Demander des explications à un salarié : c’est peut-être déjà le sanctionner !

Jurisprudence
Sanctions

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Un salarié est engagé sous contrat CDI du 23 avril 1998 par La Poste.

A compter du 1er octobre 2005, il occupe le poste d'opérateur colis dans une agence.

Le 6 mars 2008, son employeur le convoque pour un entretien préalable.

Le 18 mars 2008, le salarié comparait devant la commission consultative paritaire et il est destinataire le 20 mars 2008, en application d’un règlement interne « PX 10 », d'une demande d'explications sur son attitude. 

A la suite de cette procédure, son licenciement pour faute grave lui est notifié.

Contestant cette mesure, le salarié saisit la juridiction prud'homale. 

Dans un premier temps, la cour d’appel au regard des articles L 1331-1 du code du travail et de l’article 211 du texte de règlementation interne, considère que la demande d’explications qui avait été adressée au salarié ne constituait en rien en une sanction.

Il ne s’agissait en l’espèce que d’une « étape supplémentaire dans la procédure disciplinaire de droit commun ». 

Extrait de l’arrêt :

Vu l'article L. 1331-1 du code travail et l'article 211 du texte de réglementation interne PX 10 au sein de La Poste ; 
Attendu que selon le premier de ces textes, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; 
Attendu que pour dire que le licenciement procède d'une faute grave, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'il est exact que le salarié a fait l'objet de nombreuses demandes d'explication, qui sont des mesures d'instruction des affaires disciplinaires exposées à l'article 211 du texte de réglementation interne ; qu'il apparaît en conséquence que le document, établi à la suite de la demande, qui ne constitue qu'une mesure d'instruction, et qui comporte essentiellement la réponse du salarié à une question qui lui est posée, ne peut s'analyser en une sanction au sens de l'article L. 1331-1 du code du travail, aucune mesure n'étant prise de nature à affecter le contrat de travail du salarié qui peut seulement voir la procédure disciplinaire se poursuivre à la demande de sa hiérarchie ; 

De son côté, la Cour de cassation considère que :

  • La procédure de demande d'explications écrites avait été mise en œuvre à la suite de faits considérés comme fautifs ;
  • Le salarié devait répondre seul et immédiatement aux questions qui lui sont posées ;
  • Tout refus de s'exécuter intervenant après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire et pourrait à lui seul justifier une sanction ;
  • Le procès-verbal consignant les demandes formulées par l'employeur et les réponses écrites du salarié était conservé dans le dossier individuel de celui-ci. 

Tous ces éléments permettaient d’en déduire le caractère disciplinaire de cette mesure, et par voie de conséquence l’arrêt de la cour d’appel était cassé et annulé.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la procédure de demande d'explications écrites en vigueur au sein de La Poste, avait été mise en oeuvre à la suite de faits considérés comme fautifs, que le salarié devait répondre seul et immédiatement aux questions qui lui sont posées, que tout refus de s'exécuter intervenant après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire et pourrait à lui seul justifier une sanction et que le procès verbal consignant les demandes formulées par l'employeur et les réponses écrites du salarié était conservé dans le dossier individuel de celui-ci, la cour d'appel, qui devait en déduire le caractère disciplinaire de cette mesure, a violé les textes susvisés ; 
PAR CES MOTIFS : 
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il retient que le licenciement du salarié repose sur une faute grave, l'arrêt rendu le 7 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix en Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes 

Cour de cassation du , pourvoi n°13-26916

Non bis in idem

Locution latine qui signifie textuellement « pas deux fois pour la même chose », est un aspect qui ne doit pas être négligé en matière de licenciement disciplinaire.

Demander des explications et licencier

Dans l’affaire présente, l’arrêt de la Cour de cassation conduisant à casser et annuler l’arrêt de la cour d’appel repose sur ce principe. 

Si demander des explications à un salarié signifie le sanctionner, comme le considère la Cour de cassation, l’employeur a épuisé son pouvoir de sanction.

Il ne peut donc prononcer par la suite un licenciement reposant sur le même motif, au risque de se voir opposer le « non bis in idem » précité.

Prononcer une mise à pied disciplinaire puis licencier

De la même façon, un employeur qui procédera à une mise à pied disciplinaire pour un motif, sera dans l’incapacité de prononcer un licenciement pour le même motif.

La mise à pied disciplinaire constituant une réelle sanction, ce qui n’est pas le cas d’une mise à pied conservatoire.

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