On ne mute pas un salarié protégé sans son accord

Jurisprudence
Prise acte rupture contrat travail

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Cet article a été publié il y a 9 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

L’affaire présente concerne un salarié engagé à compter du 7 septembre 1981, en qualité de chauffeur pour le compte d’un centre d’aide par le travail.

Au sein cet organisme, devenu ESAT, il exerce en dernier lieu les fonctions d'aide médico-psychologique, ainsi que des mandats de délégué du personnel et de conseiller prud'homme.

Par une lettre du 22 octobre 2009, son employeur l’informe de sa réintégration au poste de chauffeur, ce que le salarié refuse par une lettre du 29 octobre 2009.

Par une autre lettre du 5 novembre 2009, l’employeur demande au salarié de se présenter, dans l’établissement d’origine le 9 novembre à 9 heures, à défaut de quoi, il saisirait l'inspecteur du travail.

Finalement, par lettre du 23 novembre 2009, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, puis saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de la prise d'acte en licenciement nul, ainsi que la condamnation de l'employeur à lui verser les sommes dues à ce titre. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute le salarié de sa demande, considérant que le salarié a décidé, prématurément, de prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

Extrait de l’arrêt :

 Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel énonce que par lettre du 29 octobre 2009, le salarié confirmait au directeur de l'ESAT son refus de réintégrer son service d'origine, son employeur, … lui répondait : « ... Je constate que vous refusez de réintégrer votre établissement d'origine... deux solutions s'offrent à moi ; soit vous conserver à votre emploi antérieur, soit engager la procédure spéciale de licenciement. C'est la raison pour laquelle je vous demande de vous présenter au travail, dans votre établissement d'origine, l'ESAT...au plus tard le lundi 9 novembre 2009 à 9 heures. À défaut, je considérerai que vous refusez de réintégrer votre établissement d'origine et je me verrais contraint de saisir l'inspection du travail. », que cependant, le 23 novembre 2009, le salarié prend l'initiative de rompre le contrat alors qu'il ne peut être fait grief à l'employeur de ne pas s'être positionné dans le bref délai de quatorze jours, entre les deux options qui lui étaient offertes, décision exigeant un temps de réflexion suffisant compte tenu de son statut de salarié protégé et de son ancienneté, que compte tenu du refus formel opposé par le salarié, l'employeur, ainsi qu'il en a informé le salarié, était dans l'obligation soit de le conserver à son poste soit d'engager la procédure spéciale de licenciement liée à son statut de salarié protégé, que cependant, court-circuitant l'employeur, M. X... a décidé, prématurément, de prendre acte de la rupture de son contrat de travail ;

Ce n’est pas du tout l’avis de la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.

Les juges, dans cette affaire, relèvent le fait que l’employeur avait purement et simplement imposé au salarié de se présenter sur un nouveau lieu de travail pour y exercer des fonctions différentes, ce dont il résultait que l’employeur avait commis un manquement rendant impossible la poursuite des relations contractuelles avec le salarié protégé. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'employeur ne s'était pas borné à proposer au salarié protégé une modification de ses conditions de travail, mais lui avait imposé de se présenter sur un nouveau lieu de travail pour y occuper des fonctions différentes, ce dont il résultait que l'employeur avait commis un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Cour de cassation du , pourvoi n°13-12472

A la différence de la prise d’acte par un salarié non protégé, la prise d’acte par un salarié protégé, lorsque les griefs justifient la rupture, produit les effets d’un licenciement nul et non ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cour de Cassation, Chambre sociale, du 5 juillet 2006, N° de pourvoi 04-46009

 Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 février 2009, N° de pourvoi 07-44687

Les différentes sommes à verser sont les suivantes:

Indemnité de licenciement

Lorsque la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul, le salarié doit alors obtenir le paiement de l’indemnité de licenciement. 

Nota : l’ancienneté prise en compte est celle constatée à la prise d’acte.

Cour de cassation du 28/09/2011 Pourvoi n° 09-67510

Indemnité compensatrice de préavis 

La prise d’acte a pour effet de rompre le contrat de travail immédiatement, privant ainsi le salarié du bénéfice d’une période de préavis.

L’employeur se trouve donc dans l’obligation de verser une indemnité compensatrice correspondant au préavis dont aurait bénéficié le salarié en cas de licenciement.

Indemnité compensatrice de congés payés au titre du préavis non effectué 

Conséquence directe, l’entreprise se trouve également redevable d’une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à la période de préavis non effectuée, généralement cette indemnité est chiffrée selon la méthode du « 1/10ème ».

Exemple :

  • Indemnité compensatrice de préavis équivaut à 3.000 € ;
  • L’indemnité compensatrice de congés payés sera évaluée à 300€ (3.000 €* 1/10ème).

Nota : l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents sont dus, y compris lorsque le salarié a été malade pendant cette période. 

Dommages et intérêts au titre du licenciement nul 

Indemnité égale à 6 mois de salaire 

Au regard de l’article L 1134-4 du code du travail, le salarié doit percevoir des dommages et intérêts visant à réparer le préjudice subi.

Le montant des sommes à verser est souverainement apprécié par les juges, sans toutefois que sa valeur ne soit inférieure aux salaires des 6 derniers mois. 

Article L1134-4

Modifié par LOI n°2008-126 du 13 février 2008 - art. 16

Est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n'ayant jamais cessé d'occuper son emploi.

Lorsque le salarié refuse de poursuivre l'exécution du contrat de travail, le conseil de prud'hommes lui alloue :

1° Une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois ;

2° Une indemnité correspondant à l'indemnité de licenciement prévue par l'article L.1234-9 ou par la convention ou l'accord collectif applicable ou le contrat de travail.

L'article L.1235-4, relatif au remboursement à l'institution mentionnée à l'article L.5312-1, pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L.5427-1, des indemnités de chômage payées au salarié en cas de licenciement fautif, est également applicable.

  

Indemnité due, quelle que soit l’ancienneté du salarié 

Cette somme est due, quelle que soit l’ancienneté du salarié et effectif de l’entreprise. 

Cour de cassation du 14/04/2010, pourvoi 09-40486

Indemnisation au titre du DIF

Selon nous, en cas de prise d’acte par le salarié qui produit les effets d’un licenciement nul, cette indemnisation au titre du DIF est également à envisager, le salarié ayant été privé de sa période de préavis et de son droit à utiliser les heures acquises au titre du DIF. 

Cour de cassation du 18/05/2011 pourvoi 09-69175

Indemnisation au titre de la violation du statut protecteur

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail et que les griefs invoqués sont reconnus fondés par les juges, le salarié peut alors prétendre au paiement d’une indemnité au titre de la violation du statut protecteur, égale à la rémunération brute que le salarié aurait perçue entre la date de rupture du contrat de travail et l'expiration de la période de protection.

Cour de cassation du 10/05/2006 pourvoi 04-40901

  

Pas de réintégration possible

En principe, le salarié protégé dont le licenciement a été annulé par le juge peut demander sa réintégration.

La Cour de cassation confirme que cette possibilité disparaît lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur et que, estimant cette prise d’acte justifiée, le juge lui fait produire les effets d’un licenciement nul. 

Cour de cassation du 29/05/2013 pourvoi 12-15974

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