Contexte de l'affaire
L’affaire en bref
Une salariée d’une entreprise avait transféré depuis sa messagerie professionnelle un courriel, accompagné de pièces jointes, vers son adresse électronique personnelle.
L’employeur lui reprochait d’avoir contrevenu aux règles de sécurité informatique internes, estimant que ces documents pouvaient contenir des informations confidentielles. Aucune preuve n’a cependant démontré que les données avaient été divulguées ou exploitées par des tiers.
La salariée, qui justifiait d’une certaine ancienneté, n’avait jamais fait l’objet de rappel à l’ordre ni de sanction disciplinaire avant cet incident. L’entreprise avait néanmoins engagé une procédure de licenciement pour faute.
"Réponse de la Cour
5. La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
6. La cour d'appel a constaté que la salariée avait transféré de sa messagerie professionnelle vers son adresse électronique personnelle, un courriel contenant des pièces jointes, contrevenant ainsi à ses obligations en matière de sécurité informatique, aucun élément ne permettant toutefois de lui imputer une transmission de ces données confidentielles à des personnes extérieures à l'entreprise.
7. Ayant ensuite relevé l'ancienneté de la salariée et l'absence de toute sanction ou rappel à ses obligations avant la procédure de licenciement, elle a pu déduire de ses constatations et énonciations, que ces faits ne rendaient pas impossible son maintien dans l'entreprise et a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, qu'ils ne pouvaient constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lyreco France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lyreco France et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;"
Commentaire de LégiSocial
Décision de la Cour
La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel, qui a considéré que le licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse. Trois arguments principaux soutiennent cette position :
Une faute isolée sans conséquences établies
Le comportement de la salariée constitue une entorse aux obligations de sécurité informatique mais aucun élément ne prouve une divulgation effective de données à des tiers, ni un préjudice concret pour l’entreprise.
Contexte atténuant et proportionnalité de la sanction
Les juges ont relevé l’ancienneté de la salariée, l’absence d’antécédents disciplinaires et le fait qu’elle n’avait jamais été sensibilisée ou rappelée à ses obligations sur ce point. En l’absence de toute récidive ou de mise en garde préalable, la sanction de licenciement a été jugée disproportionnée.
Application du Code du travail sur la cause réelle et sérieuse
La Cour rappelle les exigences posées par l’article L1232-1 du Code du travail, qui stipule que tout licenciement pour motif personnel doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse. Elle rappelle également le principe selon lequel une faute, même avérée, doit être suffisamment grave et contextuellement proportionnée pour justifier une rupture du contrat de travail.
En conséquence, le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse. Conformément à l’article L1235-3 du Code du travail, ce constat ouvre droit, pour la salariée, à une proposition de réintégration dans l’entreprise avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie alors une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est encadré par les planchers et plafonds prévus par la loi.
Impact en paie
Cet arrêt rappelle plusieurs éléments à intégrer :
- Importance du règlement intérieur et des rappels à l’ordre : sans rappel explicite des obligations de sécurité informatique, un manquement ponctuel peut ne pas suffire à justifier un licenciement.
- Ancienneté et dossier disciplinaire à prendre en compte : ces éléments peuvent atténuer la gravité d’une faute.
- Conséquence pour les indemnités : en l’absence de cause réelle et sérieuse, le licenciement peut ouvrir droit à des indemnités pour le salarié.
Il semble donc essentiel de documenter rigoureusement les manquements et d’appliquer une gradation dans les sanctions disciplinaires.