconnue licite, dans le cadre d’un mouvement national de mobilisation. 

 Cour de cassation du 29/05/1979 pourvoi 78-40553

Cour de cassation du 15/02/2006 pourvoi 04-45738

Grève « paralysante » 

Sont visées les grèves tendant à paralyser l’activité de l’entreprise, ce sont alors des grèves qualifiées de « grèves tournantes ou perlées.

Quelques règles à observer en matière de gestion de la paie

  • L’absence doit être décomptée selon la méthode des heures réelles du mois ;

 Cour de cassation du 16/06/1999, pourvoi 98-43696 et Cour de cassation du 19/05/1998 pourvoi 97-41900

  • Il est interdit a contrario d’indiquer « absence pour grève » sur le bulletin de paie ;
  • Seul le temps réel de l’arrêt de travail doit être pris en compte, et non la mise en route de la grève ;
  • La grève n’est pas assimilable à du travail effectif pour l’acquisition des congés payés ;
  • Le fait de faire grève le 1er mai n’empêche pas l’employeur d’effectuer la retenue sur salaire correspondante éventuelle ;

Extrait de l’arrêt :

Attendu, cependant, que l'exercice du droit de grève suspend l'exécution du contrat de travail pendant toute la durée de l'arrêt de travail en sorte que l'employeur est délivré de l'obligation de payer le salaire ; que le salarié qui s'est associé au mouvement de grève doit être légalement considéré, sauf preuve contraire de sa part, comme gréviste pour toute la durée du mouvement ; qu'il ne peut donc prétendre, fût-ce pour le 1er mai, au paiement de sa rémunération pendant cette période, peu important que certains jours il n'ait eu normalement aucun service à assurer ; que, dès lors, en statuant comme il l'a fait, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X... ;

Cour de Cassation Chambre sociale du 5 février 2002 pourvoi 99-43898

  • L'employeur doit rémunérer les non- grévistes, sauf s'il peut prouver qu'il a été dans l'impossibilité de leur donner du travail. 

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