Pouvoir disciplinaire de l'employeur et individualisation des sanctions

Jurisprudence
Droit du travail Sanctions

L’individualisation des sanctions disciplinaires pour une même faute ne constitue pas en soi une discrimination

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Contexte de l'affaire

Une salariée, travailleuse familiale, est licenciée pour faute grave. Il lui est reproché d’avoir tardé à signaler des suspicions d’abus sexuels sur mineurs dans une famille qu’elle suivait et qui avaient été portées à sa connaissance. Deux autres salariées, elles aussi informées de la situation, ont également été sanctionnées, l’une d’un licenciement pour faute grave, l’autre d’un avertissement.

La salariée conteste son licenciement pour faute grave, estimant avoir été victime de discrimination dans la sanction qui lui a été appliquée.

La Cour d'appel déboute la salariée de sa demande. Celle-ci se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation approuve la décision d’appel qui a constaté, à propos des deux autres salariées, que l’une a également été licenciée pour faute grave en raison du caractère tardif de sa révélation à sa hiérarchie de suspicions d’abus sexuels sur mineurs connus par elle alors qu’elle avait suivi cette famille durant toute la période, et que l’autre, qui a fait l’objet d’un avertissement pour la même faute, qu’elle n’avait suivi cette famille quelques mois et n’avait pas été informée de l’existence de nouveaux éléments alarmants par la suite.

En l’espèce, l’individualisation des sanctions disciplinaires est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ou détournement de pouvoir.

Cour de cassation du , pourvoi n°23-22.456

Les questions soulevées par l’arrêt

  1. L’employeur peut-il sanctionner des salariés différemment pour un même fait fautif ?
  1. Comment peut-il justifier cette différence de traitement ?

Les points clé de la décision de la Cour

  • Le principe d’individualisation des sanctions disciplinaires

Dans cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme le principe d’individualisation des sanctions disciplinaires, c’est à dire la possibilité pour l’employeur de sanctionner différemment des salariés pour un même fait fautif.

La Cour confirme également que cette faculté de l’employeur ne constitue pas en soi une discrimination au sens de la loi, c’est-à-dire de l’article L1132-1 du Code du travail qui interdit toute sanction fondée sur les mœurs, la situation de famille, les opinions politiques ou l’appartenance syndicale.

Cette prérogative s’inscrit dans le cadre de son pouvoir disciplinaire. Elle doit s’exercer dans l’intérêt de l’entreprise, ce qui impose à l’employeur de ne pas fonder cette différenciation sur des considérations personnelles à l’égard des salariés telles que l’animosité ou la vengeance par exemple.

La jurisprudence veille strictement au respect de ces prohibitions et exige que les différences de traitement reposent sur des éléments objectifs et légitimes.

  • Les différences de traitement doivent reposer sur des éléments objectifs et légitimes

 Dans cet arrêt, la Cour de cassation a relevé des éléments factuels objectifs et distincts pour valider la différence de traitement entre les trois salariés.  Elle a tenu compte du temps de suivi de la famille effectuée par chaque salariée et de leur degré d’implication dans les faits reprochés : la salariée la moins sanctionnée n’avait suivi la famille que quelques mois avant les nouveaux signalements d’abus sur mineurs.

L’employeur pourrait également, pour différencier les salariés, prendre en compte des éléments tels que l’ancienneté des salariés, leurs fonctions ou leurs responsabilités ou encore leurs comportements respectifs lors de la commission des faits fautifs 

Impact pour l’employeur

Le pouvoir de l’employeur d’individualisation de la sanction, bien que large, n’est pas absolu. Il doit respecter les droits fondamentaux des salariés ainsi que les interdits légaux que sont les discriminations, l’arbitraire ou le détournement de pouvoir.

Références légales et jurisprudence

  • l’article L1132-1 du Code du travail
  • La chambre sociale de la Cour de cassation reconnaît de longue date à l’employeur un large pouvoir d’individualisation des sanctions disciplinaires et la réaffirme, dans cette décision, selon une jurisprudence constante.