Contexte de l'affaire
Dans cette affaire jugée le 25 septembre 2025 (Cass. 2e civ., n° 23-14.789 F-B), la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) était opposé à une entreprise. La CARSAT avait initialement adressé à l'employeur une injonction de réaliser certaines mesures de prévention en matière de sécurité. Face à une réalisation jugée partielle de ces mesures, la Caisse avait appliqué une majoration de 25 % sur le taux de cotisation AT/MP de la société.
L'entreprise avait contesté cette majoration devant la juridiction de la tarification, qui lui avait donné partiellement raison en réduisant le taux de majoration à 20 %. C'est contre cette réduction que la CARSAT s'est pourvue en cassation.
Extrait de l'Arrêt du 25 septembre 2025 n° 878 F-B
"[...] Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-7 du code de la sécurité sociale et 8 de l'arrêté du 9 décembre 2010 :
4. Selon le premier de ces textes, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail peut imposer des cotisations supplémentaires, dans les conditions fixées par arrêté interministériel, pour tenir compte des risques exceptionnels présentés par l'exploitation résultant de l'inobservation des mesures de prévention prescrites en application des articles L. 422-1 et L. 422-4 du code de la sécurité sociale.
5. Selon le second, la cotisation supplémentaire est au moins égale à 25% de la cotisation normale.
6. Il en résulte qu'en cas de réalisation partielle des mesures de prévention prescrites par la caisse, la juridiction ne peut réduire le montant de la cotisation supplémentaire imposée à la société en deçà du taux minimum mentionné à l'article 8 de l'arrêté du 9 décembre 2010 auquel renvoie l'article L. 242-7 du code de la sécurité sociale.
7. Pour limiter à 20% la majoration des cotisations d'accidents du travail et de maladies professionnelles imposée à la société, l'arrêt retient qu'il convient de tenir compte des efforts indiscutables quoique insuffisants réalisés par la société et de la réduction des risques qu'ils ont permis pour une partie du personnel concerné par l'injonction.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4 à 6 que la demande de la société tendant à la diminution du taux appliqué pour la majoration de ses cotisations d'accident du travail et maladies professionnelles doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il réduit à 20% la majoration des cotisations d'accident du travail et de maladies professionnelles imposées à la société [3], l'arrêt rendu le 17 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE la demande de la société tendant à la diminution du taux appliqué pour la majoration de ses cotisations d'accident du travail et maladies professionnelles ;|...]"
Décision de la Cour
La Cour de cassation casse l'arrêt de la cour d'appel, jugeant qu'elle a violé l'article L. 242-7 du Code de la sécurité sociale.
La Cour rappelle que la loi fixe un taux minimal de majoration pour les cotisations supplémentaires imposées en cas de non-respect d'une injonction de prévention.
L’article 8 de l’arrêté du 9 décembre 2010 prévoit que cette cotisation ne peut être inférieure à 25 % de la cotisation normale. La Cour en déduit que, même lorsque les mesures de prévention ont été partiellement exécutées, la juridiction saisie ne peut ramener le taux en deçà de ce minimum légal. La décision d’appel, qui avait fixé le taux à 20 %, est donc censurée.
Dès lors que l'organisme social est fondé à appliquer une cotisation supplémentaire, le juge du contentieux de la tarification n'a pas le pouvoir de fixer cette majoration à un taux inférieur à 25 % de la cotisation normale.
Le taux de 25 % est donc considéré comme un seuil plancher obligatoire en cas de manquement.
Impact en Paie
La cotisation supplémentaire imposée par la Carsat en cas de manquement aux obligations de prévention ne pourra jamais descendre sous le plancher de 25 %. Cela signifie que, dans la gestion des contentieux ou dans les provisions comptables liées aux cotisations AT/MP, il faut intégrer cette contrainte de calcul.
Les logiciels de paie et de gestion sociale doivent être paramétrés de manière à intégrer ce seuil minimal et à empêcher toute régularisation en dessous de ce taux.
Cette décision incite également les entreprises à appliquer intégralement les mesures de prévention prescrites par la Carsat, puisque l’exécution partielle ne suffira pas à obtenir une réduction substantielle.