Cumul d’emplois : la Cour de cassation rappelle les règles

Jurisprudence
Paie Indemnité de licenciement

La seule circonstance que, du fait d'un cumul d'emplois, un salarié dépasse la durée maximale d'emploi ne constitue pas en soi une cause de licenciement.

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Un salarié est engagé le 10 janvier 1994 par une société d’automobile, en qualité de monteur.

En dernier lieu, il occupe la fonction d'exploitant industriel qualité. 

Le 6 mars 2018, il est déclaré apte à son poste par le médecin du travail, sous réserve d'un aménagement d'horaire en mi-temps thérapeutique. 

Il est convoqué par courrier du 14 mai 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire, puis est licencié le 7 juin 2018, son employeur lui reprochant notamment un cumul d'emplois avec celui de chauffeur de bus en 2017 et 2018. 

Contestant cette rupture, le salarié saisit la juridiction prud'homale. 

La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 16 septembre 2021, déboute le salarié de sa demande, retenant pour cela que :

  • Le salarié avait travaillé pour un autre employeur en 2017 sans informer préalablement la société de l'accomplissement de ce second emploi ;
  • Ce qui avait eu pour effet un non-respect des durées maximales de travail et une violation de l'obligation de sécurité faisant courir des risques aux autres salariés de l'entreprise ;
  • Peu important que cette situation de cumul irrégulier ait disparu au jour du licenciement et que l'employeur ne l'ait pas mis en demeure de choisir l'emploi qu'il souhaitait conserver comme invoqué par le salarié.

La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, indiquant à cette occasion que : 

En application des dispositions légales :

  • Un salarié peut cumuler plusieurs emplois à condition de faire preuve de loyauté envers ses employeurs en n'exerçant pas d'activités concurrentes et sauf clause contraire de son contrat de travail, cette liberté cédant toutefois devant l'obligation de respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail. 
  • La seule circonstance que, du fait d'un cumul d'emplois, un salarié dépasse la durée maximale d'emploi ne constitue pas en soi une cause de licenciement ;
  • Seul le refus du salarié de régulariser sa situation ou de transmettre à son employeur les documents lui permettant de vérifier que la durée totale de travail n'excède pas les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires constitue une faute.

Dans l’affaire présente, il avait été constaté :

  1. D’une part que le salarié avait transmis les éléments permettant à son employeur de vérifier le respect des durées maximales de travail ;
  2. Et que le cumul irrégulier avait disparu au jour du licenciement ;
  3. La cour d’appel ne pouvait pas considérer que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour 

Vu les articles L. 8261-1, L. 8261-2, L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail :

  1. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un salarié peut cumuler plusieurs emplois à condition de faire preuve de loyauté envers ses employeurs en n'exerçant pas d'activités concurrentes et sauf clause contraire de son contrat de travail, cette liberté cédant toutefois devant l'obligation de respecter les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail.
  1. La seule circonstance que, du fait d'un cumul d'emplois, un salarié dépasse la durée maximale d'emploi ne constitue pas en soi une cause de licenciement, seul le refus du salarié de régulariser sa situation ou de transmettre à son employeur les documents lui permettant de vérifier que la durée totale de travail n'excède pas les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires constitue une faute.
  1. Pour dire que le licenciement pour faute repose sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'apprenant courant mars 2018 l'existence d'un éventuel double emploi, l'employeur l'a convoqué pour le 28 mars 2018, « afin de remplir ensemble l'attestation de double emploi » et, à compter de cette date, le salarié a rempli des demandes d'autorisation que la société lui a accordées. Il ajoute que cette information permettait à l'employeur de vérifier justement que le salarié respectait, au cours de l'ensemble de ses emplois, la durée maximale de travail, et qu'il ne se mettait pas en danger et ne mettait pas en danger ses collègues de travail par un épuisement professionnel.
  1. Il retient encore qu'il ressort de la pièce 10 du salarié que celui-ci a travaillé pour un autre employeur en 2017 sans informer préalablement la société de l'accomplissement de ce second emploi, ce qui a eu pour effet un non-respect des durées maximales de travail et une violation de l'obligation de sécurité faisant courir des risques aux autres salariés de l'entreprise, peu important que cette situation de cumul irrégulier ait disparu au jour du licenciement et que l'employeur ne l'ait pas mis en demeure de choisir l'emploi qu'il souhaitait conserver comme invoqué par le salarié.
  1. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait transmis les éléments permettant à son employeur de vérifier le respect des durées maximales de travail et que le cumul irrégulier avait disparu au jour du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [D] de sa demande pour exécution déloyale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°21-24238

Dans la présente affaire est abordée la durée maximale du travail, rappelons quelques notions à ce sujet, et plus précisément la durée maximale hebdomadaire.

Les informations ci-après transmises sont extraites d’une fiche pratique proposée sur notre site et exclusivement dédiée à cette thématique :  

2 catégories de durées maximales

En ce qui concerne la durée maximale quotidienne, il convient de distinguer :

  1. La durée maximale absolue ;
  2. Et la durée maximale relative. 

Durée maximale « absolue »

Cette durée maximale « absolue » est confirmée par l’article L 3121-20 à 48 heures par semaine.

Article L3121-20 

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.

L’article L 3121-21 modifié présentement par la loi travail confirme les dispositions complémentaires suivantes :

  • Le dépassement de cette durée maximale peut être autorisé par l'autorité administrative, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de 60 heures par semaine ;
  • Ce dépassement est prévu en cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci ;
  • Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s'ils existent, donnent leur avis sur les demandes d'autorisation formulées à ce titre. Cet avis est transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail.

Article L3121-21

Modifié par Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 - art. 4

En cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci, le dépassement de la durée maximale définie à l'article L. 3121-20 peut être autorisé par l'autorité administrative, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine. Le comité social et économique donne son avis sur les demandes d'autorisation formulées à ce titre. Cet avis est transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail.

Durée maximale hebdomadaire « relative »

La durée maximale « relative » est fixée à 44 heures, sur une période quelconque de 12 semaines consécutives, sauf cas de dérogations prévus aux articles L 3121-23 à L 3121-25 que nous abordons ci-après.

Article L3121-22 

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3121-23 à L. 3121-25.

Dans le cadre de la négociation collective, il peut être dérogé à la durée maximale relative, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée, calculée sur une période de 12 semaines, à plus de 46 heures.

Cette dérogation peut être prévue par :

  • Convention ;
  • Accord d'entreprise ou d'établissement ;
  • Ou, à défaut, par convention ou un accord de branche

Article L3121-23 

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de quarante-quatre heures calculée sur une période de douze semaines consécutives, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée, calculée sur une période de douze semaines, à plus de quarante-six heures.

Enfin dans le cadre des « dispositions supplétives », et au sein des articles L 3121-24 à L 3121-26, les dérogations possibles sont prévues et sont à confirmer par décret à venir :

  • À défaut d'accord collectif, le dépassement de la durée maximale hebdomadaire « relative » est autorisé par l'autorité administrative dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, dans la limite d'une durée totale maximale de 46 heures.
  • À titre exceptionnel, dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, le dépassement de la durée maximale de 46 heures prévue aux articles L. 3121-23 et L. 3121-24 peut être autorisé pendant des périodes déterminées, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Nota : le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s'ils existent, donnent leur avis sur les demandes d'autorisation formulées auprès de l'autorité administrative en application des articles L. 3121-24 et L. 3121-25. Cet avis est transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail.

Article L3121-24 

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

A défaut d'accord prévu à l'article L. 3121-23, le dépassement de la durée maximale hebdomadaire prévue à l'article L. 3121-22 est autorisé par l'autorité administrative dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, dans la limite d'une durée totale maximale de quarante-six heures.

Article L3121-25 

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

A titre exceptionnel, dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, le dépassement de la durée maximale de quarante-six heures prévue aux articles L. 3121-23 et L. 3121-24 peut être autorisé pendant des périodes déterminées, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Article L3121-26

Modifié par Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 - art. 4

Le comité social et économique donne son avis sur les demandes d'autorisation formulées auprès de l'autorité administrative en application des articles L. 3121-24 et L. 3121-25. Cet avis est transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail. 

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