Accident mortel avant visite médicale d’embauche : la faute inexcusable de l’employeur est reconnue

Jurisprudence
Maintien employeur pour maladie, accident du travail, maladie professionnelle

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Un salarié intérimaire est mis à la disposition de la Société de construction d’autoroute pour une mission du 5 au 23 septembre 2005 en qualité de soudeur.

Sa période d'essai est fixée à 2 jours.

Le 9 septembre 2005 il est victime d'un accident mortel sur son lieu de travail.

Ses ayants droit saisissent la juridiction de sécurité sociale aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, compte tenu du fait que l’accident mortel s’est produit alors que la visite médicale d’embauche n’avait pas été effectuée, contrairement aux obligations légales. 

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute les ayants droit de leur demande. 

La Cour de cassation, dans son arrêt du 14 mars 2013, n’est pas du même avis.

Les juges rappellent les obligations de l’employeur en matière de visite médicale, celle-ci devant avoir été réalisée avant l’expiration de la période d’essai.

Ils rappellent également que les ETT sont soumises aux mêmes obligations.

Il en découle que la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, dans toutes ses dispositions, et renvoie les deux parties devant une nouvelle cour d’appel. 

Extrait de l’arrêt : 

Vu les articles 1147 du code civil, L. 452-2 du code de la sécurité sociale, R. 4624-10 et D. 4625-1 du code du travail ;  
Attendu qu'il résulte du troisième de ces textes que l'employeur est tenu de soumettre ses salariés à une visite médicale avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai ; qu'en application du quatrième, les entreprises de travail temporaire sont soumises aux mêmes obligations ; 
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié intérimaire de la société M… (la société), a été mis à la disposition de la Société de construction de l'autoroute de … pour une mission du 5 au 23 septembre 2005 en qualité de soudeur, la période d'essai étant fixée à deux jours ; que le 9 septembre 2005 il a été victime d'un accident mortel sur son lieu de travail ; 
Attendu que ses ayants droit ont saisi la juridiction de sécurité sociale aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur ; 
Attendu que pour rejeter leur demande, l'arrêt retient que l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur devait être écartée dans la mesure où les consorts X... n'apportaient pas la preuve de ce que la société avait ou aurait du avoir conscience du danger encouru par son salarié et n'avait pas pris les mesures pour l'en préserver, tout en constatant qu'il était avéré que la société n'avait pas, comme elle y était obligée par l'article R. 4624-10 du code du travail, effectué l'examen médical d'embauche de l'intéressé dans le délai de deux jours prévu pour la période d'essai ; 
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;(…) 
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-27989

Avant d’évoquer les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, rappelons quelques principes fondamentaux concernant la visite médicale d’embauche. 

La visite médicale… au bon moment ! 

Avant l’embauche

Elle concerne tous les salariés qui bénéficient d’une surveillance médicale renforcée, à savoir les catégories suivantes : 

  • Certains salariés soumis à des risques toxiques ;
  • Travailleurs handicapés ; 
  • Femmes enceintes ; 
  • Salarié de moins de 18 ans ; 
  • Les mères 6 mois après l’accouchement.  

Article R4624-10

Modifié par Décret n°2012-135 du 30 janvier 2012 - art. 1  

Le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.  

Les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée en application des dispositions de l'article R. 4624-18 ainsi que ceux qui exercent l'une des fonctions mentionnées à l'article L. 6511-1 du code des transports bénéficient de cet examen avant leur embauche. 

Avant expiration de la période d’essai 

Dans les autres cas, la visite médicale doit avoir lieu avant l’expiration de la période d’essai. 

Article R4624-10

Modifié par Décret n°2012-135 du 30 janvier 2012 - art. 1  

Le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail. 

Les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée en application des dispositions de l'article R. 4624-18 ainsi que ceux qui exercent l'une des fonctions mentionnées à l'article L. 6511-1 du code des transports bénéficient de cet examen avant leur embauche. 

Signalons qu’à compter du 1er juillet 2012, la liste des salariés bénéficiant d’une surveillance médicale renforcée est modifiée. 

Liste salariés bénéficiant d’une surveillance médicale renforcée (depuis le 1er juillet 2012) : 

Extrait du décret du 30/01/2012 précisant les salariés bénéficiant d’une surveillance médicale renforcée: 

« Art. R. 4624-18. − Bénéficient d’une surveillance médicale renforcée : 

« 1o Les travailleurs âgés de moins de dix-huit ans ; 

« 2o Les femmes enceintes ; 

« 3o Les salariés exposés : « a) A l’amiante ; « b) Aux rayonnements ionisants ; « c) Au plomb dans les conditions prévues à l’article R. 4412-160 ; 

« d) Au risque hyperbare ; « e) Au bruit dans les conditions prévues au 2o de l’article R. 4434-7 ; « f) Aux vibrations dans les conditions prévues à l’article R. 4443-2 ; « g) Aux agents biologiques des groupes 3 et 4 ; « h) Aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégories 1 et 2 ; 

« 4o Les travailleurs handicapés. 

Décret no 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l’organisation de la médecine du travail, JO 31/01/2012

Le temps consacré à la visite médicale

Cela constitue du temps de travail effectif qui doit dans tous les cas être rémunéré. 

De plus, les frais de transports engagés par le salarié sont intégralement pris en charge. 

Article R4624-28

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Le temps nécessité par les examens médicaux, y compris les examens complémentaires, est soit pris sur les heures de travail des salariés sans qu'aucune retenue de salaire puisse être opérée, soit rémunéré comme temps de travail normal lorsque ces examens ne peuvent avoir lieu pendant les heures de travail.
Le temps et les frais de transport nécessités par ces examens sont pris en charge par l'employeur.

Avis d’aptitude ou d’inaptitude 

La visite médicale d’embauche a pour objectif de reconnaître au salarié : 

  • Son aptitude à remplir les fonctions du poste pour lequel il a été recruté ; 
  • La nécessité d’adapter le poste ou affecter le salarié à d’autres postes ; 
  • Son inaptitude au poste proposé, l’embauche pourra alors être remise en cause si la visite médicale est réalisée avant l’embauche et dans le cas contraire la rupture de la période d’essai. 

Article R4624-11

Modifié par Décret n°2012-135 du 30 janvier 2012 - art. 1  

L'examen médical d'embauche a pour finalité :  

1° De s'assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l'employeur envisage de l'affecter ;  

2° De proposer éventuellement les adaptations du poste ou l'affectation à d'autres postes ;  

3° De rechercher si le salarié n'est pas atteint d'une affection dangereuse pour les autres travailleurs ;  

4° D'informer le salarié sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire ;  

5° De sensibiliser le salarié sur les moyens de prévention à mettre en œuvre. 

Décret no 2012-135 du 30 janvier 2012 relatif à l’organisation de la médecine du travail, JO 31/01/2012

Dispositions identiques aux Entreprises de Travail Temporaire 

L’article D4625-1 du code du travail confirme que les dispositions et obligations s’appliquent de la même façon aux ETT (Entreprises de Travail Temporaire). 

Article D4625-1

Modifié par Décret n°2012-135 du 30 janvier 2012 - art. 1  

Modifié par Décret n°2012-137 du 30 janvier 2012 - art. 1  

Les dispositions des chapitres Ier à IV sont applicables à la surveillance médicale des salariés temporaires, sous réserve des modalités particulières prévues par le présent chapitre.  

Reconnaissance faute inexcusable de l’employeur 

Les juges de la Cour de cassation ne sont pas d’accord avec la cour d’appel sur ce point. 

La cour d’appel avait débouté les ayants droit, retenant que l’existence d'une faute inexcusable de l'employeur devait être écartée dans la mesure où les consorts X... n'apportaient pas la preuve de ce que la société avait ou aurait du avoir conscience du danger encouru par son salarié et n'avait pas pris les mesures pour l'en préserver, tout en constatant qu'il était avéré que la société n'avait pas, comme elle y était obligée par l'article R. 4624-10 du code du travail, effectué l'examen médical d'embauche de l'intéressé dans le délai de deux jours prévu pour la période d'essai. 

La Cour de cassation considère en l’espèce que la cour d’appel viole les textes légaux, notamment les articles R. 4624-10 et D. 4625-1 du code du travail précités. 

Extrait de l’arrêt : 

Attendu que pour rejeter leur demande, l'arrêt retient que l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur devait être écartée dans la mesure où les consorts X... n'apportaient pas la preuve de ce que la société avait ou aurait du avoir conscience du danger encouru par son salarié et n'avait pas pris les mesures pour l'en préserver, tout en constatant qu'il était avéré que la société n'avait pas, comme elle y était obligée par l'article R. 4624-10 du code du travail, effectué l'examen médical d'embauche de l'intéressé dans le délai de deux jours prévu pour la période d'essai ; 
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;(…)

Reconnaissance de la faute inexcusable et conséquence 

En application de l’article L 452-2 du Code de la sécurité sociale, les ayants droit reçoivent une majoration des indemnités dues, en cas de reconnaissance de la FI (Faute Inexcusable) de l’employeur. 

Dans le cas présent d’accident mortel, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel. 

Point important, la majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret. 

Article L452-2

Modifié par LOI n°2012-1404 du 17 décembre 2012 - art. 86 (V)  

Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.  

Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.  

Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.  

En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel ; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement ; dans le cas où le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit.  

Le salaire annuel et la majoration visée au troisième et au quatrième alinéa du présent article sont soumis à la revalorisation prévue pour les rentes par l'article L. 434-17.  

La majoration est payée par la caisse, qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret. 

NOTA:  

Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 article 86 II : Les dispositions sont applicables au titre des majorations de rente et d'indemnités en capital ayant pris effet à compter du 1er avril 2013.

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