Tarification AT/MP des entreprises nouvelles : La question du gel des effets de seuil

Jurisprudence
Paie Tarification accident du travail

La Cour de cassation s'est prononcé sur l'application du dispositif de gel des effets de seuils concernant la tarification AT/MP pour les entreprises nouvelles. Est-elle applicable ?

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Contexte de l'affaire

Une entreprise créée en 2018 comptait, dès son lancement, un effectif compris entre 20 et 149 salariés, ce qui correspond normalement à une tarification AT/MP mixte. Malgré cela, elle a bénéficié, comme tout établissement nouvellement créé, d’un taux net collectif pour 2018, 2019 et 2020. La CARSAT a maintenu ce taux en 2021, avant d’appliquer un taux mixte à compter de 2022. L’entreprise a contesté ce changement devant la cour d’appel d’Amiens, en soutenant que le dispositif de gel des effets de seuil issu de la loi PACTE lui permettait de conserver le taux collectif jusqu’en 2025. La cour d’appel l’a déboutée, considérant que la CARSAT pouvait appliquer le taux correspondant à l’effectif réel dès la quatrième année. L’entreprise a formé un pourvoi.

Réponse de la Cour

5. Selon l'article D. 242-6-17 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2010-753 du 5 juillet 2010, les taux nets collectifs sont applicables aux établissements nouvellement créés durant l'année de leur création et les deux années civiles suivantes, quel que soit leur effectif ou celui de l'entreprise dont ils relèvent. A l'expiration de ce délai, les taux nets collectif, mixte ou individuel sont applicables à ces établissements en fonction de leur effectif ou de l'effectif de l'entreprise dont ils relèvent. Pour les taux individuel ou mixte, il est tenu compte des résultats propres à ces établissements et afférents aux années civiles, complètes ou non, écoulées depuis leur création.

6. Selon l'article L. 130-1, II, du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 et en vigueur depuis le 1er janvier 2020, le franchissement à la hausse d'un seuil d'effectif salarié est pris en compte lorsque ce seuil a été atteint ou dépassé pendant cinq années civiles consécutives. Le franchissement à la baisse d'un seuil d'effectif sur une année civile a pour effet de faire à nouveau courir la règle énoncée au premier alinéa de ce texte.

7. Le premier effectif calculé en vue de déterminer le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles applicable à une entreprise nouvellement créée ayant bénéficié durant trois années au moins d'un taux collectif décorrélé de son effectif réel ne constitue pas un franchissement de seuil de l'article L. 130-1, II, du code de la sécurité sociale.

8. Il s'ensuit que l'exigence d'un seuil atteint ou dépassé durant cinq années civiles consécutives posée par ce dernier texte n'est pas applicable à la détermination du taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles prévue par l'article D. 242-6-17.

9. Ayant constaté que la cotisante avait atteint, dès sa création, le seuil d'effectifs correspondant au taux mixte et que le maintien du taux collectif en 2021 trouvait son origine dans une erreur de la caisse, l'arrêt retient que cette dernière a, à juste titre, cessé d'appliquer le taux collectif pour appliquer le taux mixte.

10. De ces constatations, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les termes du litige, a exactement décidé que la caisse pouvait, à compter de l'année 2022, appliquer à la cotisante un taux de cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles correspondant à son effectif réel, sans attendre que le franchissement de seuil soit confirmé durant cinq années civiles consécutives suivant la période de trois ans.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Cour de cassation du , pourvoi n°23-13.910

Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation confirme l’analyse des juges du fond. Elle rappelle que les établissements nouvellement créés bénéficient d’un taux collectif durant les trois premières années, indépendamment de leur effectif réel. Mais, passé ce délai, le taux doit être déterminé selon l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement. Le premier effectif calculé après ces trois années n’est pas considéré comme un franchissement de seuil au sens du dispositif PACTE. Par conséquent, le mécanisme de gel pendant 5 ans ne s’applique pas dans ce contexte. La CARSAT était donc fondée à appliquer un taux mixte dès 2022. Le pourvoi est rejeté.

Impact en paie

Pour les gestionnaires de paie et responsables RH, cet arrêt apporte une précision importante : pour les entreprises nouvellement créées, la tarification collective ne peut être prolongée au-delà des trois premières années par le jeu du gel des effets de seuil. Dès la quatrième année, il faut appliquer le mode de tarification correspondant à l’effectif réel (collectif, mixte ou individuel). Il est donc important de bien anticiper le passage en régime "réel" (collectif, mixte ou individuel) en fonction de l'effectif N-2 pour les entreprises nouvellement créées.