Le licenciement fondé sur l'exercice de la liberté de religion est discriminatoire

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Le licenciement fondé sur l'exercice de la liberté de religion est discriminatoire.

Le licenciement fondé sur l'exercice de la liberté de religion est discriminatoire
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Il résulte de la combinaison des articles L 1121-1 et L 1321-3 du code du travail que les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Dans son célèbre arrêt Baby-loup rendu à propos d’une directrice adjointe de crèche licenciée pour avoir refusé de quitter son voile islamique, l’assemblée plénière de la Cour de cassation avait jugé pour la première fois que la restriction à la liberté de manifester sa religion édictée par le règlement intérieur de l’association ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l'association et proportionnée au but recherché (Cass. Ass. Plén., 25 juin 2014, n° 13-28.369).

La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a ensuite introduit un nouvel article L 1321-2-1 dans le code du travail qui précise que le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.

S’appuyant sur la jurisprudence européenne (CJUE, 14 mars 2017, C-157/15), la Cour de cassation considère que l'employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l'ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une note de service, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n'est appliquée qu'aux salariés se trouvant en contact avec les clients.

Elle exige cependant, qu'en présence du refus d'une salariée de se conformer à une telle clause dans l'exercice de ses activités professionnelles auprès des clients de l'entreprise, l'employeur recherche si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement (Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 13-19.855).

Les articles L 1132-1 et L 1132-4 du code du travail interdisent le licenciement d'un salarié en raison, notamment de ses convictions religieuses ou de son apparence physique, sous peine de voir le licenciement déclaré nul.

Le licenciement d'une salariée en raison de son refus de retirer son foulard islamique lorsqu'elle était en contact avec la clientèle, est ainsi discriminatoire et donc nul (Cass. soc., 14 avril 2021, n° 19-24.079).

Il en est de même du licenciement d'un salarié fondé sur le refus de tailler sa barbe pour des raisons religieuses (Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-23.743).

La Cour de cassation vient de rappeler ce principe dans un arrêt du 10 septembre 2025.

Dans cette affaire, une salariée, agent de service d'une association de protection de l'enfance, avait été licenciée pour faute simple pour avoir remis une bible à une mineure prise en charge par l’association à qui elle avait rendu visite à l’hôpital.

Cette visite s'était déroulée en dehors du temps, du lieu de travail et des fonctions professionnelles de la salariée.

Par le passé, son employeur l’avait déjà sanctionnée en prononçant un avertissement, puis une mise à pied de trois jours notamment pour avoir remis des bibles à des jeunes mineures résidentes.

La Cour d'appel ayant validé son licenciement, la salariée s'est pourvue en cassation en invoquant la nullité du licenciement comme discriminatoire puisque fondé sur l'exercice de ses libertés d'expression et religieuse.

La Cour de cassation casse l'arrêt après avoir rappelé que les discriminations en raison des convictions religieuses sont interdites et que tout acte contraire est nul.

Elle relève que les faits étaient intervenus en dehors du temps et du lieu du travail de la salariée, et qu'ils ne relevaient pas de l'exercice de ses fonctions professionnelles.

Elle juge donc que le licenciement disciplinaire prononcé en raison de faits relevant, dans la vie personnelle de la salariée, de l'exercice de sa liberté de religion était discriminatoire et par là, nul.

 Cass. soc., 10 septembre 2025, n° 23-22.722

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