Absence de paiement des heures de délégation : la prise d’acte est justifiée !

Jurisprudence
Prise acte rupture contrat travail

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Un salarié est engagé en qualité d'agent de sécurité à compter du 3 juin 2005.

Titulaire de divers mandats de représentation du personnel, il prend acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur le 1er septembre 2009.

Il reproche notamment à ce dernier de ne pas lui avoir payé ses heures de délégation pendant 5 mois. 

Par la suite, le salarié saisit la juridiction prud'homale de demandes, et notamment à ce que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement nul. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, estimant que le grief relatif au non-paiement des heures de délégation, sur la période avril à août 2009, n’est pas en soi d’une gravité insuffisante pour empêcher la poursuite des relations contractuelles.

De ce fait, selon la cour d’appel, la prise d’acte produit les effets d’une démission. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié produit les effets d'une démission, l'arrêt retient que le grief relatif aux heures de délégation sur la période avril/ août 2009 n'est pas en soi d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle entre les parties ; 

Mais la Cour de cassation ne partage pas du tout l’avis de la cour d’appel, les juges cassent et annulent l’arrêt de la cour d’appel. 

Les juges considèrent en effet que le fait que des heures de délégation n’avaient pas été payées pendant 5 mois, confirmait que l’employeur avait commis un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

En d’autres termes, selon la Cour de cassation, la prise d’acte produisait les effets d’un licenciement nul. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que les heures de délégation du salarié n'avaient pas été payées pendant une période de cinq mois, ce dont il résultait que l'employeur avait commis un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette  (…)

Cour de cassation du , pourvoi n°13-20703

L’affaire présente nous permet de rappeler brièvement les nombreuses conséquences qu’entraine une prise d’acte, par un salarié protégé, qui produit les effets d’un licenciement nul. 

Préambule

A la différence de la prise d’acte par un salarié non protégé, la prise d’acte par un salarié protégé, lorsque les griefs justifient la rupture, produit les effets d’un licenciement nul et non ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Extrait de l’arrêt

Attendu cependant que lorsqu'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur lorsque les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit, dans le cas contraire, les effets d'une démission ; 

Cour de Cassation, Chambre sociale, du 5 juillet 2006, N° de pourvoi 04-46009

Extrait de l’arrêt

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'employeur s'était abstenu volontairement pendant plus d'une année de payer à son salarié les heures supplémentaires qui lui étaient dues, a souverainement estimé qu'un tel manquement de l'employeur à ses obligations produisait les effets d'un licenciement qui était nul en l'absence d'autorisation administrative ; 
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ; 
PAR CES MOTIFS : 
REJETTE le pourvoi ;  

Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 février 2009, N° de pourvoi 07-44687

Indemnité de licenciement

Lorsque la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul, le salarié doit alors obtenir le paiement de l’indemnité de licenciement. 

Nota : l’ancienneté prise en compte est celle constatée à la prise d’acte.

Extrait de l’arrêt :

2°/ que le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement doit être calculé au regard de l'ancienneté acquise à l'issue du préavis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la prise d'acte de la rupture était justifiée et devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en affirmant néanmoins qu'elle se serait "soustraite à l'exécution du préavis" et en retenant l'ancienneté acquise à la date de notification de la prise d'acte pour calculer le montant de l'indemnité de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 1234-9 du code du travail ;

Mais attendu que la prise d'acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail de sorte que le salarié n'est pas tenu d'exécuter un préavis ;

Et attendu qu'ayant constaté que Mme X... avait quitté son emploi à la date de la prise d'acte, la cour d'appel a jugé à bon droit que son ancienneté dans l'entreprise devait se calculer à la date de la rupture 

Cour de cassation du 28/09/2011 Pourvoi n° 09-67510

Indemnité compensatrice de préavis 

La prise d’acte a pour effet de rompre le contrat de travail immédiatement, privant ainsi le salarié du bénéfice d’une période de préavis.

L’employeur se trouve donc dans l’obligation de verser une indemnité compensatrice correspondant au préavis dont aurait bénéficié le salarié en cas de licenciement.  

Indemnité compensatrice de congés payés au titre du préavis non effectué 

Conséquence directe, l’entreprise se trouve également redevable d’une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à la période de préavis non effectuée, généralement cette indemnité est chiffrée selon la méthode du « 1/10ème ».

Exemple :

  • Indemnité compensatrice de préavis équivaut à 3.000 € ;
  • L’indemnité compensatrice de congés payés sera évaluée à 300€ (3.000 €* 1/10ème).

Nota : l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents sont dus, y compris lorsque le salarié a été malade pendant cette période. 

Dommages et intérêts au titre du licenciement nul 

Indemnité égale à 6 mois de salaire 

Au regard de l’article L 1134-4 du code du travail, le salarié doit percevoir des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice subi.

Le montant des sommes à verser est souverainement apprécié par les juges, sans toutefois que sa valeur ne soit inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Article L1134-4

Modifié par LOI n°2008-126 du 13 février 2008 - art. 16

Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le conseil de prud'hommes lui alloue :

1° Une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

2° Une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement prévue par l'article L.1234-9 ou par la convention ou l'accord collectif applicable ou le contrat de travail.

L'article L.1235-4, relatif au remboursement à l'institution mentionnée à l'article L.5312-1, pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L.5427-1, des indemnités de chômage payées au salarié en cas de licenciement fautif, est également applicable.

Indemnité due, quelle que soit l’ancienneté du salarié 

Cette somme est due, quelle que soit l’ancienneté du salarié et effectif de l’entreprise. 

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour réduire notablement les indemnités qu'un conseil de prud'hommes avait condamné la société Y…à verser à Mme X... en réparation de son préjudice né d'un licenciement nul, la cour d'appel relève la faible ancienneté de la salariée en application de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
Attendu cependant que le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait jugé que le licenciement de la salariée était nul pour avoir été prononcé après qu'elle eut dénoncé le harcèlement moral dont elle était victime, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives au licenciement nul, l'arrêt rendu le 28 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ; 

Cour de cassation du 14/04/2010, pourvoi 09-40486

Indemnisation au titre du DIF

Même si le CPF remplace le CPF au 1er janvier 2015, nous pouvons imaginer que des arrêts de la Cour de cassation en 2015, concernent des affaires pour lesquelles le DIF était alors en vigueur… 

Selon nous, en cas de prise d’acte par le salarié qui produit les effets d’un licenciement nul, cette indemnisation au titre du DIF est également à envisager, le salarié ayant été privé de sa période de préavis et de son droit à utiliser les heures acquises au titre du DIF.

Extrait de l’arrêt

Attendu que le salarié, dont la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée et qui n'est pas tenu d'exécuter un préavis, a droit à être indemnisé de la perte de chance d'utiliser les droits qu'il a acquis au titre du droit individuel à la formation ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant à obtenir le paiement par la société Y… d'une somme au titre du droit individuel à formation l'arrêt retient que le salarié ne peut prétendre à une indemnisation des heures acquises au titre du DIF depuis 2005 alors qu'il n'a jamais formulé de demande à ce titre comme le suppose l'article L. 6323-10 du code du travail, ni à l'occasion de la prise d'acte de la rupture pour une éventuelle demande pendant le préavis ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; 

Cour de cassation du 18/05/2011 pourvoi 09-69175

Indemnisation au titre de la violation du statut protecteur

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et que les griefs invoqués sont reconnus fondés par les juges, le salarié peut alors prétendre au paiement d’une indemnité au titre de la violation du statut protecteur, égale à la rémunération brute que le salarié aurait perçue entre la date de rupture du contrat de travail et l'expiration de la période de protection.

 Extrait de l’arrêt

Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié protégé licencié sans autorisation et qui ne demande pas sa réintégration a droit, au titre de la violation du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre la date de la rupture et l'expiration de la période de protection 

Cour de cassation du 10/05/2006 pourvoi 04-40901

Pas de réintégration possible

En principe, le salarié protégé dont le licenciement a été annulé par le juge peut demander sa réintégration.

La Cour de cassation confirme que cette possibilité disparaît lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur et que, estimant cette prise d’acte justifiée, le juge lui fait produire les effets d’un licenciement nul. 

 Extrait de l’arrêt

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à obtenir sa réintégration sous astreinte dans son emploi, alors, selon le moyen :

1°/ que pour débouter la salariée ayant pris acte de la rupture aux torts de l'employeur de sa demande de réintégration, la cour d'appel a jugé qu'il résulte de ce que celle-ci avait sollicité des indemnités de rupture lors d'une précédente procédure qu'elle pourrait avoir renoncé à sa réintégration ; que la cour d'appel en a déduit qu'il existe une contestation sérieuse tenant à l'articulation d'une prise d'acte, ainsi exprimée, avec une demande postérieure de réintégration formulée par la salariée 

Cour de cassation du 29/05/2013 pourvoi 12-15974

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