Contexte de l'affaire
Un salarié signe une convention de rupture conventionnelle, avec une date de fin de contrat prévue en juin 2018.
En avril 2018, l’employeur licencie le salarié pour faute grave, en raison d’agissements de harcèlement sexuel dont il a eu connaissance postérieurement à l’homologation de la convention de rupture.
Le salarié conteste ce licenciement, affirmant que la rupture conventionnelle, une fois homologuée, devait produire tous ses effets et réclame son indemnité de rupture.
Débouté de sa demande par la Cour d’appel, le salarié se pourvoit en cassation. La Cour de cassation, précise qu’en cas de faute du salarié survenue après l’expiration du délai de rétractation, l’employeur conserve la faculté de procéder à un licenciement disciplinaire, y compris après l’homologation de la rupture conventionnelle.
Cependant, le licenciement ne prive pas le salarié du bénéfice de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Il a seulement pour effet, s’il est justifié, de mettre un terme au contrat de travail avant la date d’effet prévue par l’employeur et le salarié dans la convention de rupture.
Questions posées par l’arrêt de la Cour de cassation
- L’employeur peut-il licencier un salarié pour faute grave après la conclusion d’une rupture conventionnelle ?
- Si oui, dans quelles conditions et avec quels effets ?
- Le salarié a-t-il droit à l’indemnité spécifique de rupture ?
Les réponses apportées par la Cour
1. Dans cet arrêt, la Cour de cassation consacre le droit de l’employeur de licencier un salarié pour faute grave, après l’homologation de la rupture conventionnelle, et de rompre le contrat de travail avant la date effective de rupture, conformément au principe selon lequel la faute grave entraîne le départ immédiat du salarié sans préavis.
Cette possibilité reste toutefois encadrée par une condition stricte : les manquements reprochés doivent être survenus ou avoir été découverts par l’employeur entre la date d’expiration du délai de rétractation et la date de rupture effective prévue par la convention
2. L’apport majeur de cet arrêt réside dans l’affirmation par la Cour que la faute grave, découverte postérieurement à l'homologation, ne remet pas en question la validité du consentement donné lors de la signature de la convention et qu'elle ne prive pas le salarié de son droit à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.
Cette solution trouve son fondement dans la nature juridique de cette créance, qui naît de l’homologation de la convention, même si elle ne devient exigible qu’à la date fixée de rupture.
Le licenciement pour faute grave modifie donc seulement les modalités temporelles d’exécution de la rupture sans affecter les droits financiers du salarié découlant de la convention homologuée.
L’employeur doit donc verser au salarié le montant de l’indemnité spécifique prévu par la convention dès lors qu’elle a été valablement conclue et homologuée, selon la procédure légale, avant la date du licenciement.
Etat de la jurisprudence
La jurisprudence est constante en matière de créances nées après homologation d’une rupture conventionnelle : les évènements survenant après la date de l’homologation de la rupture conventionnelle sont sans incidence sur le droit à l’indemnité spécifique de rupture qui demeure acquise au salarié.
Cette décision confirme une décision de la Cour de cassation de 2022, qui avait jugé, à propos d’un salarié décédé après l’homologation de la rupture conventionnelle, que son indemnité de rupture conventionnelle était exigible et que ses ayants droit pouvaient prétendre au versement de cette indemnité.
Impacts pour l’employeur
1. D’une part, cette jurisprudence défend les intérêts de l’employeur, qui peut sanctionner une faute grave même découverte tardivement.
2. D’autre part, selon que le licenciement intervient avant l’expiration du délai d’homologation ou après cette date, il produira des effets différents:
Dans les deux cas, le contrat est rompu avant la date prévue par la convention de rupture et prive le salarié des salaires qu’il aurait pu percevoir jusqu’au terme du contrat convenu avec l’employeur.
Cependant, le salarié licencié pour faute grave après l’homologation de la rupture conventionnelle conserve son droit à l’indemnité spécifique de rupture, tandis que le salarié licencié avant cette homologation en sera privé.