Contexte de l'affaire
M. X, apprenti engagé par la société Horizon Pro le 16 septembre 2020 en qualité de contrat d'apprentissage Responsable marketing et commercial, voit son contrat d’apprentissage arriver à échéance un an plus tard, le 16 septembre 2021. Estimant ne pas avoir été rémunéré pour les mois d’août et septembre 2021, il saisit le conseil de prud’hommes de Creil.
Il réclame le paiement de :
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salaires dus pour août et septembre 2021 ;
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congés payés afférents ;
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dommages-intérêts pour préjudice subi ;
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ainsi que la remise de documents conformes (bulletins de paie, solde de tout compte, attestation Pôle emploi).
Le conseil de prud’hommes le déboute au motif qu’il n’avait pas produit les justificatifs d’indemnisation maladie de la CPAM, alors même qu’il avait été en arrêt du 11 juin au 31 juillet 2021. Pour la juridiction, sans ce document, il n’était pas possible d’évaluer la demande.
Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 juillet 2025, 24-16.533, Inédit
"Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :
5. Selon ce texte, le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun.
6. Pour débouter l'apprenti de sa demande de rappel de salaire pour les mois d'août et septembre 2021, le jugement relève que celui-ci a été placé en arrêt de travail à compter du 11 juin 2021 et retient qu'il aurait dû fournir le relevé des sommes versées à titre d'indemnités journalières par la caisse d'assurance maladie ou tout autre permettant au conseil de prud'hommes d'apprécier le caractère fondé de la demande et de déterminer si le nécessaire avait été fait par l'employeur pour assurer la mise en oeuvre de l'indemnisation par l'assurance maladie, ce document ne figurant pas parmi les pièces produites par l'apprenti.
7. En se déterminant ainsi, après avoir constaté que l'apprenti avait été placé en arrêt de travail pour maladie du 11 juin au 31 juillet 2021 et que le contrat de travail avait pris fin le 16septembre 2021, ce dont il résultait que l'apprenti n'était plus en arrêt maladie du 1er août 2021 jusqu'à la fin de son contrat, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif du jugement déboutant l'apprenti de ses demandes de rappel de salaire pour les mois d'août et de septembre 2021, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour le préjudice subi, entraîne la cassation des chefs de dispositif ordonnant la remise des bulletins de paie conformes au jugement et déboutant l'apprenti de sa demande de remise d'un reçu pour solde de tout compte et d'une attestation Pôle emploi conformes au jugement, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire."
Décision de la Cour
Dans son arrêt du 9 juillet 2025, la chambre sociale casse partiellement le jugement. Elle rappelle que :
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Le contrat de travail relève des règles de droit commun (article L. 1221-1 du Code du travail).
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Dès lors que l’arrêt de travail a pris fin le 31 juillet 2021, l’apprenti était réputé disponible pour travailler en août et septembre.
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Le refus de versement des salaires ne peut se fonder sur l’absence de justificatif CPAM, puisqu’aucun arrêt maladie ne couvrait cette période.
La Cour conclut que le conseil de prud’hommes a privé sa décision de base légale en exigeant une pièce sans pertinence pour la période litigieuse.
Elle renvoie donc l’affaire devant un autre conseil de prud’hommes pour réexamen (celui de Beauvais), en cassant également les dispositions relatives aux documents de fin de contrat.
Impact en paie
Rappel de salaires et congés payés afférents
La Cour de cassation confirme que l’apprenti est en droit de percevoir les salaires d’août et septembre 2021, période postérieure à son arrêt maladie ainsi que les congés payés afférents.
Inopposabilité d’un arrêt maladie expiré à une demande de salaire
Le cœur de l’arrêt repose sur ce principe : un arrêt maladie qui a pris fin ne peut justifier un refus de paiement du salaire sur les périodes suivantes. En l’espèce, le salarié n’était plus en arrêt à compter du 1er août 2021.
L’argument tiré de l’absence de justificatif CPAM devient donc inopérant.
Dès lors, en matière de paie, toute période postérieure à un arrêt doit être traitée comme du temps de travail rémunérable, à moins qu’une nouvelle suspension du contrat ne soit formellement établie (arrêt maladie, congé sans solde, abandon de poste formalisé, etc.).
À défaut, l’absence de bulletin ou le versement d’un salaire nul expose l’employeur à une condamnation pour rappel de salaire.
Correction des documents de fin de contrat
La remise d’un bulletin conforme, d’une attestation chômage actualisée et d’un reçu pour solde de tout compte rectifié s’impose si le salarié obtient gain de cause.
Ces documents doivent refléter les sommes dues au titre de la période d’août à septembre 2021, sous peine d’irrégularité documentaire.