Quand un chiffre d’affaires et des bénéfices en baisse ne permettent pas un licenciement économique !

Jurisprudence
Indemnité de licenciement

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Cet article a été publié il y a 11 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Une salariée est engagée le 14/02/1989 en qualité de clerc de notaire. 

Elle est licenciée pour motif économique le 14/04/2009. 

Elle décide de saisir la juridiction prud’homale afin que son licenciement soit considéré comme prononcé sans cause réelle et sérieuse.

Dans un premier temps, la cour d’appel déboute la salariée de sa demande. 

Les juges relèvent :

  • Une baisse de produits de 17,60% ;
  • Une diminution de résultats de 46,30%.

Extrait de l’arrêt :

Attendu que pour rejeter les demandes de la salariée, l'arrêt retient qu'il ressort des pièces versées aux débats (bilan et comptes de résultat de l'exercice 2008) que l'étude a eu en 2008 une baisse de produits de 17, 6 % et une baisse de résultats de 46, 3 % ; que l'enregistrement en comptabilité de l'acte passé le 27 décembre 2008 qui a rapporté des honoraires de 52 174 euros est sans incidence sur la réalité des difficultés économiques ainsi établies dès lors qu'elle se traduirait en 2008 par une baisse du chiffre d'affaires de 13, 2 % par rapport à 2007 au lieu de 17, 6 %, soit une baisse importante sur une année entière, et qu'enfin les tableaux comparatifs des produits et nombres d'actes font apparaître de 2007 à 2008 une baisse supérieure à 12 % du nombre des dossiers traités ;

Mais les juges de la Cour de cassation ne sont pas du même avis. 

Ils considèrent que la réalisation d’un chiffre d’affaires moindre et une baisse des bénéfices ne suffisent pas à établir la réalité de difficultés économiques permettant la rupture économique du contrat de travail de la salariée en question.

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que ni la réalisation d'un chiffre d'affaires moindre, ni la baisse des bénéfices, ne suffisent à établir la réalité de difficultés économiques, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Cour de cassation du , pourvoi n°11-18480

Cette affaire nous permet de constater que justifier la réalité économique d’un licenciement peut parfois être délicat. 

Rappelons quelques notions importantes concernant le licenciement économique.

Le salarié… n’y est pour rien !

Le licenciement pour motif économique n’a rien à voir avec la personne en tant que telle du salarié pour lequel on envisage un licenciement.

Article L1233-3 :

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié(…)

Il s’agit du poste occupé par le salarié et non le salarié lui-même.  

Origine : les difficultés économiques ou mutations technologiques

Ce sont des difficultés économiques ou des mutations technologiques qui motivent le licenciement dans ce cas précis.

Il est important d’avoir à l’esprit que 3 critères doivent être respectés cumulativement :

  • Licenciement non-inhérent à la personne du salarié ;
  • Licenciement résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification contrat de travail refusée par le salarié ;
  • Licenciement consécutif notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. 

Article L1233-1 :

Les dispositions du présent chapitre sont applicables dans les entreprises et établissements privés de toute nature ainsi que, sauf dispositions particulières, dans les entreprises publiques et les établissements publics industriels et commerciaux.

Article L1233-3 : 

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa.

Article L1233-4 : 

Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Précisions sur les motifs invoqués

Les difficultés économiques s’apprécient

  • Au niveau de l’entreprise lorsque celle-ci ne fait pas partie d’un groupe ;
  • Au regard du secteur d’activité lorsque l’entreprise fait partie d’un groupe.

Les difficultés économiques doivent, en principe, exister à la date de la rupture du contrat de travail, soit la date de notification du licenciement. 

Arrêt de la Cour de cassation du 26/02/1992 n° 90-41247

Arrêt de la Cour de cassation du 17/10/2006 n° 04-44948

Arrêt de la Cour de cassation du 26/09/2006 n° 05-43841

Les réorganisations et restructurations

Les juges insistent régulièrement sur le fait qu’une réorganisation ne justifie à juste titre un licenciement économique que dans la mesure où elle est indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise (ou du secteur d’activité d’un groupe).

A ce sujet, une affaire récemment abordée par la Cour de cassation le confirme, vous pouvez retrouver l’arrêt commenté en cliquant ici. 

Il est important néanmoins d’avoir à l’esprit qu’une réorganisation qui anticipe sur des difficultés économiques est susceptible de justifier un licenciement économique.

Arrêt de la Cour de cassation du 11/01/2006 n° 04-46201 (jurisprudences « pages jaunes »)

Cessation d’activité

Il s’agit d’une cause légitime de licenciement économique lorsqu’elle est : 

  • Définitive ;
  • Qu’elle n’a pas pour origine une faute de l’employeur.

Suppression d’emploi

Il y a suppression d’emploi lorsque le salarié n’est pas remplacé après son départ de l’entreprise.

Modification du contrat de travail

Nous sommes alors dans le cas d’une modification du contrat de travail consécutive à des : 

  • Difficultés économiques ;
  • Mutations technologiques ;
  • Réorganisation de l’entreprise nécessaire à sa compétitivité.

Transformation de l’emploi

Cela implique une modification radicale du contenu de l’emploi (par exemple l’informatisation de l’entreprise ou d’un de ses services, la prise en charge d’un nouveau secteur d’activité, etc.)

Licenciement économique non reconnu  = licenciement sans cause réelle et sérieuse !

Lorsque le motif économique n’est pas reconnu, comme dans cette affaire, le licenciement est alors considéré comme ayant été prononcé sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences.

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