Un licenciement pour des… boucles d’oreille est discriminatoire !

Jurisprudence
Licenciement

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Cet article a été publié il y a 12 ans, il est donc possible qu'il ne soit plus à jour.

Un salarié est engagé le 1/08/2002 en contrat d’apprentissage par une société qui exploite un restaurant.

Par la suite, le salarié est engagé en CDI, en qualité de chef de rang.

Le salarié est licencié le 29/05/2007 pour avoir refusé d'ôter pendant le service les boucles d'oreilles qu'il portait depuis le 14 avril précédent.

Considérant son licenciement discriminatoire, le salarié saisit  la juridiction prud'homale pour contester la licéité de son licenciement.

La Cour d’appel donne raison au salarié, considérant qu’il y a bel et bien traitement discriminatoire en l’espèce.

Extrait du jugement de la Cour d’appel :

la cour d'appel a relevé que le licenciement avait été prononcé au motif, énoncé dans la lettre de licenciement que "votre statut au service de la clientèle ne nous permettait pas de tolérer le port de boucles d'oreilles sur l'homme que vous êtes", ce dont il résultait qu'il avait pour cause l'apparence physique du salarié rapportée à son sexe

Mais l’employeur insiste et se pourvoit en cassation.

Les juges de la Cour de cassation confirment le jugement de la Cour d’appel et rejettent le pourvoi.

Extrait du jugement de la Cour de cassation :

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du , pourvoi n°10-28213

Dans cette affaire, le restaurateur invoquait le fait que son salarié occupait un poste de responsabilité, chef de rang, donc en contact direct avec la clientèle.

Il soulignait d’autre part que le restaurant en question était réputé et recevait une clientèle de marque.

Il pouvait donc être légitimement exigé que la tenue du salarié soit sobre, ce que le port de boucles d’oreille ne permettait pas.

Extrait du jugement :

qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que son restaurant gastronomique recevait une clientèle attirée par sa réputation de marque, laquelle impose une tenue sobre du personnel en salle ; que le salarié, serveur dans ce restaurant, était au contact direct de cette clientèle et qu'ainsi le port de boucles d'oreilles pendant la durée du service était incompatible avec ses fonctions et ses conditions de travail

Un employeur peut être tout à fait en droit d’exiger une tenue correcte de son salarié.

Mais l’erreur commise dans cette affaire repose sur les termes employés dans la lettre de licenciement qui indiquait :

Extrait du jugement :

"votre statut au service de la clientèle ne nous permettait pas de tolérer le port de boucles d'oreilles sur l'homme que vous êtes",

Pour les juges de la Cour de cassation, la rupture du contrat de travail reposait sur

Extrait du jugement :

ce dont il résultait qu'il avait pour cause l'apparence physique du salarié rapportée à son sexe ; qu'ayant constaté que l'employeur ne justifiait pas sa décision de lui imposer d'enlever ses boucles d'oreilles par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, elle a pu en déduire que le licenciement reposait sur un motif discriminatoire

Pour les juges de la Cour de cassation, les termes de l’article L 1121-1  et de l’article L 1132-1 n’étaient pas respectées dans la rupture du contrat de travail.

Article L1121-1

Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Article L1132-1

Modifié par LOI n°2008-496 du 27 mai 2008 - art. 6

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Il serait hasardeux de considérer qu’un employeur qui demande à son salarié d’ôter ses boucles d’oreille soit en train de procéder à un traitement discriminatoire.

Encore devrait-on invoquer plutôt des raisons liées à la sécurité ou d’hygiène, avec plus de danger en invoquant un lien avec une « clientèle de marque ».

Ce qui est certain, c’est que rapprocher le port de boucles d’oreille avec le fait que le salarié soit un homme est à la fois interdit et discriminatoire.

Le licenciement est donc considéré comme nul dans cette affaire.

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