Contexte de l'affaire
Une société licencie un salarié pour insuffisance professionnelle après cinq ans d’ancienneté. L’employeur lui reproche des objectifs quantitatifs non atteints et une performance insuffisante, malgré des alertes et des mises en garde.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande de paiement de dommages et intérêts pour licenciement injustifié.
La Cour d’appel donne raison à l’employeur et déboute le salarié de sa demande malgré le fait que ce dernier invoquait l’absence de formation adaptée, d’accompagnement professionnel et de plan de retour à la performance.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel favorable à l’employeur, et reproche à la cour d’appel de ne pas avoir pris en compte les arguments du salarié et vérifié l’existence d’un accompagnement effectif du salarié. En effet, l’employeur doit démontrer avoir accompagné le salarié avant de rompre son contrat. En l’espèce, l’employeur ne prouvait pas avoir procédé à des formations ou à des tutorats pour aider le salarié dans la bonne continuation de la marche des affaires et il n’apparaissait aucun plan de retour à la performance ni accompagnement. Or, sans preuve d’un accompagnement effectif, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Les questions soulevées par l’arrêt
- Quelles sont les conditions de validité du licendiement pour insuffisance professionnelle?
- Quelle est la responsabilité de l'employeur dans l'insuffisance professionnelle?
- L'employeur peut-il licencier pour insuffisance professionnelle s'il ne prouve pas avoir rempli son obligation de formation continue auprès du salarié?
Les points clés de la décision de la Cour de cassation
1. L’insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement non disciplinaire soumis à des exigences strictes de preuve et de procédure.
Pour justifier et valider un licenciement pour insuffisance professionnelle, l'employeur doit :
- Se baser sur des faits objectifs, vérifiables, précis et imputables au salarié.
- Respecter les règles de conditions de travail du salarié : les tâches demandées doivent correspondre à ce pourquoi il a été engagé.
- Adapter les conditions de travail du salarié aux évolutions du poste.
A ce titre, l’arrêt rappelle que l’employeur doit, avant de rompre son contrat, démontrer avoir accompagné le salarié par une formation adaptée ou un plan de retour à la performance
Sans preuve d’un accompagnement effectif, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- Avoir informé le salarié de ses erreurs ou incompétences pour qu’il puisse réagir
-
La responsabilité de l'employeur est systématiquement vérifiée dans le cadre d'un licenciement pour insuffisance professionnelle.
En effet, en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle, l’employeur doit prendre en compte sa propre responsabilité, c’est-à-dire de s’assurer par exemple :
- Qu’il a embauché un salarié aux compétences professionnelles suffisantes
- Que la charge de travail du salarié est raisonnable
- et surtout qu’il a bien rempli son obligation légale de formation professionnelle énoncé à l’article L.6321-1 du code du travail.
A ce titre, Les juges contrôleront que des actions de formations ont régulièrement été mises en place pour adapter le salarié aux évolutions de son poste de travail.
A défaut, s’il apparait que les erreurs du salarié sont directement imputables à un manque de formation, le licenciement pour insuffisance professionnelle sera réputé injustifié et dépourvu de cause réelle et sérieuse comme dans notre arrêt du 9 juillet 2025.
Impact pour l’employeur
Le motif d’insuffisance professionnelle invoqué par l’employeur et sa démarche de licenciement doivent être cohérents et seront contrôlés par les juges : il sera, en effet, difficile pour l’employeur de relever une insuffisance professionnelle si les entretiens d’évaluation ne mentionnent pas des problèmes ou si, ayant connaissance d’une faiblesse du salarié, l’employeur décide de le confirmer à son poste après une période d’essai par exemple.
Références légales
- Code du travail
- Article L.6321-1: L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
- Jurisprudence
Il est de jurisprudence constante que l'employeur doit pouvoir prouver qu'il a assuré un suivi professionnel du salarié et qu'il s'est acquitté, à son égard, de son obligation de formation avant de le licencier pour insuffisance professionnelle. A défaut , le licenciement sera considéré par les juges comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.