Insultes et menaces du salarié pendant un voyage organisé par l’entreprise, peuvent justifier son licenciement

Jurisprudence
Vie privée

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Cet article a été publié il y a 9 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

La présente affaire concerne un salarié engagé le 1er mai 1996 par une société d’assurance en qualité de conseiller commercial pour occuper en dernier lieu les fonctions d'inspecteur principal.

Le salarié est convié à un voyage organisé du 7 au 10 mai 2009 par la société afin de récompenser les salariés lauréats d'un concours interne à l'entreprise.

Dès les deux premières soirées du séjour, le salarié, en état d’ébriété avancé, avait eu, de manière réitérée, des comportements agressifs et violents envers ses collègues de travail et ses supérieurs hiérarchiques allant même jusqu’à les menacer physiquement.

À la suite de ces incidents, le salarié est rapatrié le 8 mai et finalement licencié pour faute grave par lettre du 9 juin 2009. 

Le salarié saisit la juridiction prud’homale, estimant son licenciement totalement dépourvu de cause réelle et sérieuse, les faits reprochés s’étant produits dans le périmètre de la « sphère privée ». 

Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison au salarié, considérant que les faits reprochés au salarié relevaient effectivement de la vie privée, et qu'aucun manquement de l'intéressé à une obligation contractuelle n'était établi.

Mais la Cour de cassation ne partage pas du tout le même avis.

Les juges cassent et annulent l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les deux parties devant une nouvelle cour d’appel.

Ils considèrent en l’espèce que les faits de menaces, insultes et comportements agressifs commis à l'occasion d'un séjour organisé par l'employeur dans le but de récompenser les salariés lauréats d'un « challenge » national interne à l'entreprise et à l'égard des collègues ou supérieurs hiérarchiques du salarié, se rattachaient à la vie de l'entreprise. 

Le licenciement pour faute grave était pleinement fondé.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que les faits reprochés au salarié, commis à l'occasion d'un séjour d'agrément en dehors du temps et du lieu de travail, relevaient de la vie privée quand bien même des supérieurs hiérarchiques et d'autres salariés étaient conviés à participer à ce séjour et que le salarié avait tenté de bénéficier de la législation professionnelle pour un accident dont il était prétendu qu'il était survenu à l'occasion de ce séjour et qu'aucun manquement de l'intéressé à une obligation contractuelle n'était établi ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les faits de menaces, insultes et comportements agressifs commis à l'occasion d'un séjour organisé par l'employeur dans le but de récompenser les salariés lauréats d'un « challenge » national interne à l'entreprise et à l'égard des collègues ou supérieurs hiérarchiques du salarié, se rattachaient à la vie de l'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen 

Cour de cassation du , pourvoi n°13-16793

Vie privée du salarié et licenciement

Ce n’est pas la 1ère fois que la Cour de cassation doit se prononcer sur un fait tiré de la vie privée et motivant le licenciement d’un salarié.

Principe de base 

Le principe de base est le suivant :

Seul un événement tiré de la vie privée ET responsable d’un trouble au sein de l’entreprise peut être invoqué pour un licenciement. 

Rappel de quelques jurisprudences

Les exemples sont assez fréquents, rappelons quelques arrêts comme suit : 

Publication d’un livre et polémique 

Dans une autre affaire, à l’origine d’un arrêt du 9/03/2011, un salarié avait été licencié pour faute grave en raison de la publication d’un livre à l’origine d’une polémique.

Dans le cas présent, la Cour de cassation avait donné raison au salarié, estimant que le trouble au sein de l’entreprise n’était pas réellement prouvé. 

Vous pouvez retrouver cet arrêt en détails en cliquant ici. 

Cour de cassation du 9/03/2011, pourvoi 09-42150

  

Faits reprochés sans rapport avec la vie professionnelle 

Dans un autre arrêt, la Cour de cassation donnait une précision importante, selon laquelle les faits reprochés qui se sont produits dans la sphère personnelle mais ne se rattachent pas à la vie professionnelle, ne peuvent motiver qu’un licenciement « non disciplinaire ».

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a retenu qu'il est patent que le document litigieux, particulièrement obscène, avait provoqué un trouble dans l'entreprise, porté atteinte à son image de marque et eu immanquablement un retentissement certain sur la personne même de son directeur dont M. X... était le chauffeur et donc un proche collaborateur ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu, d'autre part, que la réception par le salarié d'une revue qu'il s'est fait adresser sur le lieu de son travail ne constitue pas un manquement aux obligations résultant de son contrat, et enfin, que l'employeur ne pouvait, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son destinataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour faire droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ; 

Cour de cassation chambre mixte Audience publique du vendredi 18 mai 2007 N° de pourvoi: 05-40803 

  

Dénigrement de l’entreprise 

Dans une autre affaire, un licenciement avait été prononcé pour faute grave à l’encontre d’une salariée ayant indiqué à deux collègues que l'employeur était au bord de la faillite pour les inciter à le quitter pour venir travailler pour une entreprise concurrente. 

Basé sur des faits qui se sont produits en dehors de heures de travail, la salariée considère que licenciement pour faute grave n’est pas fondé. 

La cour d’appel puis la Cour de cassation déboutent la salariée de sa demande, estimant que les faits reprochés dénotent un manquement à l'obligation de loyauté envers l'employeur, rendant impossible le maintien de l'intéressée dans l'entreprise et constituant une faute grave. 

Extrait de l’arrêt

Mais attendu qu'ayant relevé que la salariée avait indiqué à deux collègues que l'employeur était au bord de la faillite pour les inciter à le quitter pour venir travailler pour une entreprise concurrente alors qu'une campagne de dénigrement était organisée par certains membres de cette dernière, la cour d'appel a pu décider que ce comportement, constitutif d'un manquement à l'obligation de loyauté envers l'employeur, rendait impossible le maintien de l'intéressée dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; 

Cour de cassation 24/09/2013 N° de pourvoi: 12-19387

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