Contexte de l'affaire
Un salarié, victime d’un accident du travail, est déclaré apte au travail par le médecin du travail, à condition d’éviter le port de charges de plus de 10 kgs sans l’utilisation d’une transpalette électrique.
L’employeur n’ayant pas vérifié que tous les points de livraison de la tournée du salarié étaient effectivement dotés de cet équipement, en particulier chez les clients, le salarié fait une demande de résiliation judiciaire.
La Cour d’appel déboute le salarié de ses demandes : selon elle, l’employeur ne pouvait pas vérifier si ses clients respectaient bien les recommandations du médecin du travail.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rappelle que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité, et , dans ce cadre selon l’article L.4121-1 du code du travail, il doit tenir compte des recommandations du médecin du travail à l’égard du salarié et en vérifier l’effectivité dans tous les lieux de l’entreprise où le salarié effectue ses missions, y compris chez ses clients.
Les questions soulevées par l’arrêt
- Quelle est la portée de l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur ?
- Quel est le périmètre de cette obligation ?
Les points clés de la décision de la Cour de cassation
L’employeur qui est informé de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste ou du temps de travail d’un salarié, justifiées par des considérations relatives notamment à son âge ou à son état de santé physique et mental, doit prendre en compte les indications ou les propositions émises par le médecin du travail.
En cas de refus, l’employeur doit faire connaître par écrit au salarié et au médecin du travail les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation souligne que l’obligation de sécurité de l’employeur ne se limite pas aux locaux de sa propre entreprise.
Cette obligation, est également extra-contractuelle et impose à l’employeur de garantir la sécurité de ses salariés partout où ils travaillent , et pas seulement dans les locaux de l’entreprise.
L’employeur doit pouvoir justifier avoir mis en œuvre les mesures prescrites par le médecin du travail.
A cette fin, il doit vérifier si ces aménagements existent au sein des lieux sur lesquels le salarié est amené à intervenir et ne peut pas se contenter d’affirmer que les lieux d’intervention du salarié correspondent à des lieux tiers, appartenant à des sociétés clientes, ne lui permettant pas de savoir si les aménagements requis sont mis en œuvre.
L’employeur peut être tenu responsable du défaut d’équipement chez les sociétés clientes car, dans le cadre de son obligation de sécurité, il lui incombe de s’assurer que les recommandation du médecin du travail sont concrètement mises en œuvre, non seulement au sein de l’entreprise mais aussi dans tous les lieux d’intervention du salarié .
A défaut, son manquement constitue une faute de l’employeur au regard de son obligation générale de sécurité.
Impact sur l’employeur
L’employeur doit faire respecter les préconisations du médecin du travail partout, y compris chez les entreprises tierces et c’est à lui de vérifier qu’elles y sont bien respectées même si le salarié ne signale pas lui-même un manquement.
Un manquement est constitutif d’une faute dont les conséquences peuvent être lourdes, tant sur le plan juridique que financier.
Conclusion
S'il est de jurisprudence constante que les préconisations du médecin du travail s’imposent à l’employeur, ces préconisations ne s'arrêtent cependant pas aux portes de l'entreprise.
En effet , dans cet arrêt, la Cour de cassation étend cette obligation aux entreprises tierces, notamment les entreprises clientes.
Cet arrêt de la Cour de cassation est pour l’employeur :
- un rappel essentiel de l'étendue et de la rigueur de l'obligation de sécurité de l'employeur.
- un appel à la vigilance et à la proactivité dans la gestion de la sécurité au travail.